MONOGRAPHIE DE PARCOURS PEDAGOGIQUES DIVERSIFIES
Sommaire :
·
RAPPEL DU
CONTEXTE
· OBJECTIFS DE l’ACTION
· DEMARCHES
CHOISIES
·
REGARDS SUR L’ACTION
·
Evaluation de l’action
· PERSPECTIVES
·
TRANSFERTS /
DIFFUSION
·
DOCUMENTS
·
Zoom
I.
DESCRIPTION DE L’ACTION
Les parcours
diversifiés au collège Michel Servet de Charlieu ont été mis en place pour investir activement les élèves dans l’apprentissage des savoirs. En
créant une structure autre que
celle habituelle, en éclatant le
groupe classe, en rassemblant une équipe
pédagogique différente (c’est-à-dire que les professeurs n’avaient pas
automatiquement de classes de ce niveau cette année-là), on a voulu mettre
en place une dynamique du savoir,
dans laquelle l’élève se retrouverait aisément (choix du parcours, motivation renforcée, savoirs mis
en pratique concrète).
II RAPPEL DU CONTEXTE :
Introduction
1.Enseigner différemment ? pourquoi?
Le métier d'enseignant est à bien des égards un métier difficile mais
surtout ambigu. Comment en effet concilier le fait que la position même de
professeur amène celui-ci à porter un jugement sur des individus (les élèves)
tout en conservant un regard critique sur l'individu qu'il est lui-même en
face des élèves. Car dans cette position il se doit d'être exigent, créatif
et disponible, et le discours des professeurs en dehors des cours n'est-il
pas souvent symptomatique d'un malaise. On entend souvent dire en salle des
professeurs ou en conseil de classe que les élèves manquent de motivation,
qu'ils ne sont pas suffisamment attentifs, qu'ils manquent d'initiative et
qu'ils ne travaillent que pour les notes qui représentent en quelque sorte
leur salaire ? Dans le même temps, les professeurs doivent puiser en
eux-mêmes une énergie considérable pour continuer d'exercer leur profession
avec enthousiasme, créativité et finalement avec les mêmes exigences que
celles qui sont demandées aux élèves. Chacun sait que les élèves renvoient
souvent au professeur une image négative qui est celle de ses échecs, de
ses doutes, de son découragement
2.La démarche de l’enseignant vers le
parcours diversifié.
C'est à partir de ce constat, personnel et pas toujours avoué, qu'il
nous a semblé que la création des parcours diversifiés venait à point pour
secouer des vieilles habitudes de confort (juger les élèves sur leurs
résultats au lieu de s'interroger sur nos propres échecs) et remettre en
question une certaine forme d'enseignement désuète qui prend davantage en
compte le contenu d'un programme à assimiler plutôt que les compétences et
les aptitudes des élèves. Si les programmes rassurent, ils laissent de côté
une fonction de l'enseignant qui nous paraît prépondérante : donner aux
élèves la possibilité de trouver à l'école le moyen de s'épanouir par le
plaisir d'apprendre. Il s'agissait donc de s'interroger sur les causes de
leur réussite ou de leur échec pour faire ressortir l'élément principal qui
permettrait de renouer le dialogue entre enseignants et élèves : la
motivation par l'enthousiasme partagé, par l'intérêt que l'on porte à ce
que l'on fait. Et pour cela il fallait se pencher sur ce qui peut motiver
un élève : sa compétence, c'est-à-dire sa faculté de réussir dans ce qui
lui plaît et ce qu'il sait déjà faire. Ne sommes-nous pas nous-mêmes plus
performants quand nous aimons ce que nous faisons?
Nous nous sommes alors portés volontaires pour l'expérience des
parcours diversifiés quand nous avons entendu parler de cette action qui
recherchait une équipe innovante qui ferait travailler des élèves en
s'appuyant sur leurs compétences et proposerait des activités à partir de
leurs centres d'intérêt.
Il va sans dire qu'il ne pouvait s'agir d'une panacée qui se
substituerait complètement au cours traditionnel, mais d'une activité
diversifiée qui aurait peut-être l'avantage de réconcilier les élèves avec
l'école.
1. La proposition et la
mise en place des parcours :
1.1 Comment choisir un parcours ? sur quels
critères ?
Quand l'administration de notre collège nous a invités à réfléchir
sur les parcours diversifiés, le projet était encore mal défini. Nous ne
savions pas ce qu'il nous serait permis de faire, si les parcours devaient
obligatoirement s'inscrire dans le cadre de programmes disciplinaires,
quels moyens nous seraient attribués, etc. Mais dans ce flou à peu près
total qui nous était présenté, une idée forte nous a cependant séduits : il
s'agissait de travailler autrement que dans le cadre strict de nos cours en
nous appuyant sur les compétences des élèves. Il restait à définir ce que
l'on entendait par compétence
mais il apparaissait bien qu'au lieu de chercher à combler les lacunes
d'élèves en difficultés nous pouvions faire converger à la fois nos goûts
particuliers et ceux des élèves. Les professeurs volontaires seraient donc
amenés à définir un choix d'activités où les élèves pourraient s'inscrire.
Ces choix constitueraient la base d'ateliers dans lesquels les activités
proposées aboutiraient à une production finale où la réussite individuelle
ne serait pas sanctionnée par une note mais par un véritable apprentissage
mis en pratique. Cela permettrait de démontrer que sans être obsédés par
les programmes nous pouvions trouver des activités annexes susceptibles de
revaloriser les élèves dans un apprentissage fondé sur leur motivation.
1.2 Un nouveau contrat d’enseignement
Ainsi les parcours conservaient l'originalité d'une véritable volonté
d'innovation puisqu'ils ne seraient ni un cours traditionnel, ni un club,
ni du soutien, ni une classe de niveau.
Encore fallait-il mettre en place une structure adéquate qui nous
permettrait de fonctionner dans une telle optique.
Pour cela, il fut décidé que chaque professeur inscrit dans le projet
proposerait une stratégie pédagogique qui justifierait le choix du thème
retenu. Ces thèmes seraient ensuite donnés aux élèves de 5ème sous la forme
d'une grille de choix où ils pourraient s'inscrire.
D'autres éléments allaient donner plus de crédibilité à chacune de
ces actions :
- L'horaire retenu : une heure trente le jeudi de 10h15 à 11h45 : il
s'agirait donc d'un horaire hebdomadaire, obligatoire, inscrit pendant les
heures des cours.
- Un enseignement disciplinaire non strict.
- La possibilité d'activités transversales en faisant intervenir des
professeurs d'autres disciplines ou des intervenants extérieurs.
- Les parcours seraient soit semestriels soit annuels, selon les
objectifs à atteindre.
- Les parents seraient informés de notre action (Lettre aux parents).
2. Modalités d’engagement de
l’équipe dans le dispositif Innovation-valorisation :
A Charlieu, l’équipe a été rassemblée autour du volontariat des
enseignants, sans contrainte de durée. S’agissant de travailler sur la
motivation partagée entre les élèves et les professeurs, il était donc
impensable de contraindre qui que ce soit à entrer dans les parcours
diversifiés.
Il se trouve que, de manière fortuite, entre l’année 1997-1998 et 1998-1999,
neuf des dix enseignants ont reconduit leur participation. La preuve est
ainsi faite que les parcours diversifiés ont rencontré, parmi tous les
enseignants du collège, des enseignants impliqués, grâce à la liberté
d’action que l’on s’était fixé dès le début.
III. OBJECTIFS DE l’ACTION
1. Objectifs initiaux :
Motiver. En offrant la
possibilité à l’élève de choisir un parcours plutôt qu’un autre, c’était
rendre l’enfant acteur d’une
pratique scolaire. Généralement, il ne lui est pas offert de choix, ceux-ci
étant faits au préalable par l’enseignant (voire l’administration). Parce
qu’il fait un choix (qui a toujours été respecté), l’élève arrive plus disponible, toujours prêt à s’investir.
Travailler différemment.
Chaque enseignant établit un programme bien précis pour son action. Dès le départ,
un objectif de production est fixé. Pendant la durée du parcours, chaque
élève a donc lui aussi en perspective cette production. De ce fait, les
compétences sont utilisées, de nouvelles sont montrées et maîtrisées sans
que cela soit ressenti négativement
par l’élève.
2. Evolution des objectifs sur les
deux années d’expérimentation
Le bilan de la première année fut très positif car dans l’ensemble
une dynamique avait été créée, doublée d’une attente de la part des élèves.
Dynamique. Les parcours
diversifiés ont lieu, depuis deux ans, le jeudi matin de 10h15 à 11h45. Mis
ainsi en milieu de semaine, ils apparaissent comme une continuité du
travail effectué en classe, non comme un moment récréatif. C’est à ce
moment-là que le taux d’absentéisme est le plus bas pour ce niveau de
classe.
Attente. Les élèves de
sixième sont demandeurs des parcours. Le bouche à oreille fonctionne très
bien. De plus, on a pu remarqué cette année une certaine déception d’élèves
de quatrième pour qui les parcours diversifiés n’ont pas été mis en place.
C’est pourquoi il est actuellement impensable de mettre fin à ce travail.
Les objectifs initiaux ont été augmentés d’une aide au choix du parcours. Afin que celui-ci permettent aussi
de remédier à une des
difficultés des élèves, lors des choix, un enseignant leur a expliqué les
parcours et aiguillé l’élève dans son choix final afin que ce dernier
réponde à une difficulté. Nous nous sommes appuyés sur des évaluations de
fin de sixième que nous avions établies l’année précédente.
IV DEMARCHES CHOISIES
1. L'expérience pratique :
Dès le début de l'année scolaire 97-98, il a été demandé à chaque
professeur désirant participer au projet d'innovation de définir le thème
qu'il allait proposer aux élèves en précisant les buts pédagogiques visés,
la durée de son parcours, les tâches envisagées et la production finale
souhaitée. Pour cela chacun devait s'appuyer d'une part sur ses propres
objectifs d'apprentissages, d'autre part sur les compétences des élèves.
Enfin, chaque professeur pouvait proposer une collaboration avec un
autre enseignant (interdisciplinarité) ou avec un intervenant extérieur, en
devenant maître d'œuvre.
La première année, la liste de parcours proposés fut la suivante :
1. La proportionnalité dans la vie courante et ses applications pour
comprendre le monde (prof de mathématiques)
2. Réalisation de démarches expérimentales : étude de la nutrition,
de la respiration, de la circulation, etc. (prof de science)
3. Ecriture d'une histoire au Moyen-Age et réalisation d'un livre
avec des illustrations (prof de français)
4. Approche de la civilisation romaine antique à travers l'art romain
et réalisations pratiques de panneaux documentaires, de mosaïques ou de
maquettes d'un temple (Prof de latin)
5. Connaissance et prévision des phénomènes météorologiques : atelier
météo, maquettes, etc. (prof de science)
6. Initiation à l'image : images fixes, cinéma, etc. et production
d'images (prof d'histoire)
7. Réalisation d'un jeu historique (prof d'histoire)
8. S'approprier une langue vivante au travers de diverses activités
(prof de langues)
9. Inventer et rédiger une histoire pour réaliser un livre (prof de
français)
10. Expression théâtrale par la maîtrise du corps et de
l'articulation d'un texte (prof de français)
Ainsi les buts visés par les enseignants relevaient bien d'un intérêt
pédagogique incontestable et ne comportaient aucune contradiction avec les
programmes.
2.Descriptif de certaines
tâches mises en pratique avec leur réalisation finale.
Le parcours concernant l'étude et la réalisation de démarches
expérimentales reposait sur l'observation suivie d'un questionnement et
d'hypothèses formulées par les élèves eux-mêmes. Il s'agissait aussi de
leur permettre d'acquérir une approche des différentes étapes d'une
démarche expérimentale à l'aide de supports variés tels que des documents,
l'outil informatique et le matériel scientifique. Enfin les élèves
pouvaient observer de façon concrète la respiration et la nutrition des
êtres vivants.
Les compétences requises comprenaient leur capacité d'observation,
d'écoute, de compréhension des consignes, d'imagination d'hypothèses ; à
partir de là, les élèves devaient être capables de s'interroger, de
s'exprimer clairement, de réaliser un travail collectif ou personnel soigné
tout en respectant les autres et en se sentant responsables de leur
travail.
Enfin le but final prenait forme dans la réalisation de panneaux
présentant leur démarche expérimentale.
Autre parcours, celui concernant la météo. Il devait reposer sur les
notions de savoir (par l'apprentissage) et de savoir-faire (par la mise en
pratique) : Acquisition d'un vocabulaire de base (noms des nuages, des
vents, des climats, etc.) et connaissance des divers types d'appareils de
mesures et de leur utilisation.
Le savoir-faire prenait toute sa valeur dans la maîtrise de la
lecture silencieuse et à voix haute, le repérage dans l'espace, la
recherche de documents, la réalisation de calculs et de graphiques, la
réalisation d'une enquête, la lecture d'articles ou de cartes dans les
quotidiens.
Deux buts étaient essentiellement visés : d'une part la réalisation
d'un dossier personnel à partir des documents fournis, d'autre part la
réalisation de panneaux explicatifs ou d'un abri météo.
Ce parcours envisageait également l'interdisciplinarité avec des
professeurs de français (recherche et lecture de textes), de langue
(lecture de bulletins météo étrangers), de géographie (étude des climats),
de sciences (techniques de mesure), d'art plastique (panneaux
d'exposition), de mathématiques (réalisation d'histogrammes et de
graphiques).
Le parcours proposé par le professeur de latin et concernant
l'approche de la civilisation romaine antique à travers l'art (notamment la
mosaïque) s'attachait à la découverte de cette civilisation grâce à l'étude
des formes variées qu'elle a pu prendre : les mythologies, la vie
quotidienne, l'agriculture, etc.
Les objectifs d'apprentissages s'appuyaient sur la curiosité des
élèves, leur sens de l'observation, leur rigueur d'analyse, la maîtrise du
tracé géométrique et leur minutie pour réaliser la production finale d'une
mosaïque ou plus simplement d'une maquette de mosaïque en papier cartonné
(accompagné d'un panneau documentaire).
Un autre parcours, mis en place par un professeur d’Histoire
Géographie s'appuyait sur l'outil vidéo. Il envisageait deux tâches
possibles : La lecture de paysages à l'aide de l'image ou la réalisation
d'un documentaire sur l'abbaye bénédictine de Charlieu.
Les élèves recevaient une initiation à la méthode d'analyse du
paysage et la maîtrise de nouvelles technologies. Il s'agissait aussi de
sensibiliser les élèves au patrimoine local.
Les tâches allaient du repérage sur le terrain à l'écriture d'un
scénario de documentaire en passant par la technique de l'interview et
débouchaient sur l'apprentissage de la prise de vue et du montage.
Les élèves devaient donc être capables de prendre des initiatives, de
savoir gérer le matériel, de rigueur et de minutie dans l'accomplissement
des tâches, d'aiguiser leur sens de l'observation et du dialogue et de trouver
une nouvelle motivation pour le contexte historique et géographique.
Dans son parcours visant à l'élaboration d'une nouvelle se déroulant
au Moyen-Age, le professeur de français concerné se préoccupait lui aussi
de motiver les élèves en s'appuyant sur la connaissance de la ville où se
situe leur collège : Charlieu, cité médiévale. Les élèves pouvaient
travailler sur des textes historiques tout en trouvant des exemples sur
place afin de situer le cadre de leur propre récit. Il ne devait pas s'agir
seulement d'un travail sur le vocabulaire du moyen âge mais aussi de
découvrir une mise en forme appropriée par la calligraphie. Cela apprenait
enfin aux élèves à travailler par groupes en les responsabilisant sur une
réalisation personnelle et concrète.
Un autre type d'écriture, en anglais cette fois-ci, allait donner aux
élèves l'occasion de pratiquer une langue étrangère pour en améliorer la
compréhension et la maîtrise. L'aspect civilisation apparaissait dans le
cadre du roman de Charles Dickens, Oliver Twist : Londres au XIXème siècle.
Pour le parcours d’expression théâtrale, le professeur de français
tenait à se démarquer d’une activité type “club” pour insister sur l’aspect
formation à une discipline interactive. Il ne s’agissait pas en effet de
“jouer dans une pièce de théâtre” mais d’assimiler les moyens techniques
qui peuvent contribuer à la maîtrise de soi dans une intervention orale et
face au regard d’autrui. Ici encore le point de départ était le constat
d’échec formulé par les élèves dans la situation des cours traditionnels :
timidité, manque d’attention, etc.
On leur apprenait donc à prendre conscience de leur corps par la
relaxation, à maîtriser le silence par la concentration, à aiguiser leur
écoute attentive, à trouver les ressources vocales et physiques de
l’expression orale, à faire preuve d’esprit critique et autocritique, à
respecter les autres et à développer leur mémoire. Ces activités
travaillées sous forme d’ateliers d’expression et de jeux collectifs
devaient trouver une application bien plus large dans toute activité
scolaire où l’élève a besoin de prendre confiance en lui.
On peut constater, grâce au descriptif de ces quelques exemples de
parcours proposés aux élèves, que les buts visés par les professeurs
dépassaient largement le cadre strict d'un programme pour les confronter à
des situations concrètes d'applications de leurs connaissances.
Par-delà des activités nouvelles et diversifiées, le but des
professeurs avait toujours le double objectif d’améliorer sa relation avec les élèves en leur donnant de
réelles possibilités d’épanouissement personnel et d’améliorer leur vécu
scolaire en limitant au maximum les facteurs d’échec les plus fréquemment
rencontrés.
V. REGARDS SUR L’ACTION
1. Penser diversifié
Les parcours diversifiés permettent aux enseignants d’aborder leur matière
différemment, aux élèves d’être en situation d’apprentissage nouvelle. Au
collège de Charlieu, le sens de « diversifié » a donc été entendu
comme « autre ». Se lancer dans cette expérience, c’était
absolument partir sur des sentiers jusque là peu explorés. Pourtant, nous
nous sommes vite heurtés au problème suivant : comment faire diversifié
tout en enseignant ?
2. Obstacles à éviter / objectifs à atteindre
Choisir l’entrée ludique
risquait de conduire invariablement au club. Opter pour une relation plus conventionnelle avec les élèves nous
privait de la diversification. Pour finir, nous focalisions notre intérêt
sur la production finale. Ayant
tous constaté que l’école laisse très peu de place à la création, nous
tâchions de placer celle-ci au coeur des parcours diversifiés. En laissant
aux élèves l’entière liberté de finaliser leur production (à partir d’un
thème que nous avions préalablement choisi), c’était les forcer à prendre l’initiative — qu’on a trop
tendance à leur retirer en cours traditionnel à cause des programmes, du
nombre d’élèves, du peu de temps que l’on a pour travailler, etc.
Il est rapidement apparu évident que cette initiative était
proportionnelle au degré de motivation
que pouvait avoir un élève à chaque fois qu’il entrait en cours. Celle-ci
pouvait varier au gré des séances. Toutefois, il est intéressant de
souligner que le taux d’absentéisme des cinquièmes était très faible le
jour des parcours diversifiés. C’est là un effet positif : redonner
l’aspect attractif à l’école. Il
s’agissait désormais d’allier tous ces critères : motivation, pouvoir
attractif, prise d’initiative en vue d’une production finale.
3. Aspects innovants de l’action / moyens dépassés
Cela a nécessité des moyens. Sortir de la classe habituelle. Eclater les
groupes classes. Viser une production finale. Tout a demandé énormément de moyens. C’est là un des points
vitaux de ce type d’enseignement. Ouvrir les élèves sur une autre réalité
scolaire, c’est les confronter à d’autres technologies (informatique, numérique,
vidéo,etc.), d’autres perceptions de certains enseignements (anglais,
français, histoire, SVT, etc.). Réaliser des expériences sur le système
respiratoire ou digestif nécessite un matériel fragile et coûteux. Elaborer
un document informatique sur l’établissement ne souffre pas, pour son bon
déroulement, un parc d’ordinateurs « antédiluviens ». Et cela va
ainsi pour tous les parcours.
4. Perception des parcours par l’équipe engagée dans leur
réalisation
Comment aborder, suite à un tel constat, le chapitre des
perspectives, sans se lancer dans une diatribe (habituelle diatribe dès
qu’il s’agit de transformer l’enseignement) sur les moyens financiers, en
heures et en personnel. Choisir de mettre huit classes de cinquième en
barrette, avec au moins dix professeurs pour atteindre des groupes
relativement légers, fait appel à une souplesse de fonctionnement, à une
budgétisation des parcours qui ne soit pas réduite à la portion congrue (ou
un crédit photocopie d’une pauvreté effarante...).
D’autre part, l’aspect qui nous a paru très intéressant de souligner
est tout ce qui concerne des retombées
sur le cours traditionnel. Comment évaluer celles-ci quand les élèves en
face de qui nous sommes nous sont inconnus ? Comment percevoir l’évolution,
les progrès d’un élève quand l’activité proposée n’a plus que des liens
ténus avec ce qui peut être fait en classe entière — c’est une des limites
rencontrée à Charlieu à force de vouloir faire « diversifié » — ?
Le maître d’oeuvre se retrouve quasi automatiquement en marge de l’équipe
pédagogique car son activité n’est pas évaluée selon les critères habituels
du bulletin trimestriel.
Enfin, dernière interrogation, et par voie de conséquence, dernière
perspective de réflexion pour l’équipe des parcours : nous nous sommes
heurtés à la difficulté, parce que provenant d’un antagonisme, de mettre en
place des parcours durant lesquels nous aurions pu à la fois être attractif (et donc motiver ceux qui
viennent) et répondre à un besoin (scolaire).
Mais l’avenir des parcours sur Charlieu tient surtout à ce que
l’équipe pédagogique fonctionnant sur ceux-ci puissent s’agrandir : comment motiver les collègues ?
5. Perception des parcours par l’extérieur
Conséquence de la dernière interrogation : il aura fallu près de deux
années pour arriver à convaincre une frange, réduite, de l’équipe
pédagogique du collège à rejoindre les innovants. Les résultats atteints en
ce qui concerne la motivation et la dynamique des élèves a encouragé
certains à proposer pour la troisième année un parcours.
On peut toutefois regretter que s’engager dans les parcours ne soit
encore le fait que d’une extrême minorité. La pratique de ceux-ci est bien
trop marginale, car elle remet en cause l’habitude de se rassurer avec un
cours traditionnel
Les parents sont, de leur côté, très satisfaits. En effet, l’écho
répercuté par les élèves étant très souvent positif, ils sont eux aussi
demandeurs de ce type d’enseignement.
VI
Evaluation de l’action
Les parcours diversifiés n’étant pas notés, il s’agissait maintenant
d’estimer la progression et les acquisitions des élèves par des moyens plus
valorisants que les notes qui étaient souvent ressenties comme le constat
de leur échec.
Le premier type d’évaluation mis en place fut une appréciation des
professeurs sur le bulletin trimestriel : celle-ci démontrait en même temps
la volonté d’inscrire les parcours dans une démarche d’apprentissage
convergente avec celle des cours traditionnels. Le premier écueil aurait en
effet été de marginaliser les parcours aux yeux des parents ou des autres
professeurs. Les élèves eux-mêmes pouvaient retrouver dans ces
appréciations le reflet de leur motivation.
Le deuxième type d’évaluation adopté par certains professeurs fut un
bilan présenté sous forme de grilles où les élèves pouvaient estimer eux-mêmes
leurs résultats. Les mêmes grilles étaient conjointement remplies par les
professeurs de façon à établir une comparaison entre leur propre
appréciation et celle des élèves.
Les principales remarques des élèves portaient sur leur choix qui
n’avait pas toujours été respecté et sur les différences d’approche des
parcours par rapport aux cours traditionnels. L’ensemble se disaient plutôt
satisfaits et avouaient avoir appris des notions intéressantes mais qui
n’étaient pas forcément reprises en compte dans les autres cours.
VII PERSPECTIVES
Pérennisation des parcours
:
Hormis ces problèmes matériels, les parcours diversifiés étant
essentiellement basés sur l’enthousiasme des professeurs l’un des risques
majeurs de ce type d’action serait de retomber dans une certaine routine
génératrice de lassitude. Il est peut-être difficile de retrouver chaque
année la nouveauté qui avait pu au départ être le moteur de notre
motivation. Mais celle-ci dépend surtout du nombre de professeurs désireux
de s’impliquer car il apparaît que le point sur lequel nous sommes le plus
sceptique reste l’effectif trop important (les groupes étant l’équivalent
d’une classe entière).
Cette situation crée le dilemme suivant : Pour constituer des groupes
restreints, il faut convertir le plus grand nombre possible de professeurs,
or il nous est difficile de ne pas leur communiquer les difficultés que
nous ressentons. Par conséquent nous risquons de nous retrouver dans une
impasse si d’une part aucun professeur ne nous rejoint l’année suivante et
si d’autre part certains professeurs déçus ne reconduisent pas cette
action.
1. Poursuite de l’action
Devant les résultats globalement positifs obtenus, on ne peut être
qu’encouragés à poursuivre les parcours diversifiés dans l’établissement.
2. Développement et
évolution de l’action
Le prochain stade de développement, prochain objectif, est d’arriver
à réduire les groupes de travail
afin d’accroître l’investissement de l’élève dans le parcours. En le
sollicitant encore plus, l’élève devient automatiquement plus acteur et
développe plus de facultés. En effet, il n’y a plus le copain sur lequel on
peut s’appuyer pour réaliser telle ou telle tâche.
Un autre objectif est d’ouvrir ces parcours sur l’extérieur. Une première étape a été faite dans le cadre
du parcours d’expression théâtrale avec la participation à une rencontre
des ateliers théâtre dans les collèges du roannais. Les élèves ont alors
l’impression de ne pas faire du scolaire.
Cela permet donc de sortir de leur représentation habituelle : l’école pour l’école. Sans s’en
rendre compte, ils entrent dans une représentation plus concrète et réelle du collège : apprendre, puis se resservir des acquis à
l’extérieur (et, le cas échéant, en faire participer les autres —
transmetteurs à leur tour).
3. Une interrogation en
suspens
Les parcours répondent à une envie de l’élève de faire du concret
(obligation de la production). Ecrire, filmer, photographier, inventer,
s’exprimer. Pourtant, les réinvestissements scolaires des apprentissages ne
sont pas systématiques. Le cloisonnement des pratiques reste très fort dans
la mentalité des élèves. Du coup, ce qu’on apprend en parcours peut,
parfois, rester lettres mortes. La remédiation attendue se heurte malgré
tout à cet obstacle, duquel naît une nouvelle interrogation : comment
motiver, dynamiser, enrichir tout en apportant des solutions aux
difficultés scolaires de certains
?
VIII. TRANSFERTS / DIFFUSION
cf. ci-dessus.
IX.
DOCUMENTS
- La lettre d’information aux parents
- La fiche d’inscription aux parcours diversifiés
- La grille d’évaluation en fin de 6ème
- Deux exemples de grilles d’évaluation-bilan
Zoom
Réflexions sur les parcours diversifiés
En mai 98 venait le moment d'un
premier bilan qui deviendrait en même temps une base de réflexion à partir
de laquelle chaque professeur (ou l'ensemble de l'équipe) devrait décider
s'il reconduirait ou non son parcours.
Ce premier bilan portait sur les aspects suivants :
- Un certain nombre de points stabilisés constituerait le cadre
nécessaire d'une nouvelle expérience dans le cas d'une reconduction de
celle-ci.
- La structure choisie porterait sur toutes les classes du niveau
5ème mises en barrette pour offrir le choix maximum à chaque élève et
augmenter ainsi leur motivation. Il fut même envisagé d'étendre
l'expérience au niveau 4ème si un nombre suffisant de professeurs se
portaient volontaires à la rentrée suivante.
- Les thèmes proposés seraient fonction des centres d'intérêt des
professeurs et de leurs compétences, sans être limités à leur matière.
- Chaque enseignant devrait être capable de définir clairement les
compétences des élèves afin d'éviter une dispersion de la motivation de
ceux-ci.
- Tous les parcours proposés seraient ancrés dans les objectifs
globaux des programmes de chaque matière sans devenir nécessairement une
partie du programme.
- La motivation des élèves (point fort de notre définition des
parcours) dépendrait de la variété des activités proposées tout au long du
parcours et de la production finale qui serait proposée.
Cependant, certaines difficultés apparaissaient déjà : La
représentation que les élèves s'étaient fait d'un parcours ne correspondait
pas toujours à ce qui leur avait été proposé ni aux compétences visées. De
la démarche nouvelle qui leur était proposée ils retenaient souvent un
aspect ludique qui d’une part jouait le rôle de remotivation pour un grand
nombre et qui d’autre part limitait considérablement l’absentéisme.
Quant aux réponses aux
questionnaires d’évaluation, il en ressortait un certain nombre de points
qu’ils jugeaient eux-mêmes positifs :
- Ils avaient bien conscience d’avoir appris quelque chose ;
- Leurs relations avec leurs camarades s’étaient améliorées ;
- Ils avaient fait preuve d’une meilleure concentration pour mener à
bien leurs tâches.
Les professeurs avaient parfois une approche différente en notant que
les élèves n’étaient pas toujours lucides en ce qui concernait les exigences
demandées pour atteindre un objectif.
D’un point de vue plus matériel, l’équipe pédagogique se plaignait
souvent des difficultés pour trouver des ressources extérieures ou pour
réaliser un vrai travail d'équipe puisque le professeur qui avait été
désigné comme maître d'œuvre se retrouvait la plupart de temps seul.
La communication des résultats et des travaux aux autres professeurs
non participants n'était pas ressentie comme une impulsion vraiment
convaincante en matière de progrès dans l'ensemble des matières, ce qui
pouvait aboutir à une incompréhension ou même à une remise en doute de la
nature et de l'utilité mêmes du concept de parcours diversifié. Les
professeurs participant à l'action avaient bien conscience de la
progression de la plupart des élèves au sein même de leur démarche de
parcours mais rien ne permettait d'affirmer que leur attitude plus positive
allait avoir une influence sur leur comportement et leur travail dans des
conditions de cours traditionnel. Ce constat était-il d'ailleurs en contradiction
ou non avec ce qui nous avait déterminé à enseigner autrement ?
Toujours est-il que ces difficultés aboutissaient à un véritable
questionnement lié à l'action en cours.
Comment, tout d'abord, aider les élèves à faire un meilleur choix ?
Comment évaluer leurs compétences réelles ? Peut-être y avait-il eu
confusion entre compétence et goût, et fallait-il redéfinir ce que nous
désirions réellement faire avec TOUS les élèves. Et par-là, comment éviter
une attitude de consommateur de la part des élèves ? L'aspect attractif
d'une activité pouvait perdre ce côté ludique dès qu'elle nécessiterait un
véritable effort et ressemblerait alors davantage à ce qui était demandé
aux élèves dans un cours.
Comment faire correctement la liaison entre ce qui se passe dans un
parcours et dans la classe habituelle ? Quel sens les parcours
donneraient-ils au travail scolaire ?
Ces difficultés ressenties personnellement par chacun des professeurs
allaient devenir une véritable problématique pour l'équipe, problématique
qui pourrait se résumer en trois points :
- Comment valoriser les élèves (en difficulté) à travers les parcours
? Car même si les parcours s'adressaient à toute la population des élèves
de 5ème, notre expérience ne devait pas se cacher qu'elle correspondait à
une politique ministérielle pour tenter de résoudre la disparité de niveau
des élèves du cycle central face à la suppression des filières
traditionnelles.
- Comment faire prendre conscience à tous les élèves des compétences
acquises au cours des parcours ? L'implication personnelle très variable
d'un élève à un autre dans la réalisation d'un "produit" final
n'étant pas représentative ni édifiante.
- Comment donner aux professeurs innovants un confort matériel
suffisant pour parvenir aux buts qu'ils s'étaient assignés ? Trop souvent
ce fut par manque de moyens financiers et en matériels que l'objectif final
de certains parcours ne fut pas atteint.
Pour faire le point de toutes ces remarques, un groupe de travail se
réunit le 2 avril 1998 sur le thème “Motivation et apprentissages”. Il en
ressortit le bilan suivant :
a) Facteurs de mobilisation
des élèves :
- Adéquation entre le projet des élèves et ce qu’ils trouvent ;
- Conduite d’un projet personnel jusqu’à la production finale ;
- Etude de leur environnement, du patrimoine ;
- Maîtrise d’une nouvelle technique ;
- Contact avec l’extérieur ;
- Possibilité de s’exprimer ;
- Pas de notes ;
- Trouver du plaisir.
b) Facteurs de démobilisation
:
- Trop d’exigences sur la qualité ;
- Durée trop longue du parcours ;
- Nécessité du sérieux dans le travail ;
- Insuffisance des conditions matérielles.
c) Apprentissages :
- Attention, concentration ;
- Participation personnelle ;
- Organisation dans le temps et dans l’espace expression écrite ou
orale ;
- Apprentissages de la socialisation : écoute, respect, entraide...
d) Propositions de
comportements pour l’enseignant :
- Ne pas avoir une attitude trop figée ;
- Accepter de négocier (respect mutuel) ;
- Avoir des objectifs précis ;
- Aborder moins de choses (mais “fortes et fécondes”) plutôt que
survoler beaucoup de sujets.
- Encourager, guider, accepter les erreurs et les analyser ;
- Valoriser la coopération entre élèves ;
- Faire le point régulièrement ;
- Décomposer les apprentissages en phases séquences ;
- Proposer des difficultés adaptées aux élèves ;
- Ne pas privilégier la production au détriment des acquisitions.
e) Propositions de
comportements pour les élèves :
- S’impliquer dans un effort collectif ;
- Construire de nouvelles compétences ;
- Accepter l’erreur comme formatrice ;
- Prendre conscience de ses façons de comprendre, de mémoriser, de
communiquer.
Tous ces points correspondaient cette fois-ci à une expérience
pratique et les professeurs avaient bien le sentiment de nager en pleine
utopie : il était en effet possible de faire autrement avec les élèves en
les considérant autrement et en les évaluant autrement.
Mais une note amère venait toujours jeter une ombre sur notre
motivation à poursuivre cette expérience. Nous constations que notre bonne
volonté avait été mise à contribution et que malgré notre enthousiasme nous
n'étions parvenus qu'à des résultats précaires ou incomplets faute d'appuis
et de moyens suffisants. On pouvait nous demander d'innover, on pouvait
nous demander d'aimer notre métier et de vouloir le revaloriser par de
meilleurs échanges avec les élèves et les collègues, mais on ne pouvait pas
nous remettre dans les mêmes conditions de précarité que celles que nous
connaissions en cours.
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