Enfants précoces (Clg Joliot Curie - Bron)


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Programme National d'Innovation 97-99(PNI 2)

Enfants précoces. 

LES ENFANTS DITS INTELLECTUELLEMENT PRECOCES

Collège Joliot-Curie - 69671 – BRON


 

ACADEMIE DE LYON - P.N.I. -  Accueil des enfants intellectuellement précoces  – 1998/1999

Collège Joliot-Curie

10, rue de la Pagère - BP 43

69671 BRON CEDEX

( 04.78.26.05.20 - Fax : 04.78.26.76.90

e-mail : Col-Joliot-Curie-Bron@ac-lyon.fr

Contacts :

Lionel PAGES

L'équipe d'encadrement :

Mme Isabelle GOULERET          Principale

Mme Jacqueline FAYET              Principale-Adjointe

Mme Sophie BOISSIERE           Conseillère Principale d'Education

L'équipe innovante :

Mme Anne-Sophie MICHAU              Professeur de français

M. Lionel PAGES                       Professeur d'histoire-géographie

Mme Evelyne BELLEMIN          Professeur d'arts plastiques

Mme Martine MARTIN                       Professeur d'éducation physique et sportive

M. Frédéric CREVEAUX           Professeur de mathématiques

Tous les enseignants qui accueillent les E.I.P. dans leurs cours

Sommaire :

 

1.     Les enjeux de l'accueil des Enfants Intellectuellement Précoces.

2.     Le dispositif mis en place à Joliot-Curie.

3.     Bilan et perspectives.

4.     Zoom sur le tutorat.

 

 

 

 

 

 

I - Les enjeux de l'accueil des Enfants Intellectuellement Précoces

A) Qu'est-ce que la précocité ?

         B... élève de 4è âgé de 14 ans connaît un parcours scolaire difficile. Il a changé plusieurs fois d'établissement suite à des problèmes relationnels avec des adultes. Ses professeurs reprochent à B... son manque d'attention en classe, son absence de travail. B... n'a jamais tout son matériel, il se trompe souvent d'emploi du temps. Ses cahiers sont pratiquement vides. Il rend rarement ses devoirs. Son écriture est presque indéchiffrable. Ce comportement déconcerte ses camarades et ses professeurs. B... est souvent rejeté, il en souffre : venir à l'école lui demande un effort considérable.

         Les parents inquiets sur ses capacités décident de consulter un psychologue qui lui fait passer un test de mesure du quotient intellectuel (WISK 3). Il s'avère alors que le QI de B... est largement supérieur à la moyenne. B... est ce que l'on appelle un Enfant Intellectuellement Précoce (+ de 130 de QI).

         B... n'est pas un cas isolé. D'autres enfants sont dans cette situation paradoxale : des difficultés à l'école malgré des capacités supérieures. Ch. Terrassier (*) parle pour ces enfants de dysynchronie, c'est à dire de développement inégal, déséquilibré. Par exemple : ces enfants qui s'expriment remarquablement bien à l'oral ont bien du mal à écrire.

         Depuis peu l'Education Nationale se préoccupe de ce problème : "comment adapter le système éducatif à la particularité de ces enfants afin de leur permettre de réussir leur scolarité?".

         Il existe des établissements privés regroupant des EIP dans des classes spécifiques. Cette solution a été écartée. L'Ecole Publique souhaitait, en effet, que ces enfants ne soient pas marginalisés mais au contraire intégrés au sein des différentes classes de leurs établissements d'accueil.

B) Pourquoi des EIP à Joliot-Curie ?

         Certains établissements ont ainsi été contactés par le Rectorat de Lyon pour expérimenter un accueil de ces enfants.

         Parmi eux, le Collège Joliot-Curie avait déjà été sollicité par un psychologue spécialiste des enfants dits Intellectuellement Précoces. Une certaine connaissance par les enseignants des méthodes d'analyse transactionnelle et le lien du chef d'établissement le l'époque avec A. de la Garanderie semblaient garants d'une pédagogie différente et sans doute plus appropriée.

         Situé en Z.E.P., ce collège de 400 élèves accueille une population scolaire défavorisée socialement, culturellement et souvent en difficultés pas les apprentissages cognitifs et comportementaux. C'est la raison pour laquelle il avait développé une politique d'aide et de soutien s'articulant sur des dispositifs qui privilégient un regard assez individualisé sur les besoins de chacun.

         Un tel engagement de la part d'un établissement classé plan violence ne va pas de soi. Ainsi, pour des raisons de légitime prudence, d'enjeux internes, le premier conseil d'administration n'a pas entériné l'accueil de ces enfants en 1994-1995.

         En 1995-1996, la problématique des acteurs s'est posée différemment : l'arrivée de 50% d'enseignants nouveaux et une équipe de direction et motivée par ce projet ont relancé l'idée.

         Dans le cadre du projet d'établissement basé sur l'accueil de la diversité de toutes les différences, l'accueil d'enfants :

         Þ socialement différents

         Þ culturellement différents

         Þ intellectuellement différents

n'apparaissait pas impossible.

I I - Le dispositif mis en place à Joliot-Curie

A) - Les objectifs 

         Les objectifs de l'établissement sont pour ces enfants :

Ä qu'ils se sentent mieux à l'école et s'y épanouissent, que l'école ne soit plus un lieu de souffrance,

Ä que leur potentiel intellectuel se concrétise par de meilleurs résultats scolaires.

         Le collège accueille des E.I.P. depuis 1996. En 1997-1998, ils étaient une dizaine. A la rentrée 1998, l'effectif est passé à 16.

B) Des enfants scolarisés normalement

         Les enfants sont recrutés dans l'académie. Ils ont passé un teste de QI (WISK 3) et obtenu un résultat supérieur à 120. L'équipe de direction reçoit les familles et les enfants avant l'inscription

         Les enfants sont intégrés dans les classes du collège, répartis sur les 4 niveaux en fonction de la décision du conseil de classe de leur établissement d'origine. En 1998-1999, sur les 18 classes du collège, 9 accueillent des E.I.P.

         Les E.I.P. suivent tous les cours de leur classe et bénéficient en plus d'un dispositif particulier. Chaque action mise en place dans le dispositif a pour objectif de remédier à des difficultés constatées.

         Ces actions sont de deux sortes :

Ä des actions communes à tous les E.I.P. qui correspondent à des constats généraux

Ä des actions individuelles issues de constats faits à partir de chaque enfant.

C) Les actions mises en place
 

 

Constat

Action mise en place

Actions

communes

·      fréquentes difficultés de graphie

·      goût pour le dessin

·      curiosité, vivacité intellectuelle

·      difficultés psychomotrices, mauvaise socialisation

·      calligraphie

·      arts plastiques

·      informatique (Internet) logique

·      E.P.S. : sports collectifs

Actions

individuelles

·      chacun à des caractéristiques différentes

·      importance des références adultes, nécessité de rompre avec des conflits systématiques à l'égard des enseignants

·      appétence, soif de connaissances

·      leur rapidité d'acquisition des connaissances et de compréhension fait qu'ils peuvent s'ennuyer en classe. Cet ennui les met en danger.

·      carence dans les apprentissages scolaires

·      tutorat : tuteurs (2 enseignants) chargés d'établir un diagnostic des besoins de chacun

·      le tuteur est un interlocuteur privilégié dans le collège

·      une langue vivante supplémentaire

·      souplesse de l'emploi du temps qui permet d'assister à des cours des niveaux supérieurs

·      collège en 3 ans, cursus accéléré

·      présence de 7 aides-éducateurs qui pratiquent le soutien après constat des difficultés par les tuteurs.

D) L'emploi du temps individualisé

         L'élaboration de l'emploi du temps personnalisé veut être un outil qui réponde au plus près aux besoins de l'élève.

         Il se construit à partir de l'évaluation de l'enseignant et/ou de la demande de l'adolescent. L'enseignant repère ainsi les signes d'ennui et de lassitude qu'il manifeste dans sa matière, la qualité de ses réponses orales, l'évaluation de l'écrit et les marques d'appétence révélées par un questionnement souvent digressif, une volonté affichée de faire des travaux de recherche, des exercices supplémentaires, une curiosité intellectuelle certaine.

         A partir de ces constats, nous proposons un aménagement de son emploi du temps avec des cours du niveau supérieur dans ladite discipline ou le champ disciplinaire concerné.

         En revanche, lorsqu'il manifeste des lacunes dans une discipline, il est placé dans les dispositifs d'aide et de soutien - collectifs ou individuels - qui sont mis en place dans l'établissement.

         Les tuteurs-référents facilitent cette navigation par l'encadrement de l'élève et l'information donnée aux enseignants qui accueillent ces élèves en cours d'année.

         Le saut de classe et un nouvel emploi du temps n'est envisagé qu'à partir de l'évaluation faite par l'ensemble de l'équipe pédagogique, avec la mise en place d'un soutien individuel pour les questions de programme où certaines lacunes pourraient être tout à fait préjudiciables à la progression.

E) Soutien pour les enseignants

         La prise en charge de ces enfants amène les adultes à se poser des questions. Ceux qui le souhaitent peuvent participer à un groupe d'approfondissement de pratique, animé par un psychologue clinicien enseignant de l'Institut de Psychologie de Lyon 2. Chacun peut y raconter son expérience, la confronter à celle des autres et avoir le regard d'un professionnel. Ces séances permettent de prendre de la distance par rapport à des situations parfois difficiles.

F) Les dysfonctionnements

         Ce dispositif pose un certain nombre de problèmes :

Ä la remédiation des dysynchronies impose de nouvelles contraintes à ces enfants qui avaient déjà rejeté l'école à cause de ses contraintes

Ä la mise en place des ateliers se heurte à des problèmes matériels d'emploi du temps. Il faut envisager de nouvelles solutions, notamment pour les quatrièmes et troisièmes.

 

III - Bilan et perspectives

         Le dispositif est expérimental, par conséquent il convient d'en dresser un bilan afin de déterminer les points positifs et ce qu'il faudra améliorer. Ce bilan s'appuie sur le vécu des acteurs (élèves, parents, professeurs) et nous donne des pistes pour la rentrée 1999.

         A - Les enseignants du collège

         La majorité des enseignants constate que la présence de ces enfants dans leurs classes les met face à une hétérogénéité de public plus importante. D'une façon générale, ils apprécient d'avoir dans un groupe des élèves curieux et brillants qui tirent leur classe vers le haut. En revanche, les E.I.P. en difficulté scolaire leur posent des problèmes particuliers qui s'ajoutent à ceux d'un public difficile. Ce nouveau type d'élève les oblige à réfléchir sur la mise en oeuvre de pratiques pédagogiques diversifiées.

         B - Les enfants et leurs parents

         Ce bilan est une synthèse des entretiens entre les enfants et leurs tuteurset des réponses à un questionnaire remis aux parents en mars 1999.

·      En ce qui concerne les ateliers, certains élèves y sont attachés, d'autres les apprécient mais souhaiteraient plus d'autonomie dans les activités. Quelques élèves n'y ont pas accès pour des problèmes d'emploi du temps.

·      Les parents et les enfants, dans l'ensemble, estiment que le tutorat est bénéfique mais déplorent la rareté des contacts. Ils constatent la bonne volonté et la qualité professionnelle de certains enseignants.

·      Les familles regrettent de ne pas avoir été assez associées au dispositif. Beaucoup se plaignent de l'environnement social du collège qui peut avoir un effet négatif sur le comportement de l'enfant. Certains estiment que tous les enseignants ne sont pas suffisamment impliqués dans l'accueil de leurs enfants.

·      En revanche, les parents apprécient que l'Education Nationale reconnaisse la précocité 

·      Les enfants aiment bien se retrouver entre eux au sein des ateliers ou à la cantine.

·      La possibilité de sauter une classe est, selon eux, un atout du dispositif.

·      Les parents ont parfois constaté une amélioration de la relation de leurs enfants à l'école et aux autres élèves.

         C - Perspectives pour la rentrée 1999 :

·      Le contenu des ateliers est susceptible d'évoluer en fonction des constats des enseignants (voir annexe) et des remarques des élèves. Beaucoup ont exprimé le désir d'une activité scientifique expérimentale.

·      Le tutorat sera reconduit mais son fonctionnement transformé. Nous envisageons d'inclure dans l'emploi du temps des élèves une heure collective et commune aux deux tuteurs au cours de l'aquelle une relation personnelle sera plus facile à établir, grâce à des activités de soutien ou d'approfondissement scolaire, d'élaboration de projets personnels et d'entretiens individuels.

·      En début d'année scolaire, un voyage regroupant les E.I.P. et leurs tuteurs pourrait être organisé afin de créer une plus grande proximité.

ZOOM SUR LE TUTORAT

L'expérience va se poursuivre tout en évoluant. Les acteurs vont changer, mais nous espérons cependant que le dispositif que nous avons vu naître va se péréniser.

Le dispositif d'accueil d'enfants intellectuellement précoces au collège Joliot-Curie a fait émerger un nouvel aspect du métier d'enseignant fondé sur une relation personnelle avec chacun des élèves.

Les enseignants-tuteurs sont les pivots de la mise en oeuvre du dispositif.

1 - Le rôle du tuteur

         L'individualisation des cursus scolaires des enfants E.I.P. repose essentiellement sur le travail de deux enseignants tuteurs. Leur rôle est, d'une part, d'établir un diagnostic de la situation scolaire de chaque enfant (lacune, points forts, intérêt, intégration) et de proposer les adaptations nécessaires. D'autre part, le tuteur est aussi un adulte qui doit servir de référent à l'enfant. En effet, les E.I.P. ont souvent des rapports conflictuels avec les adultes, particulièrement en milieu scolaire. Le tuteur tente d'établir avec l'enfant une relation autre que celle de professeur à élève.

         Depuis la rentrée 1998, deux adultes volontaires ont la responsabilité des 16 E.I.P. du collège. Madame MICHAU prend en charge les plus jeunes et Monsieur PAGES les plus âgés. Certains élèves sont dans leurs classes, d'autres pas. Les tuteurs rencontrent une fois par trimestre les élèves qu'ils ont en charge pour faire le point sur leur situation. D'autres entretiens ont lieu en fonction de leurs demandes, de leurs problèmes ou à la suite de remarques faites par les autres enseignants. Certains élèves sont suivis fréquemment (une fois par semaine) afin de surveiller de près leur travail à la maison, leur cahier de textes ou leurs classeurs. Il est, en effet, nécessaire pour certains de sentir un regard attentif sur leur vie scolaire.

         Indépendamment de ce travail auprès des élèves, les tuteurs reçoivent les familles. Ils sont aussi les interlocuteurs de référence des professeurs des élèves E.I.P.. Ils recueillent auprès d'eux des informations sur le travail de ces enfants dans leurs classes, les informent des mesures adoptées dans le cadre du dispositif. Ils travaillent régulièrement avec la direction du collège afin de proposer des aménagements de cursus.

 

2 - Compte-rendu des expériences des tuteurs

         2.1 - Présentation des tuteurs :

·      Anne-Sophie MICHAU :

Enseignant le français au Collège Joliot-Curie depuis la rentrée 1996, j'ai, depuis septembre 1998, la responsabilité de huit des E.I.P. scolarisés dans l'établissement. J'ai été, l'année dernière, intéressée par cette question et le tutorat qui m'a été proposé m'a semblé une expérience enrichissante. Côtoyer des élèves dans un autre contexte que le cours me semble également un des aspects essentiels du métier d'enseignant.

·      Lionel PAGES :

J'ai la responsabilité du tutorat des E.I.P. depuis septembre 1997. Je n'avais, à l'origine, aucune qualification particulière concernant le précocité intellectuelle. Je me suite, depuis, constitué une culture très empirique et très lacunaire dans ce domaine par l'intermédiaire de lectures d'articles et de conférence. J'ai pu me rendre compte à ces occasions de la diversité des approches de ces problèmes et du manque de certitudes scientifiques. Je n'ai ainsi pas d'autre compétence que ma courte expérience pour remplir mon rôle de tuteur.

         2.2 - La relation enfant-tuteur :

·      Lionel PAGES :

Une partie importante de ce rôle réside dans la relation personnelle que je dois établir avec ces adolescents. Or cette relation n'est pas toujours facile à entamer car elle souffre d'un certain nombre de handicaps à priori :

·      la caractère artificiel et contraint du contact enfant/adulte. En effet, les enfants ne choisissent pas plus leur tuteur que celui-ci ne les choisit. En conséquence, certains enfants/adolescents rejettent le tuteur comme étant le responsable d'une contrainte mal acceptée.

·      la proximité entre le tuteur et les E.I.P. est très différente selon que ceux-ci suivent les cours d'histoire-géographie dans mes classes ou non. Les enfants que je vois 3 ou 4 fois par semaine sont beaucoup 

moins intimidés à mon contact. D'une façon générale, ils se confient plus volontiers à moi, même s'ils peuvent être tentés de me cacher certaines choses. J'ai pour ma part, une approche beaucoup plus aiguë de leur personnalité et surtout de leur mode de fonctionnement scolaire.

Enfin, je suis en relation plus étroite avec l'équipe de professeurs qui enseigne à l'enfant.

Ces conclusions nous ont amenés à tenter d'intégrer au maximum les E.I.P. dans les classes de leur tuteur, mais cette volonté se heurte parfois aux impératifs de l'emploi du temps. Les contraintes matérielles sont souvent un obstacle à la relation tuteur / EIP. Nous essayons d'avoir au minimum un entretien trimestriel avec les enfants. Cela est peu (même si nous sommes en relation beaucoup plus étroite avec ceux dont nous estimons qu'ils ont besoin d'être encadrés) mais déjà très difficile à organiser avec des emplois du temps surchargés (cours - option - ateliers - soutien) pour des enfants qui, souvent, habitent loin du collège.

Là encore, les E.I.P. de mes classes sont favorisés car il est fréquent que je prenne 5 ou 10 minutes après un cours pour discuter, jeter un coup d'oeil au carnet de correspondance, etc...

Enfin, la relation tuteur / EIP est en grande partie tributaire des affinités qui se créent ou non entre les deux personnes.

Les connaissances théoriques sur les enfants précoces ne sont ici d'aucune utilité car nos stéréotypes se heurtent à la réalité d'êtres humains excessivement sensibles et très différents les uns des autres.

·      Anne-Sophie MICHAU

         La relation à l'adulte tuteur dans ce contexte devrait être une relation privilégiée. Nous somme là pour les écouter mais il n'est pas toujours facile d'établir le contact, beaucoup ont du mal à exprimer leurs attentes, leurs craintes, leurs problèmes. Il est parfois plus facile d'échanger avec les élèves que nous avons dans nos classes, mais cela implique également que la relation professeur / élève est plus difficile à laisser de côté. Les entretiens que j'effectue avec ces élèves me paraissent utiles quand il s'agit de régler des problèmes matériels d'emploi du temps mais pas toujours très fructueux dans la relation. Il est difficile de dépasser la relation formelle. Cependant, quand cela se produit, quand le tuteur arrive à engager une discussion sur un sujet extérieur à l'école, qui tient à coeur à l'enfant (l'informatique par exemple), à ce moment, une vraie relation débute.

         2.3 - La variété des situations :

         2.3.1 - Des profils différents - Anne-Sophie MICHAU -

         Les huit élèves dont j'ai la charge sont issus essentiellement des classes de 6ème et de 5ème du collège (+ les plus jeunes de 4ème). Peu d'entre eux sont en réussite scolaire (3/8) et il faut donc surmonter le paradoxe de ces enfants "supérieurs intellectuellement" mais qui ne s'adaptent pas au système scolaire. Les préjugés et les idées reçues à propos des "surdoués" ne sont pas faciles à écarter.

         On pourrait dire que trois catégories d'enfants précoces apparaissent parmi ces huit élèves : ceux en réussite scolaire, ceux qui restent moyens et quelques uns en très grande difficulté. Ce n'est pourtant pas si tranché car certaines en réussite scolaire ont des problèmes d'intégration dans un groupe ou ne savent pas travailler et s'organiser. J'encadre, par exemple, un élève toutes les semaines pour vérifier son cahier de textes et la tenue de ses classeurs et cahiers. Il semble plus difficile de véritablement prendre en compte les élèves aux résultats scolaires moyens. Leurs problèmes sont moins visibles et ce sont certainement ceux pour lesquels le rôle du tuteur se limite aux rencontres bilan trimestrielles avec l'enfant. Les élèves en grande difficulté nécessitent une attention toute particulière car l'écart entre les idées reçues et leur situation réelle est grand. Les parents sont désarmés face à ce décalage et les enseignants affirment avec vigueur : "Mais cet enfant n'a rien de précoce!". Il faut donc mettre en place un dispositif spécial de soutien dans certaines matières pou combler les lacunes et veiller à ce que chacun dans l'équipe pédagogique porte un regard particulier sur l'enfant.

         2.3.2 - Les difficultés d'intégration des E.I.P. dans le collège -Lionel PAGES-

         Certains enfant sont conformes aux représentations spontanées que l'on peut se faire concernant la précocité : brillants, cultivés, curieux. Pour autant, leur scolarité n'est par forcément épanouie.

         La plupart d'entre-eux connaissent des problèmes d'intégration dans le collège. Ces problèmes sont parfois accentués par leur maladresse dans les relations sociales. Il est primordial de ne pas faire apparaître l'enfant mal intégré comme protégé ou privilégié par les adultes. 

         L'expérience montre cependant que les enfants finissent pas être acceptés. Cette période plus ou moins longue marque certainement leur personnalité. J'ai le souvenir d'une élève de 5ème "avec un an d'avance" qui a ainsi acquis une grande assurance et beaucoup de force. Aujourd'hui, personne ne se soucierait de l'importuner. Le danger cependant c'est que les E.I.P. ne cherchent à s'intégrer qu'en calquant 

leur attitude sur celle des élèves les plus indisciplinés. Cela est assez fréquent. Il n'est alors pas question de soustraire l'enfant aux sanctions et au rappel de la règle mais il convient aussi de replacer son comportement dans un contexte difficile. Ce mimétisme d'intégration va même pour certains jusqu'au "sabotage" de leur travail scolaire.

         Paradoxalement, ceux qui souffrent le plus ne sont pas les plus brillants. En effet, ceux-ci se montrent conformes aux représentations des autres enfants qui n'éprouvent finalement qu'une certaine jalousie.

         En revanche, certains enfants précoces, particulièrement mal à l'aise dans leur scolarité, excitent les instincts sadiques de leurs camarades jusqu'à devenir des souffre-douleur. A leur souffrance initiale s'ajoute alors ce stress traumatisant. Confronté à cette situation, j'essaye de me montrer vigilant. Il paraît important de susciter les confidences de l'enfant sur ce qu'il endure. C'est souvent très difficile pour eux. Ils se confient à leurs parents et ce sont eux qui me racontent ce que vivent leurs enfants au collège.

         Pour les raisons citées plus haut, il est rare que j'intervienne directement auprès des autres élèves mais cela arrive si ceux-ci se rendent coupables d'agression. J'essaye également d'alerter les membres de la vie scolaire (C.P.E., surveillants, aides-éducateurs) pour qu'ils soient attentifs. Enfin, si la situation ne s'améliore pas, nous proposons à l'enfant de changer de classe, ce que d'ailleurs parfois il refuse.

         2.3.3 - L'organisation d'un collège à la carte :

·      Anne-Sophie MICHAU

         La bonne organisation d'un saut de classe est aussi une partie du travail du tuteur. Suite à des discussions avec ses collègues, il doit veiller à en informer tous les professeurs de la classe d'origine et de la classe d'accueil, veiller à ce qu'il s'informe des parties de programmes qui lui seront indispensable pour suivre dans une classe supérieure. Au bout de quelques semaines, il est utile de faire un bilan de ce changement avec les enseignants de la classe d'accueil pour décider si ce passage est définitif. Sur les huit élèves dont j'ai le responsabilité, trois ont sauté une classe, deux grâce à de très bons résultats scolaires et dont le passage est très réussi, un des élèves était plutôt en difficulté à cause d'une très grande démotivation due à deux redoublements proches. La tentative de passage dans le niveau supérieur n'a pas provoqué de déclic extraordinaire mais il a permis à cet élève de retrouver un peu de confiance, ses résultats étant un tout petit peu meilleurs que dans le niveau inférieur.

·      Lionel PAGES

         Les aménagements de cursus concernent majoritairement les enfants qui n'ont pas de grandes difficultés scolaires.

         Les mesures ont un objectif commun principal : stimuler leur intellect pour les inciter à travailler, exciter leur curiosité, satisfaire leur appétit de connaissances. Les entretiens me permettent d'évaluer les éventuels besoins des enfants.

         Ainsi j'ai été amené à proposer puis à organiser pour certains élèves le suivi de cours à un niveau supérieur en français et en langues. Cela s'est fait parfois à la demande des familles et après beaucoup d'insistance, sans beaucoup de réussite. Ceci tend à prouver qu'il n'existe pas de solution standard.

         Nous avons pratiqué plusieurs sauts de classe. Leur objectif est de stimuler l'enfant dont nous estimons qu'il s'ennuie dans sa classe et qu'il a les capacités à suivre un niveau supérieur. Bien entendu, je n'ai aucun pouvoir décisionnel en la matière. Mon rôle consiste à faire des propositions, à aider ou à diagnostiquer. 

         L'expérience nous a prouvé que cette solution pouvait être bénéfique pour l'enfant.

         E.D., élève de 5è, obtenait des résultats honorables tout en s'ennuyant copieusement. Après avoir suivi les cours de français de 4è, elle a finalement intégré le niveau supérieur en milieu d'année scolaire. Elle est actuellement en 3è (avec deux ans d'avance) où, après un trimestre de remise à niveau, elle obtient de bons résultats qui lui permettent d'envisager de passer en seconde dans de bonnes conditions.

         2.3.4 - Le problème de l'échec scolaire :

·      Lionel PAGES

         Le dispositif accueille au moins une moitié d'enfants précoces intellectuellement mais en difficulté scolaire plus ou moins grande.

         Ces enfants sont en général les plus âgés, scolarisés en 4è ou en 3è, ils arrivent chez nous avec un passé scolaire chaotique et douloureux. Le manque de discipline personnelle minimum choque leurs professeurs et leurs camarades. Ils sont souvent incapables d'amener leurs affaires, de tenir leurs cahiers, d'écouter plus de 2mn en classe, de faire des exercices ou des contrôles. Ces difficultés scolaires s'accompagnent souvent d'états dépressifs. Le problème est d'autant plus préoccupant qu'ils sont proches du moment de leur orientation. Les professeurs sont inquiets, les parents sont catastrophés.

         Mon action réside dans la discussion, l'écoute et l'organisation du soutien scolaire.

         Lors de l'année scolaire 1997-1998, un élève scolarisé en classe de 3è correspondait au profil évoqué plus haut. Fermé, malheureux jusqu'à envisager le suicide, j'ai organisé un entretien régulier au cours duquel j'ai essayé de très peu parler de l'école. J'ai alors pu le convaincre de changer de classe pour rejoindre la 3è dont j'étais le professeur principal. Dans sa nouvelle classe, il a été pris en charge par la fille à laquelle il avait confié ses idées noires. En cours d'histoire-géographie, j'ai valorisé ses qualités réelles en laissant de côté les lacunes de formes. D'autres professeurs, dont j'étais proche, ont fait de même. Si ses résultats en histoire-géographie sont devenus très bons, il n'a pas pu en quelques mois combler ses lacunes. Ses moyennes n'ont pas progressé de manière spectaculaire. Cependant, il s'est visiblement épanoui. Il s'est ouvert, un peu, n'a plus considéré l'école comme une agression, ce qui nous est apparu comme un résultat tout à fait appréciable.

         La modestie des résultats obtenus en ce cas précis illustre les limites du rôle du tuteur face à la gravité de certaines situations et en même temps un grand pas est franchi quand l'élève se remobilise.

·      Anne-Sophie MICHAU

         Les élèves E.I.P. en difficultés scolaires sont ceux qui sont les plus déroutants. En tant que tuteur, je me suis souvent sentie impuissante face à des situations difficiles : élèves en refus d'écriture, élèves ne s'intégrant pas dans le collège ou dans une classe, pour lesquels les solutions que nous pratiquons

habituellement ne semblent pas résoudre les problèmes. Ce constat peut être déstabilisant pour le tuteur qui a l'impression de ne pas jouer correctement son rôle.

         L'aide qu'apporte M. Ginet à plusieurs enseignants volontaires nous permet de prendre du recul par rapport à des situations d'échec. M. Ginet ne nous fournit pas de solutions pédagogiques, clé en main, mais une meilleure compréhension psychologique des enfants et une aide personnelle en nous donnant la possibilité de verbaliser les problèmes et les attentes.

         2.4 - Le tuteur et les parents

·      Lionel PAGES

         Une autre partie du rôle de tuteur consiste à être le point de contact entre les acteurs du dispositif. Ainsi, je suis amené à être un interlocuteur des parents d'élèves et des professeurs des E.I.P. Pour les parents, le contact avec le tuteur représente souvent la preuve tangible de la réalité du dispositif.

         D'une manière générale, je suis confronté à une attente très forte, peut être excessive des parents d'élèves. L'école est souvent considérée comme seule responsable des problèmes de leurs enfants et le dispositif comme seul remède. D'où certaines réactions de dépit à la mesure des espérances dont nous avions été investis.

         Mais les entretiens avec les parents permettent aussi souvent de mieux connaître la personnalité et les problèmes des E.I.P.

         2.5 - Le tuteur et les professeurs

·      Lionel PAGES

         Les discussions avec les professeurs de E.I.P. s'engagent le plus souvent lorsque ceux-ci m'interpellent au sujet d'un enfant qui leur pose problème. Là encore ils m'adressent des plaintes en m'attribuant implicitement un rôle qui n'est pas le mien. Il est fréquent qu'ils me demandent si je suis sûr que cet enfant est intellectuellement précoce "parce qu'avec moi, c'est pas brillant !". Ces discussions sont le signale de la nécessité d'une intervention.

         Il convient alors d'organiser un entretien avec l'enfant et d'essayer de trouver des solutions dans le cadre du dispositif. Le plus difficile étant alors de ne pas donner l'impression à l'élève que je suis le représentant des professeurs mécontents mais quelqu'un qui cherche à comprendre et à l'aider. Il m'arrive de solliciter des bilans ou des avis auprès de mes collègues concernant des E.I.P. Cela se produit dans les cas suivants :

                 Þ pour savoir où en est un enfant que je n'ai pas en classe et dont on n'entend pas parler

                 Þ pour savoir comment se déroule une disposition que nous venons de mettre en place             (cours en niveau supérieur, changement de classe)

                 Þ pour connaître le niveau exact d'un enfant dont nous envisageons un saut de classe                          complet ou partiel.

         2.6 - Bilan personnel des tuteurs

·      Anne-Sophie MICHAU

           Cette expérience de tutorat est enrichissante, c'est certain. Elle permet de prendre en compte une réalité qui m'était étrangère auparavant. Chercher des solutions, avec des collègues, les parents, la direction de l'établissement permet un dialogue et une ouverture importante aux multiples opinions et propositions. La relation aux élèves instaure un contact plus personnel avec eux et permet de mieux comprendre leur mode de fonctionnement. Pourtant, on se sent souvent très désarmé face à des difficultés que le système scolaire n'a pas réussi jusqu'alors à résoudre et qui sont parfois d'un ordre non scolaire (familiaux, psychologiques, ...). Nous aimerions faire pour eux et nous n'en avons pas forcément les moyens.

·      Lionel PAGES

           Cette fonction, nouvelle pour moi, m'a permis d'envisager le métier d'enseignant sous un jour différent. Je suis impliqué beaucoup plus étroitement qu'avec les autre élèves dans la scolarité des enfants dont j'ai la charge. Je suis amené à mobiliser des ressources variées au sein du collège ce qui donne l'agréable impression que beaucoup de choses sont possibles.

           La découverte de ces personnalités complexes et attachantes est également une source de satisfaction et malgré de nombreuses frustrations, les progrès constatés chez certains enfants (comportement, bien-être, travail scolaire) sont un motif d'espoir pour l'avenir.

 


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