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Programme National d'Innovation 97-99. (PNI 2)

  Les parcours diversifiés :  

Collège Michel SERVET - 42190  - CHARLIEU   

 

ACADEMIE DE LYON - PNI 2  -  INNOVATION N° 2 – juin 1999

Intitulé de l’action : Parcours Diversifiés du cycle central.

 

Etablissement :

Collège Michel SERVET

B.P.49  42190 CHARLIEU

Tel : 04 77 69 30 90     

Fax : 04 77 69 30 91

 

Personne contact :

Madame PEYROUX  - Principal adjoint

                                                                       

 

MONOGRAPHIE DE PARCOURS PEDAGOGIQUES DIVERSIFIES

 

 

Sommaire :

 

 

 

·      DESCRIPTION DE L’ACTION

·      RAPPEL DU CONTEXTE

·      OBJECTIFS DE l’ACTION

·      DEMARCHES CHOISIES

·      REGARDS SUR L’ACTION

·      Evaluation de l’action

·      PERSPECTIVES

·      TRANSFERTS / DIFFUSION

·      DOCUMENTS

·      Zoom

 

 

 

  I. DESCRIPTION DE L’ACTION

 

Les parcours diversifiés au collège Michel Servet de Charlieu ont été mis en place pour investir activement les élèves dans l’apprentissage des savoirs. En créant une structure autre que celle habituelle, en éclatant le groupe classe, en rassemblant une équipe pédagogique différente (c’est-à-dire que les professeurs n’avaient pas automatiquement de classes de ce niveau cette année-là), on a voulu mettre en place une dynamique du savoir, dans laquelle l’élève se retrouverait aisément (choix du parcours, motivation renforcée, savoirs mis en pratique concrète).

 

 II RAPPEL DU CONTEXTE :

 

Introduction

 

1.Enseigner différemment ? pourquoi?

 

Le métier d'enseignant est à bien des égards un métier difficile mais surtout ambigu. Comment en effet concilier le fait que la position même de professeur amène celui-ci à porter un jugement sur des individus (les élèves) tout en conservant un regard critique sur l'individu qu'il est lui-même en face des élèves. Car dans cette position il se doit d'être exigent, créatif et disponible, et le discours des professeurs en dehors des cours n'est-il pas souvent symptomatique d'un malaise. On entend souvent dire en salle des professeurs ou en conseil de classe que les élèves manquent de motivation, qu'ils ne sont pas suffisamment attentifs, qu'ils manquent d'initiative et qu'ils ne travaillent que pour les notes qui représentent en quelque sorte leur salaire ? Dans le même temps, les professeurs doivent puiser en eux-mêmes une énergie considérable pour continuer d'exercer leur profession avec enthousiasme, créativité et finalement avec les mêmes exigences que celles qui sont de­mandées aux élèves. Chacun sait que les élèves renvoient souvent au professeur une image négative qui est celle de ses échecs, de ses doutes, de son découragement

 

2.La démarche de l’enseignant vers le parcours diversifié.

 

C'est à partir de ce constat, personnel et pas toujours avoué, qu'il nous a semblé que la création des parcours diversifiés venait à point pour secouer des vieilles habitudes de confort (juger les élèves sur leurs résultats au lieu de s'interroger sur nos propres échecs) et remettre en question une certaine forme d'enseignement désuète qui prend davantage en compte le contenu d'un programme à assimiler plutôt que les compétences et les aptitudes des élèves. Si les programmes rassurent, ils laissent de côté une fonction de l'enseignant qui nous paraît prépondérante : donner aux élèves la possibilité de trouver à l'école le moyen de s'épanouir par le plaisir d'apprendre. Il s'agissait donc de s'interroger sur les causes de leur réussite ou de leur échec pour faire ressortir l'élément principal qui permettrait de renouer le dialogue entre enseignants et élèves : la motivation par l'enthousiasme partagé, par l'intérêt que l'on porte à ce que l'on fait. Et pour cela il fallait se pencher sur ce qui peut motiver un élève : sa compétence, c'est-à-dire sa faculté de réussir dans ce qui lui plaît et ce qu'il sait déjà faire. Ne sommes-nous pas nous-mêmes plus performants quand nous aimons ce que nous faisons?

Nous nous sommes alors portés volontaires pour l'expérience des parcours diversifiés quand nous avons entendu parler de cette action qui recherchait une équipe innovante qui ferait travailler des élèves en s'appuyant sur leurs compétences et proposerait des activités à partir de leurs centres d'intérêt.

Il va sans dire qu'il ne pouvait s'agir d'une panacée qui se substituerait complètement au cours traditionnel, mais d'une activité diversifiée qui aurait peut-être l'avantage de réconcilier les élèves avec l'école.

 

1. La proposition et la mise en place des parcours :

 

1.1 Comment choisir un parcours ? sur quels critères ?

 

Quand l'administration de notre collège nous a invités à réfléchir sur les parcours diversifiés, le projet était encore mal défini. Nous ne savions pas ce qu'il nous serait permis de faire, si les parcours devaient obligatoirement s'inscrire dans le cadre de programmes disciplinaires, quels moyens nous seraient attribués, etc. Mais dans ce flou à peu près total qui nous était présenté, une idée forte nous a cependant séduits : il s'agissait de travailler autrement que dans le cadre strict de nos cours en nous appuyant sur les compétences des élèves. Il restait à définir ce que l'on entendait par compétence mais il apparaissait bien qu'au lieu de chercher à combler les lacunes d'élèves en difficultés nous pouvions faire converger à la fois nos goûts particuliers et ceux des élèves. Les professeurs volontaires seraient donc amenés à définir un choix d'activités où les élèves pourraient s'inscrire. Ces choix constitueraient la base d'ateliers dans lesquels les activités proposées aboutiraient à une production finale où la réussite individuelle ne serait pas sanctionnée par une note mais par un véritable apprentissage mis en pratique. Cela permettrait de démontrer que sans être obsédés par les programmes nous pouvions trouver des activités annexes susceptibles de revaloriser les élèves dans un apprentissage fondé sur leur motivation.

 

1.2 Un nouveau contrat d’enseignement

 

Ainsi les parcours conservaient l'originalité d'une véritable volonté d'innovation puisqu'ils ne seraient ni un cours traditionnel, ni un club, ni du soutien, ni une classe de niveau.

Encore fallait-il mettre en place une structure adéquate qui nous permettrait de fonctionner dans une telle optique.

Pour cela, il fut décidé que chaque professeur inscrit dans le projet proposerait une stratégie pédagogique qui justifierait le choix du thème retenu. Ces thèmes seraient ensuite donnés aux élèves de 5ème sous la forme d'une grille de choix où ils pourraient s'inscrire.

D'autres éléments allaient donner plus de crédibilité à chacune de ces actions :

- L'horaire retenu : une heure trente le jeudi de 10h15 à 11h45 : il s'agirait donc d'un horaire hebdomadaire, obligatoire, inscrit pendant les heures des cours.

- Un enseignement disciplinaire non strict.

- La possibilité d'activités transversales en faisant intervenir des professeurs d'autres disciplines ou des intervenants extérieurs.

- Les parcours seraient soit semestriels soit annuels, selon les objectifs à atteindre.

- Les parents seraient informés de notre action (Lettre aux parents).

 

2. Modalités d’engagement de l’équipe dans le dispositif Innovation-valorisation :

 

A Charlieu, l’équipe a été rassemblée autour du volontariat des enseignants, sans contrainte de durée. S’agissant de travailler sur la motivation partagée entre les élèves et les professeurs, il était donc impensable de contraindre qui que ce soit à entrer dans les parcours diversifiés.

Il se trouve que, de manière fortuite, entre l’année 1997-1998 et 1998-1999, neuf des dix enseignants ont reconduit leur participation. La preuve est ainsi faite que les parcours diversifiés ont rencontré, parmi tous les enseignants du collège, des enseignants impliqués, grâce à la liberté d’action que l’on s’était fixé dès le début.

 

  III. OBJECTIFS DE l’ACTION

 

1. Objectifs initiaux :

 

Motiver. En offrant la possibilité à l’élève de choisir un parcours plutôt qu’un autre, c’était rendre l’enfant acteur d’une pratique scolaire. Généralement, il ne lui est pas offert de choix, ceux-ci étant faits au préalable par l’enseignant (voire l’administration). Parce qu’il fait un choix (qui a toujours été respecté), l’élève arrive plus disponible, toujours prêt à s’investir.

Travailler différemment. Chaque enseignant établit un programme bien précis pour son action. Dès le départ, un objectif de production est fixé. Pendant la durée du parcours, chaque élève a donc lui aussi en perspective cette production. De ce fait, les compétences sont utilisées, de nouvelles sont montrées et maîtrisées sans que cela soit ressenti négativement par l’élève.

 

2. Evolution des objectifs sur les deux années d’expérimentation

 

Le bilan de la première année fut très positif car dans l’ensemble une dynamique avait été créée, doublée d’une attente de la part des élèves.

Dynamique. Les parcours diversifiés ont lieu, depuis deux ans, le jeudi matin de 10h15 à 11h45. Mis ainsi en milieu de semaine, ils apparaissent comme une continuité du travail effectué en classe, non comme un moment récréatif. C’est à ce moment-là que le taux d’absentéisme est le plus bas pour ce niveau de classe.

Attente. Les élèves de sixième sont demandeurs des parcours. Le bouche à oreille fonctionne très bien. De plus, on a pu remarqué cette année une certaine déception d’élèves de quatrième pour qui les parcours diversifiés n’ont pas été mis en place. C’est pourquoi il est actuellement impensable de mettre fin à ce travail.

Les objectifs initiaux ont été augmentés d’une aide au choix du parcours. Afin que celui-ci permettent aussi de remédier à une des difficultés des élèves, lors des choix, un enseignant leur a expliqué les parcours et aiguillé l’élève dans son choix final afin que ce dernier réponde à une difficulté. Nous nous sommes appuyés sur des évaluations de fin de sixième que nous avions établies l’année précédente.

 

 IV DEMARCHES CHOISIES

 

1. L'expérience pratique :

 

Dès le début de l'année scolaire 97-98, il a été demandé à chaque professeur désirant participer au projet d'innovation de définir le thème qu'il allait proposer aux élèves en précisant les buts pédagogiques visés, la durée de son parcours, les tâches envisagées et la production finale souhaitée. Pour cela chacun devait s'appuyer d'une part sur ses propres objectifs d'apprentissages, d'autre part sur les compétences des élèves.

Enfin, chaque professeur pouvait proposer une collaboration avec un autre enseignant (interdisciplinarité) ou avec un intervenant extérieur, en devenant maître d'œuvre.

 

La première année, la liste de parcours proposés fut la suivante :

 

1. La proportionnalité dans la vie courante et ses applications pour comprendre le monde (prof de ma­thématiques)

2. Réalisation de démarches expérimentales : étude de la nutrition, de la respiration, de la circulation, etc. (prof de science)

3. Ecriture d'une histoire au Moyen-Age et réalisation d'un livre avec des illustrations (prof de français)

4. Approche de la civilisation romaine antique à travers l'art romain et réalisations pratiques de pan­neaux documentaires, de mosaïques ou de maquettes d'un temple (Prof de latin)

5. Connaissance et prévision des phénomènes météorologiques : atelier météo, maquettes, etc. (prof de science)

6. Initiation à l'image : images fixes, cinéma, etc. et production d'images (prof d'histoire)

7. Réalisation d'un jeu historique (prof d'histoire)

8. S'approprier une langue vivante au travers de diverses activités (prof de langues)

9. Inventer et rédiger une histoire pour réaliser un livre (prof de français)

10. Expression théâtrale par la maîtrise du corps et de l'articulation d'un texte (prof de français)

 

Ainsi les buts visés par les enseignants relevaient bien d'un intérêt pédagogique incontestable et ne comportaient aucune contradiction avec les programmes.

 


2.Descriptif de certaines tâches mises en pratique avec leur réalisation finale.

 

Le parcours concernant l'étude et la réalisation de démarches expérimentales reposait sur l'observation suivie d'un questionnement et d'hypothèses formulées par les élèves eux-mêmes. Il s'agissait aussi de leur permettre d'acquérir une approche des différentes étapes d'une démarche expérimentale à l'aide de supports variés tels que des documents, l'outil informatique et le matériel scientifique. Enfin les élèves pouvaient observer de façon concrète la respiration et la nutrition des êtres vivants.

Les compétences requises comprenaient leur capacité d'observation, d'écoute, de compréhension des consignes, d'imagination d'hypothèses ; à partir de là, les élèves devaient être capables de s'interroger, de s'exprimer clairement, de réaliser un travail collectif ou personnel soigné tout en respectant les autres et en se sentant responsables de leur travail.

Enfin le but final prenait forme dans la réalisation de panneaux présentant leur démarche expérimentale.

 

Autre parcours, celui concernant la météo. Il devait reposer sur les notions de savoir (par l'apprentissage) et de savoir-faire (par la mise en pratique) : Acquisition d'un vocabulaire de base (noms des nuages, des vents, des climats, etc.) et connaissance des divers types d'appareils de mesures et de leur utilisation.

Le savoir-faire prenait toute sa valeur dans la maîtrise de la lecture silencieuse et à voix haute, le repérage dans l'espace, la recherche de documents, la réalisation de calculs et de graphiques, la réalisation d'une enquête, la lecture d'articles ou de cartes dans les quotidiens.

Deux buts étaient essentiellement visés : d'une part la réalisation d'un dossier personnel à partir des documents fournis, d'autre part la réalisation de panneaux explicatifs ou d'un abri météo.

Ce parcours envisageait également l'interdisciplinarité avec des professeurs de français (recherche et lecture de textes), de langue (lecture de bulletins météo étrangers), de géographie (étude des climats), de sciences (techniques de mesure), d'art plastique (panneaux d'exposition), de mathématiques (réalisation d'histogrammes et de graphiques).

 

Le parcours proposé par le professeur de latin et concernant l'approche de la civilisation romaine antique à travers l'art (notamment la mosaïque) s'attachait à la découverte de cette civilisation grâce à l'étude des formes variées qu'elle a pu prendre : les mythologies, la vie quotidienne, l'agriculture, etc.

Les objectifs d'apprentissages s'appuyaient sur la curiosité des élèves, leur sens de l'observation, leur rigueur d'analyse, la maîtrise du tracé géométrique et leur minutie pour réaliser la production finale d'une mosaïque ou plus simplement d'une maquette de mosaïque en papier cartonné (accompagné d'un panneau documentaire).

 

Un autre parcours, mis en place par un professeur d’Histoire Géographie s'appuyait sur l'outil vidéo. Il envisageait deux tâches possibles : La lecture de paysages à l'aide de l'image ou la réalisation d'un documentaire sur l'abbaye bénédictine de Charlieu.

Les élèves recevaient une initiation à la méthode d'analyse du paysage et la maîtrise de nouvelles technologies. Il s'agissait aussi de sensibiliser les élèves au patrimoine local.

Les tâches allaient du repérage sur le terrain à l'écriture d'un scénario de documentaire en passant par la technique de l'interview et débouchaient sur l'apprentissage de la prise de vue et du montage.

Les élèves devaient donc être capables de prendre des initiatives, de savoir gérer le matériel, de rigueur et de minutie dans l'accomplissement des tâches, d'aiguiser leur sens de l'observation et du dialogue et de trouver une nouvelle motivation pour le contexte historique et géographique.

 

Dans son parcours visant à l'élaboration d'une nouvelle se déroulant au Moyen-Age, le professeur de français concerné se préoccupait lui aussi de motiver les élèves en s'appuyant sur la connaissance de la ville où se situe leur collège : Charlieu, cité médiévale. Les élèves pouvaient travailler sur des textes historiques tout en trouvant des exemples sur place afin de situer le cadre de leur propre récit. Il ne devait pas s'agir seulement d'un travail sur le vocabulaire du moyen âge mais aussi de découvrir une mise en forme appropriée par la calligraphie. Cela apprenait enfin aux élèves à travailler par groupes en les responsabilisant sur une réalisation personnelle et concrète.

 

Un autre type d'écriture, en anglais cette fois-ci, allait donner aux élèves l'occasion de pratiquer une langue étrangère pour en améliorer la compréhension et la maîtrise. L'aspect civilisation apparaissait dans le cadre du roman de Charles Dickens, Oliver Twist : Londres au XIXème siècle.

 

Pour le parcours d’expression théâtrale, le professeur de français tenait à se démarquer d’une activité type “club” pour insister sur l’aspect formation à une discipline interactive. Il ne s’agissait pas en effet de “jouer dans une pièce de théâtre” mais d’assimiler les moyens techniques qui peuvent contribuer à la maîtrise de soi dans une intervention orale et face au regard d’autrui. Ici encore le point de départ était le constat d’échec formulé par les élèves dans la situation des cours traditionnels : timidité, manque d’attention, etc.

On leur apprenait donc à prendre conscience de leur corps par la relaxation, à maîtriser le silence par la concentration, à aiguiser leur écoute attentive, à trouver les ressources vocales et physiques de l’expression orale, à faire preuve d’esprit critique et autocritique, à respecter les autres et à développer leur mémoire. Ces activités travaillées sous forme d’ateliers d’expression et de jeux collectifs devaient trouver une application bien plus large dans toute activité scolaire où l’élève a besoin de prendre confiance en lui.

 

On peut constater, grâce au descriptif de ces quelques exemples de parcours proposés aux élèves, que les buts visés par les professeurs dépassaient largement le cadre strict d'un programme pour les confronter à des situations concrètes d'applications de leurs connaissances.

Par-delà des activités nouvelles et diversifiées, le but des professeurs avait toujours le double objectif  d’améliorer sa relation avec les élèves en leur donnant de réelles possibilités d’épanouissement personnel et d’améliorer leur vécu scolaire en limitant au maximum les facteurs d’échec les plus fréquemment rencontrés.

 

 

 

V. REGARDS SUR L’ACTION

 

 

1. Penser diversifié

Les parcours diversifiés permettent aux enseignants d’aborder leur matière différemment, aux élèves d’être en situation d’apprentissage nouvelle. Au collège de Charlieu, le sens de « diversifié » a donc été entendu comme « autre ». Se lancer dans cette expérience, c’était absolument partir sur des sentiers jusque là peu explorés. Pourtant, nous nous sommes vite heurtés au problème suivant : comment faire diversifié tout en enseignant ?

 

2. Obstacles à éviter / objectifs à atteindre

Choisir l’entrée ludique risquait de conduire invariablement au club. Opter pour une relation plus conventionnelle avec les élèves nous privait de la diversification. Pour finir, nous focalisions notre intérêt sur la production finale. Ayant tous constaté que l’école laisse très peu de place à la création, nous tâchions de placer celle-ci au coeur des parcours diversifiés. En laissant aux élèves l’entière liberté de finaliser leur production (à partir d’un thème que nous avions préalablement choisi), c’était les forcer à prendre l’initiative — qu’on a trop tendance à leur retirer en cours traditionnel à cause des programmes, du nombre d’élèves, du peu de temps que l’on a pour travailler, etc.

Il est rapidement apparu évident que cette initiative était proportionnelle au degré de motivation que pouvait avoir un élève à chaque fois qu’il entrait en cours. Celle-ci pouvait varier au gré des séances. Toutefois, il est intéressant de souligner que le taux d’absentéisme des cinquièmes était très faible le jour des parcours diversifiés. C’est là un effet positif : redonner l’aspect attractif à l’école. Il s’agissait désormais d’allier tous ces critères : motivation, pouvoir attractif, prise d’initiative en vue d’une production finale.

 

3. Aspects innovants de l’action / moyens dépassés

Cela a nécessité des moyens. Sortir de la classe habituelle. Eclater les groupes classes. Viser une production finale. Tout a demandé énormément de moyens. C’est là un des points vitaux de ce type d’enseignement. Ouvrir les élèves sur une autre réalité scolaire, c’est les confronter à d’autres technologies (informatique, numérique, vidéo,etc.), d’autres perceptions de certains enseignements (anglais, français, histoire, SVT, etc.). Réaliser des expériences sur le système respiratoire ou digestif nécessite un matériel fragile et coûteux. Elaborer un document informatique sur l’établissement ne souffre pas, pour son bon déroulement, un parc d’ordinateurs « antédiluviens ». Et cela va ainsi pour tous les parcours.

 

4. Perception des parcours par l’équipe engagée dans leur réalisation

Comment aborder, suite à un tel constat, le chapitre des perspectives, sans se lancer dans une diatribe (habituelle diatribe dès qu’il s’agit de transformer l’enseignement) sur les moyens financiers, en heures et en personnel. Choisir de mettre huit classes de cinquième en barrette, avec au moins dix professeurs pour atteindre des groupes relativement légers, fait appel à une souplesse de fonctionnement, à une budgétisation des parcours qui ne soit pas réduite à la portion congrue (ou un crédit photocopie d’une pauvreté effarante...).

D’autre part, l’aspect qui nous a paru très intéressant de souligner est tout ce qui concerne des retombées sur le cours traditionnel. Comment évaluer celles-ci quand les élèves en face de qui nous sommes nous sont inconnus ? Comment percevoir l’évolution, les progrès d’un élève quand l’activité proposée n’a plus que des liens ténus avec ce qui peut être fait en classe entière — c’est une des limites rencontrée à Charlieu à force de vouloir faire « diversifié » — ? Le maître d’oeuvre se retrouve quasi automatiquement en marge de l’équipe pédagogique car son activité n’est pas évaluée selon les critères habituels du bulletin trimestriel.

Enfin, dernière interrogation, et par voie de conséquence, dernière perspective de réflexion pour l’équipe des parcours : nous nous sommes heurtés à la difficulté, parce que provenant d’un antagonisme, de mettre en place des parcours durant lesquels nous aurions pu à la fois être attractif (et donc motiver ceux qui viennent) et répondre à un besoin (scolaire).

Mais l’avenir des parcours sur Charlieu tient surtout à ce que l’équipe pédagogique fonctionnant sur ceux-ci puissent s’agrandir : comment motiver les collègues ?

 

5. Perception des parcours par l’extérieur

Conséquence de la dernière interrogation : il aura fallu près de deux années pour arriver à convaincre une frange, réduite, de l’équipe pédagogique du collège à rejoindre les innovants. Les résultats atteints en ce qui concerne la motivation et la dynamique des élèves a encouragé certains à proposer pour la troisième année un parcours.

On peut toutefois regretter que s’engager dans les parcours ne soit encore le fait que d’une extrême minorité. La pratique de ceux-ci est bien trop marginale, car elle remet en cause l’habitude de se rassurer avec un cours traditionnel

Les parents sont, de leur côté, très satisfaits. En effet, l’écho répercuté par les élèves étant très souvent positif, ils sont eux aussi demandeurs de ce type d’enseignement.

 

VI Evaluation de l’action

 

Les parcours diversifiés n’étant pas notés, il s’agissait maintenant d’estimer la progression et les acquisitions des élèves par des moyens plus valorisants que les notes qui étaient souvent ressenties comme le constat de leur échec.

Le premier type d’évaluation mis en place fut une appréciation des professeurs sur le bulletin trimestriel : celle-ci démontrait en même temps la volonté d’inscrire les parcours dans une démarche d’apprentissage convergente avec celle des cours traditionnels. Le premier écueil aurait en effet été de marginaliser les parcours aux yeux des parents ou des autres professeurs. Les élèves eux-mêmes pouvaient retrouver dans ces appréciations le reflet de leur motivation.

Le deuxième type d’évaluation adopté par certains professeurs fut un bilan présenté sous forme de grilles où les élèves pouvaient estimer eux-mêmes leurs résultats. Les mêmes grilles étaient conjointement remplies par les professeurs de façon à établir une comparaison entre leur propre appréciation et celle des élèves.

Les principales remarques des élèves portaient sur leur choix qui n’avait pas toujours été respecté et sur les différences d’approche des parcours par rapport aux cours traditionnels. L’ensemble se disaient plutôt satisfaits et avouaient avoir appris des notions intéressantes mais qui n’étaient pas forcément reprises en compte dans les autres cours.

 

 

 VII PERSPECTIVES

 

Pérennisation des parcours :

 

Hormis ces problèmes matériels, les parcours diversifiés étant essentiellement basés sur l’enthousiasme des professeurs l’un des risques majeurs de ce type d’action serait de retomber dans une certaine routine génératrice de lassitude. Il est peut-être difficile de retrouver chaque année la nouveauté qui avait pu au départ être le moteur de notre motivation. Mais celle-ci dépend surtout du nombre de professeurs désireux de s’impliquer car il apparaît que le point sur lequel nous sommes le plus sceptique reste l’effectif trop important (les groupes étant l’équivalent d’une classe entière).

Cette situation crée le dilemme suivant : Pour constituer des groupes restreints, il faut convertir le plus grand nombre possible de professeurs, or il nous est difficile de ne pas leur communiquer les difficultés que nous ressentons. Par conséquent nous risquons de nous retrouver dans une impasse si d’une part aucun professeur ne nous rejoint l’année suivante et si d’autre part certains professeurs déçus ne reconduisent pas cette action.

 

1. Poursuite de l’action

 

Devant les résultats globalement positifs obtenus, on ne peut être qu’encouragés à poursuivre les parcours diversifiés dans l’établissement.

 

2. Développement et évolution de l’action

 

Le prochain stade de développement, prochain objectif, est d’arriver à réduire les groupes de travail afin d’accroître l’investissement de l’élève dans le parcours. En le sollicitant encore plus, l’élève devient automatiquement plus acteur et développe plus de facultés. En effet, il n’y a plus le copain sur lequel on peut s’appuyer pour réaliser telle ou telle tâche.

Un autre objectif est d’ouvrir ces parcours sur l’extérieur. Une première étape a été faite dans le cadre du parcours d’expression théâtrale avec la participation à une rencontre des ateliers théâtre dans les collèges du roannais. Les élèves ont alors l’impression de ne pas faire du scolaire. Cela permet donc de sortir de leur représentation habituelle : l’école pour l’école. Sans s’en rendre compte, ils entrent dans une représentation plus concrète et réelle du collège : apprendre, puis se resservir des acquis à l’extérieur (et, le cas échéant, en faire participer les autres — transmetteurs à leur tour).

 

3. Une interrogation en suspens

 

Les parcours répondent à une envie de l’élève de faire du concret (obligation de la production). Ecrire, filmer, photographier, inventer, s’exprimer. Pourtant, les réinvestissements scolaires des apprentissages ne sont pas systématiques. Le cloisonnement des pratiques reste très fort dans la mentalité des élèves. Du coup, ce qu’on apprend en parcours peut, parfois, rester lettres mortes. La remédiation attendue se heurte malgré tout à cet obstacle, duquel naît une nouvelle interrogation : comment motiver, dynamiser, enrichir tout en apportant des solutions aux difficultés scolaires de certains ?

 

 

  VIII. TRANSFERTS / DIFFUSION

 

cf. ci-dessus.

 

 

IX. DOCUMENTS

 

- La lettre d’information aux parents

- La fiche d’inscription aux parcours diversifiés

- La grille d’évaluation en fin de 6ème

- Deux exemples de grilles d’évaluation-bilan

 

Zoom

Réflexions sur les parcours diversifiés

 

En mai 98  venait le moment d'un premier bilan qui deviendrait en même temps une base de réflexion à partir de laquelle chaque professeur (ou l'ensemble de l'équipe) devrait décider s'il reconduirait ou non son parcours.

Ce premier bilan portait sur les aspects suivants :

- Un certain nombre de points stabilisés constituerait le cadre nécessaire d'une nouvelle expérience dans le cas d'une reconduction de celle-ci.

- La structure choisie porterait sur toutes les classes du niveau 5ème mises en barrette pour offrir le choix maximum à chaque élève et augmenter ainsi leur motivation. Il fut même envisagé d'étendre l'expérience au niveau 4ème si un nombre suffisant de professeurs se portaient volontaires à la rentrée suivante.

- Les thèmes proposés seraient fonction des centres d'intérêt des professeurs et de leurs compétences, sans être limités à leur matière.

- Chaque enseignant devrait être capable de définir clairement les compétences des élèves afin d'éviter une dispersion de la motivation de ceux-ci.

- Tous les parcours proposés seraient ancrés dans les objectifs globaux des programmes de chaque matière sans devenir nécessairement une partie du programme.

- La motivation des élèves (point fort de notre définition des parcours) dépendrait de la variété des activités proposées tout au long du parcours et de la production finale qui serait proposée.

 

Cependant, certaines difficultés apparaissaient déjà : La représentation que les élèves s'étaient fait d'un parcours ne correspondait pas toujours à ce qui leur avait été proposé ni aux compétences visées. De la démarche nouvelle qui leur était proposée ils retenaient souvent un aspect ludique qui d’une part jouait le rôle de remotivation pour un grand nombre et qui d’autre part limitait considérablement l’absentéisme.

 Quant aux réponses aux questionnaires d’évaluation, il en ressortait un certain nombre de points qu’ils jugeaient eux-mêmes positifs :

- Ils avaient bien conscience d’avoir appris quelque chose ;

- Leurs relations avec leurs camarades s’étaient améliorées ;

- Ils avaient fait preuve d’une meilleure concentration pour mener à bien leurs tâches.

 

Les professeurs avaient parfois une approche différente en notant que les élèves n’étaient pas toujours lucides en ce qui concernait les exigences demandées pour atteindre un objectif.

D’un point de vue plus matériel, l’équipe pédagogique se plaignait souvent des difficultés pour trouver des ressources extérieures ou pour réaliser un vrai travail d'équipe puisque le professeur qui avait été désigné comme maître d'œuvre se retrouvait la plupart de temps seul.

La communication des résultats et des travaux aux autres professeurs non participants n'était pas ressentie comme une impulsion vraiment convaincante en matière de progrès dans l'ensemble des matières, ce qui pouvait aboutir à une incompréhension ou même à une remise en doute de la nature et de l'utilité mêmes du concept de parcours diversifié. Les professeurs participant à l'action avaient bien conscience de la progression de la plupart des élèves au sein même de leur démarche de parcours mais rien ne permettait d'affirmer que leur attitude plus positive allait avoir une influence sur leur comportement et leur travail dans des conditions de cours traditionnel. Ce constat était-il d'ailleurs en contradiction ou non avec ce qui nous avait déterminé à en­seigner autrement ?

 

Toujours est-il que ces difficultés aboutissaient à un véritable questionnement lié à l'action en cours.

Comment, tout d'abord, aider les élèves à faire un meilleur choix ? Comment évaluer leurs compétences réelles ? Peut-être y avait-il eu confusion entre compétence et goût, et fallait-il redéfinir ce que nous désirions réellement faire avec TOUS les élèves. Et par-là, comment éviter une attitude de consommateur de la part des élèves ? L'aspect attractif d'une activité pouvait perdre ce côté ludique dès qu'elle nécessiterait un véritable effort et ressemblerait alors davantage à ce qui était demandé aux élèves dans un cours.

Comment faire correctement la liaison entre ce qui se passe dans un parcours et dans la classe habi­tuelle ? Quel sens les parcours donneraient-ils au travail scolaire ?

 

Ces difficultés ressenties personnellement par chacun des professeurs allaient devenir une véritable problématique pour l'équipe, problématique qui pourrait se résumer en trois points :

- Comment valoriser les élèves (en difficulté) à travers les parcours ? Car même si les parcours s'adres­saient à toute la population des élèves de 5ème, notre expérience ne devait pas se cacher qu'elle correspondait à une politique ministérielle pour tenter de résoudre la disparité de niveau des élèves du cycle central face à la suppression des filières traditionnelles.

- Comment faire prendre conscience à tous les élèves des compétences acquises au cours des parcours ? L'implication personnelle très variable d'un élève à un autre dans la réalisation d'un "produit" final n'étant pas représentative ni édifiante.

- Comment donner aux professeurs innovants un confort matériel suffisant pour parvenir aux buts qu'ils s'étaient assignés ? Trop souvent ce fut par manque de moyens financiers et en matériels que l'objectif final de cer­tains parcours ne fut pas atteint.

 

Pour faire le point de toutes ces remarques, un groupe de travail se réunit le 2 avril 1998 sur le thème “Motivation et apprentissages”. Il en ressortit le bilan suivant :

 

a) Facteurs de mobilisation des élèves :

- Adéquation entre le projet des élèves et ce qu’ils trouvent ;

- Conduite d’un projet personnel jusqu’à la production finale ;

- Etude de leur environnement, du patrimoine ;

- Maîtrise d’une nouvelle technique ;

- Contact avec l’extérieur ;

- Possibilité de s’exprimer ;

- Pas de notes ;

- Trouver du plaisir.

 

b) Facteurs de démobilisation :

- Trop d’exigences sur la qualité ;

- Durée trop longue du parcours ;

- Nécessité du sérieux dans le travail ;

- Insuffisance des conditions matérielles.

 

c) Apprentissages :

- Attention, concentration ;

- Participation personnelle ;

- Organisation dans le temps et dans l’espace expression écrite ou orale ;

- Apprentissages de la socialisation : écoute, respect, entraide...

 

d) Propositions de comportements pour l’enseignant :

- Ne pas avoir une attitude trop figée ;

- Accepter de négocier (respect mutuel) ;

- Avoir des objectifs précis ;

- Aborder moins de choses (mais “fortes et fécondes”) plutôt que survoler beaucoup de sujets.

- Encourager, guider, accepter les erreurs et les analyser ;

- Valoriser la coopération entre élèves ;

- Faire le point régulièrement ;

- Décomposer les apprentissages en phases séquences ;

- Proposer des difficultés adaptées aux élèves ;

- Ne pas privilégier la production au détriment des acquisitions.

 

e) Propositions de comportements pour les élèves :

- S’impliquer dans un effort collectif ;

- Construire de nouvelles compétences ;

- Accepter l’erreur comme formatrice ;

- Prendre conscience de ses façons de comprendre, de mémoriser, de communiquer.

 

Tous ces points correspondaient cette fois-ci à une expérience pratique et les professeurs avaient bien le sentiment de nager en pleine utopie : il était en effet possible de faire autrement avec les élèves en les considérant autrement et en les évaluant autrement.

Mais une note amère venait toujours jeter une ombre sur notre motivation à poursuivre cette expérience. Nous constations que notre bonne volonté avait été mise à contribution et que malgré notre enthousiasme nous n'étions parvenus qu'à des résultats précaires ou incomplets faute d'appuis et de moyens suffisants. On pouvait nous demander d'innover, on pouvait nous demander d'aimer notre métier et de vouloir le revalo­riser par de meilleurs échanges avec les élèves et les collègues, mais on ne pouvait pas nous remettre dans les mêmes conditions de précarité que celles que nous connaissions en cours. 

 


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