Donner des repères aux élèves :une priorité pour la réussite.

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un travail co-disciplinaire au service de la réussite des élèves : donner des repères transversaux


Donner des repères aux élèves : une priorité pour la réussite 

1.       Présentation 
2.       Démarche de travail

3.       Analyse du savoir enseigné en relation avec le fonctionnement de l’élève
4.       Les deux choix fondamentaux proposés pour l’enseignement
5.       Sur quelles bases repose la co-disciplinarité lettres-sciences-physiques ?

 

1. Présentation

Deux professeurs de sciences physiques du lycée Branly font partie depuis plusieurs années d’une équipe réunissant d’autres professeurs de sciences de l’académie de Lyon et des chercheurs en didactique des disciplines scientifiques. Cette équipe a pour projet de fournir aux enseignants (de physique et de chimie) de collège et de lycée des "outils" pour les aider à concevoir et à analyser leur enseignement pour les situations de cours, de TP ou d’analyse documentaire. L’analyse que cette équipe fait de l’enseignement de la physique et de la chimie et ses propositions sont susceptibles d’être concrétisées au quotidien dans une classe. Cela a été le point de départ du projet co-disciplinaire car il est très vite apparu que cette concrétisation serait plus efficace pour les élèves si d’autres matières étaient impliquées.

Le professeur de lettres est impliqué dans la co-disciplinarité sur le plan de la formation à l’IUFM depuis plusieurs années : la lecture des consignes, le travail en équipe d’enseignants stagiaires, de professeurs de lettres et d’histoire, l’aide individualisée au collège comme au lycée sous des formes variées, la démarche de l’ECJS dans le débat argumenté… Depuis un an il participe au séminaire de l’IUFM sur les innovations institutionnelles visant à constituer un groupe relais de formateurs. Le travail co-disciplinaire conduit au lycée Branly permet d’articuler la formation et le terrain de manière très intéressante car il évite qu’il y ait entre la théorie didactique et la pratique pédagogique du terrain des écarts irréductibles. En ce sens il permet de conceptualiser des expériences vécues avec les élèves et de vérifier des hypothèses   ( démarches, méthodes, etc) dans l’acte d’enseignement et d’apprentissage en situation réelle.

 

2. Démarche de travail

 

Le point de départ a été le constat par les enseignants des deux disciplines de difficultés durables rencontrées dans l’enseignement du français, de la physique et de la chimie et confirmées par de nombreuses enquêtes  et recherches depuis plusieurs dizaines d’années.

Parmi les diverses explications à ces difficultés, deux d'entre elles paraissent incontournables. Les élèves se détournent de ces disciplines :

- parce qu’elles les déroutent ;

- parce que le temps d’apprentissage est trop court compte tenu des difficultés des programmes.

En lettres, une réflexion collective est engagée pour éclairer les évolutions de cette discipline riche et complexe : les actes du séminaire national d’Octobre 2000 organisé à la Sorbonne et réunis par M Alain Boissinot sous le titre Perspectives actuelles de l’enseignement du français en rendent compte très explicitement.

2.1 Explicitation de la démarche en physique et en chimie

  2.1.1. Les élèves sont déroutés par la physique et la chimie qu'on leur enseigne

Les élèves sont déroutés par la physique et la chimie qu'on leur enseigne parce que la nature des questions soulevées dans ces deux disciplines et les réponses qu'elles en donnent, sont, le plus souvent éloignées des questions que se posent les élèves et de la façon dont ils y répondraient.

En physique-chimie, une expérience n’est pas choisie au hasard. Il est compréhensible que l’élève, tenu à l’écart des raisons de ces choix, soit dérouté.

 

  2.1.2 Les élèves jugent difficiles la physique-chimie

Les difficultés que les élèves rencontrent en physique et en chimie sont souvent sous-estimées dès l'élaboration des programmes. Elles ne sont pas tant liées aux contenus qu’à l’insuffisance du temps d’enseignement. Les programmes sont essentiellement centrés sur les contenus et ne prennent pas assez en compte le point de vue de l'élève, la durée de l’apprentissage du fait des difficultés auxquelles on peut s’attendre et du temps d’appropriation. Le résultat est que l’enseignant est condamné à imposer un rythme trop rapide pour la plupart des élèves.

En physique-chimie comme en français, l’élève est finalement absent des préoccupations des concepteurs de programmes. En physique-chimie, des résultats de la recherche sur l’enseignement existent mais restent ignorés des décideurs.

En physique, la difficulté mal appréciée est facile à démontrer (premier alinéa du programme de mécanique de seconde par exemple où en une ligne est énoncée une série de concepts nécessitant chacun des activités prenant bien plus de temps que ce que les textes officiels préconisent.

2.2 Explicitation de la démarche en français

  2.2.1 L’éclatement de la discipline

La discipline du français est aujourd’hui éclatée en de multiples savoirs dont témoigne l’accompagnement des programmes en seconde et première :

-          quatre perspectives d’étude  président , soient : l’histoire littéraire, les genres, les registres, l’intertextualité, la production et la singularité des textes ;

-          cinq  objets d’étude en seconde sur sept  obligatoires : le récit, le mouvement littéraire(choisi dans le 19° ou dans le 20°siècle), le théâtre(la comédie et la tragédie), l’argumentation(démontrer, convaincre, persuader), le travail de l’écriture ; l’éloge et le blâme d’une part et écrire, lire, publier d’autre part sont facultatifs

-          Cinq objets d’étude en première, série générale à étudier : le mouvement littéraire et culturel entre le XVI et le XVIII° siècles ; l’argumentation(convaincre, persuader, délibérer ; les formes de l’apologue, le dialogue et l’essai) ; le biographique ; le théâtre : texte et représentation (tragi-comédie, le drame et le théâtre moderne) ; la poésie

-          L’étude raisonnée de la langue

-          La lecture de l’image fixe ou mobile

-          La variété des types de lecture : on parle de lecture analytique, de lecture intégrale, de lecture cursive concernant des textes littéraires ou non littéraires , de lectures d’accompagnement

-          Les registres en seconde : le tragique, le comique, l’épidictique (admiration ou blâme), l’épique, le fantastique, le didactique

-          Les registres en première : le lyrique(et l’élégiaque), le polémique, le satirique( et l’ironique), le pathétique, le délibératif

-           le sujet d’invention à l’écrit du bac de français répertorie  au moins huit exercices d’écriture possibles pour  transposer, transformer, imiter, reprendre, analyser , confirmer, réfuter, amplifier ,etc.

-          la deuxième partie de l’épreuve orale du bac , l’entretien, offre un champ de questions très étendu : Après l’analyse du texte par le candidat ,l’entretien élargit la réflexion par des questions relatives au groupement de textes, ou à l’œuvre étudiée, mais aussi à une ou des lectures cursives ,à l’objet d’étude auquel il se rattache, à l’image fixe ou mobile étudiée en classe….

 

  2.2.2 Les catégories littéraires

-          L’élève méconnaît les catégories littéraires

On relève deux attitudes caractéristiques de cette méconnaissance chez l’apprenant : dans un premier cas, l’élève ignore ces “ modèles de référence ” énumérés ci-dessus : ces catégories abstraites ou théoriques selon lui n’ont pas d’utilisations concrètes ; il les juge trop “ compliquées ” et surtout inefficaces la plupart du temps car il ne les reconnaît pas dans de nouveaux textes ou ne sait pas les réutiliser dans ses productions écrites : il ne fait aucune mise en relation entre les différentes notions.  Ainsi le registre épique étudié dans un extrait de l’Iliade d’Homère (le combat d’Achille contre Hector) sera très difficilement mis en relation par un élève de seconde  avec un extrait du roman naturaliste du XIX° comme la Bête humaine de Zola ou la locomotive et son mécanicien rappellent le combat des valeureux héros de la guerre de Troie. La transposition du texte épique antique à cette page naturaliste ne va pas de soi. Or, c’est un problème constant en cours de français qui vaut pour tous les élèves, quel que soit leur niveau de classe. Ainsi, la lecture de certains passages épiques du roman de Gargantua de Rabelais sera rendue encore plus ardue dans une classe de première parce que l’auteur y mêle à la fois le registre épique et parodique, le combat de frère Jean ayant pour unique objet de préserver les vignes de son abbaye de l’armée ennemie ! Nos élèves ont besoin que l’on prenne en compte ces difficultés.

 Dans un deuxième cas, il les connaît mais de manière confuse et ne parvient pas à les réutiliser ou à les recontextualiser avec pertinence. Il voudrait retrouver fidèlement ces catégories. Or, dans les textes qu’il découvre, les lois d’un genre ou d’un registre ont pu se modifier selon l’époque, l’auteur, etc. Sa bonne volonté est mise à rude épreuve. Il se sent piégé et rejette cette complexité pourtant si riche.

On s’aperçoit donc que ces deux attitudes traduisent la difficulté de la discipline et produisent des résistances chez l’élève.

  2.2.3 Le français ressenti comme matière arbitraire

Les élèves ont le sentiment que le cours de français est arbitraire pour deux raisons majeures : d’abord l’analyse d’un texte leur paraît très subjective, soumise à un  seul point de vue, celui du professeur généralement. Dans la mesure ou l’auteur n’a pas laissé d’écrits permettant d’infirmer ou de confirmer l’interprétation du pédagogue, l’élève reste persuadé qu’on peut faire dire à un texte ce que l’on veut et par conséquent, le commentaire d’un texte est pour lui réfutable. Il ne voit pas que le professeur se réfère à des catégories notionnelles développées en cours.

Pour d’autres au contraire, la lecture analytique d’un texte présuppose l’érudition et beaucoup de culture. L’élève se sent dépassé par le nombre pléthorique de connaissances ou de notions à mobiliser et se décourage au point de se contenter d’approximations.

Ensuite, le français reste une matière arbitraire dans la correction : “ on ne peut pas savoir en français quelle note on aura alors qu’en maths, on le sait ” revient comme une litanie  d’année en année. Ils ignorent les attentes du correcteur, ou utilisent mal les grilles d’autocorrection sur lesquelles figurent pourtant le barème par item , ou se découragent devant le nombre de critères à respecter.

Cela induit une attitude face au travail inefficace car l’élève va s’en remettre lui aussi pour une part au hasard, ou à l’arbitraire à l’image de ce qu’il imagine de la correction. Ainsi, il glane des informations dans l’énoncé d’un sujet mais n’opère aucune sélection des termes porteurs de sens, ce qui va lui donner une vision du sujet incomplète et donc erronée. Ou bien, il ne tient compte que d’une partie de la consigne, en général celle qu’il pense avoir comprise, et oublie le reste. Enfin quand il traite les questions posées dans la première partie d’un sujet du bac de français (composée de deux ou trois questions sur un corpus de textes centré sur un ou des objets d’étude), il ne voit pas clairement pour quelles raisons on lui pose ces questions, navigue à vue, pioche dans sa mémoire des éléments qui pourraient peut-être se rapprocher de ce qu’on demande sans opérer le moindre tri, sans vérifier les hypothèses pour voir si ce qu’il pense convient à l’ensemble des textes ou pas. Il n’a pas acquis une démarche de pensée suffisamment rigoureuse ni autonome  pour mettre en relation le corpus et les questions d’une part, les textes entre eux d’autre part, pour mobiliser ses connaissances sur l’objet d’étude  en les transférant à un nouveau groupement.

Pour changer la représentation des élèves concernant cette discipline il importe par conséquent de travailler sur les opérations de transfert des apprentissages et de donner du sens en rendant explicites les raisons pour lesquelles sont choisis ces objets d’études, ces textes et ces sujets.

  2.2.4 La complexité du français

Le français se définit non seulement par l’objet qu’il vise mais aussi par les domaines du savoir auxquels il se réfère. L’enseignement du français tient compte du public varié des collèges comme des lycées. Pour répondre aux attentes, l’étude de la littérature doit s’ouvrir à des genres très divers, dialoguer avec les littératures étrangères mais également aborder des langages littéraires et non littéraires tel l’image fixe ou mobile.

L’enseignement du français se doit par ailleurs de donner une vue d’ensemble des  différentes conceptions et dimensions de la littérature sans en privilégier aucune afin que l’élève puisse faire son choix en connaissance de cause. Enfin, cet élargissement s’inscrit dans une perspective historique, en s’appuyant sur le passé et le présent. Tout cela contribue à la formation de la culture des élèves. L’étendue et la richesse de cette formation définit sa complexité et explique en grande partie que les élèves aient des difficultés à se repérer dans ce foisonnement de notions, de concepts.

A cela s’ajoute le problème du temps . C’est un véritable coup de force aujourd’hui de réussir à maîtriser ces connaissances(5 objets d’étude obligatoires) à raison de quatre heures hebdomadaires dans les classes S ou ES ou l’on sait que les élèves pour la plupart se concentrent davantage sur les matières dominantes. Le rythme d’apprentissage est bien trop rapide pour un élève moyen. Il finit souvent par faire le choix d’apprendre ou d’appliquer mécaniquement des connaissances les unes à la suite des autres plutôt que de prendre le temps de s’interroger sur les liens que l’on peut tisser entre les textes, des notions, etc. Pour mieux appréhender la richesse des savoirs fondamentaux il manque donc un temps de maturation, d’essais et d’erreurs qu’il faudrait mettre en œuvre pour donner du sens à l’enseignement de la discipline.

En outre, le professeur est confronté lui aussi à la gestion du temps et doit concilier l’exigence du programme, sa complexité dans la mise en place comme dans la mise en oeuvre ainsi qu’une progression adaptée à sa classe.

 

3.Analyse du savoir enseigné en relation avec le fonctionnement de l'élève

3.1. En physique et en chimie : une caractéristique essentielle de la physique et de la chimie enseignées

Nous pensons que l'une des clefs de la réussite et de la motivation d'un élève en sciences physiques consiste à lui permettre de prendre conscience de sa démarche lorsqu'il analyse une situation expérimentale pour l'interpréter ou pour en prévoir l’évolution.

 

Sans qu'on le lui dise toujours clairement, l'élève doit analyser des situations matérielles en faisant fonctionner un ou plusieurs modèles. Nous considérons que lors de telles opérations de mise en relation l’élève donne du sens au modèle. Elles sont donc indispensables à l'apprentissage que l'on attend de la physique et de la chimie.

a) Distinction de la situation matérielle et du modèle qui en rend compte

Nous considérons qu'une condition première d'un bon apprentissage consiste à aider l'élève à distinguer les éléments perceptibles de la situation matérielle de ceux qui relèvent du modèle qui en rend compte. Nous représentons l’activité de modélisation sous la forme du schéma ci-dessous (figure 1).

 


 

 

Nous exprimons ce point de vue en écrivant qu'il faut aider l'élève à distinguer le monde des objets et des événements du monde des théories et des modèles. L'élève a tendance à mettre ces deux mondes sur un même plan.

b) Distinction des connaissances de la physique et des connaissances quotidiennes (titre à revoir)

La démarche consistant à faire fonctionner un modèle pour rendre compte d'une situation matérielle est très souvent rendue difficile par l'intrusion d'éléments extérieurs au modèle issus généralement de connaissances et de modes de pensée qui ont cours dans la vie quotidienne. Or, ce qui fonctionne au quotidien n'est pas toujours en accord avec la physique et se trouve parfois en contradiction.

Pour apprendre de façon satisfaisante la physique et la chimie, l'élève doit peu à peu se discipliner de façon à ne se référer qu'au modèle et/ou à des observations pertinentes pour le modèle quand il veut valider ses affirmations.

c) Conclusion

Au-delà de la confusion des deux mondes et de l'intrusion du quotidien dans l'analyse, l'opération de mise en relation porte en elle une difficulté car le modèle est souvent complexe pour l'élève puisqu'il est en train de le découvrir et de lui donner du sens. Cela explique qu'il ne se livre pas volontiers à ces opérations de mise en relation (la recherche l'a montré) et qu'il ne le fait que si l'enseignant l'y contraint.

3.2 Nécessité de conscientiser la démarche d’analyse en cours de français

L’enseignant de lettres aborde le programme comme l’avocat plaide pro domo. Pour lui, les textes comme les catégories auxquels il se réfère lui sont intimement familiers. De facto, il est en pays de connaissance. Ceci engendre plusieurs problèmes.

D’abord l’enseignant n’a pas une conscience claire des opérations intellectuelles ayant conduit de manière souterraine chacune de ses analyses. Du même coup, sa démarche reste implicite dans le cours et l’élève ne peut donc pas l’identifier clairement pour se l’approprier. Or, si le professeur ne rend pas explicites les différents  processus intellectuels qui lui permettent de conduire l’analyse d’un texte, s’il ne montre pas les liens qu’il établit  entre des textes ou des notions clés, l’élève n’a pas les moyens de transférer quoi que ce soit . Il ne peut pas savoir faire ex cathedra ce travail de mises en relation. On observe donc une corrélation étroite entre les causes et les effets. Le fait d’ignorer ou de ne pas rendre explicites les processus intellectuels en jeu( le programme parle de mises en relation) chez l’enseignant engendre le même phénomène de carence ou d’occultation chez l’apprenant .

 On constate que la construction du savoir devient effective en rendant explicites les mises en relation. C’est l’un des enjeux de l’enseignement du français aujourd’hui.

La question centrale est donc de savoir comment le professeur de français peut enseigner cette compétence portant sur la mise en relation ou le transfert des apprentissages : quels sont les besoins des élèves ? quels sont les moyens nécessaires à cet apprentissage ? quels dispositifs pédagogiques mettre en œuvre ?

 

4. Les deux choix fondamentaux proposés pour l’enseignement

4.1. Donner des repères à l’élève pour éviter que l’enseignement des sciences et du français ne déroute l’élève

  4.1.1 En physique et en chimie

a) Aider l’élève à différencier et articuler sa description des faits expérimentaux et les théories et modèles qui en rendent compte

b) Expliciter à l’élève les différents choix des physiciens et des chimistes

  4.1.2 En français, donner des repères pour construire un savoir

a) Le texte de référence

Le repère fondamental que les physiciens appelle le modèle a en français un équivalent : il s’agit du texte de référence qui permet de définir les lois d’un registre par exemple. Ainsi, découvrir la notion de registre épique en commençant par l’épopée antique d’Homère (un extrait du combat d’Achille contre Hector dans l’Iliade) constitue un modèle littéraire en soi suffisamment éclairant pour l’élève pour servir de repère. Ce texte  mis ensuite en relation avec d’autres permettra de comprendre que les principes définissant ce registre ont pu évoluer au cours de l’histoire littéraire,

b) Justifier les choix du professeur comme du programme

Un vrai travail d’explicitation est nécessaire pour donner de la cohérence aux séquences d’apprentissage : pour favoriser l’adhésion de l’élève à la tâche , il est impératif que l’enseignant justifie explicitement les raisons pour lesquelles il propose telle œuvre , tel objet d’étude, telle problématique. Les cours de français paraissent alors moins arbitraires.

4.2. Enseigner chaque discipline en tenant compte réellement de sa difficulté

 

  4.2.1 En physique et en chimie

a) Décortiquer étape par étape le cheminement demandé à l’élève

Le but de cette opération est d’éviter de mettre l’élève devant un pas trop grand à franchir (entre ce qu’il sait et la connaissance nouvelle qu’on veut introduire).

En français, il semble qu’il s’agisse moins d’un cheminement que d’un réseau de relations à établir (entre deux objets d’étude, deux genres, différents registres…). Ce réseau pourrait se présenter sous la forme d’une arborescence.

b) Tenir compte du fait que l’élève est souvent en difficulté lorsqu’il a à analyser une situation matérielle en se référant à un modèle

En physique, il est prouvé par plusieurs recherches que l’une des difficultés majeures rencontrées par l’élève réside dans l’analyse d’une situation matérielle à l’aide d’un modèle (pour interpréter ou prédire).

  4.2.2 En français

a) Unifier leurs savoirs par le recours à une modélisation

L’entreprise du pédagogue est réussie si est posée clairement la question du sens, la capacité de comprendre, de réinvestir et de transférer une démarche à d’autres tâches.  Or, force est de constater que l’élève est désorienté par ce foisonnement et manque de repères stables et fiables. De même l’enseignant n’a pas de progression préalablement établie. L’institution attend de l’enseignant qu’il sache construire et organiser des séquences didactiques en fonction du programme et de sa classe. Aucun manuel de lettres n’offre de cadre préétabli au professeur sur ce point. Rien de semblable en mathématiques ou en sciences –physiques : le professeur peut suivre le chapitre du début à la fin. Il n’a pas à élaborer la construction des savoirs parce qu’elle lui est en grande partie fournie.

Cependant la complexité de l’enseignement du français pose une nouvelle difficulté à analyser et à surmonter. En effet, si les lois de Newton s’avèrent irréfutables, intemporelles et universelles, on ne peut pas parler des lois d’un genre littéraire dans les mêmes termes . Pourquoi ? Les genres sont par définition des catégories variables et nombre d’œuvres en prennent les caractéristiques pour les détourner, voire les subvertir, où mêlent des éléments de plusieurs genres. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’accompagnement des programmes propose que l’on voie en seconde la notion même de genre ainsi qu’une initiation aux cas de mixité et de subversion des codes. La classe de première aura pour fonction d’approfondir ces notions et d’en montrer leur évolution à travers l’histoire littéraire.

Il faut donc bien faire comprendre à l’élève qu’en littérature le modèle se modifie. En voici une autre illustration pour mieux convaincre: l’étude d’une œuvre intégrale conduit à soulever les questions de conformité d’un texte avec les lois du genre dont il relève et à s’interroger sur la façon dont il les modifie ce qui élargit la réflexion à la singularité des textes. L’instabilité du modèle littéraire a un sens comme on le constate par exemple à travers la forme du sonnet : le sonnet défini par la Pléiade au XVI° siècle va subir au XIX° une nette évolution et même un travestissement de  forme qui annonce sa décadence au XX°. Sans connaître le modèle de la Renaissance(de Ronsard, Du Bellay, etc.) il est impossible de le reconnaître sous sa forme travestie dans le poème Mai d’Apollinaire extrait du recueil Alcools

b) Tenir compte de la difficulté à établir des mises en relation et en faire une compétence

L’apprenant croit que seules les connaissances sont évaluées alors que ce sont également des compétences, pour ne pas dire des démarches de pensée. Il n’en est rien aujourd’hui dans l’enseignement du français. A l’oral du bac de français, on évalue la capacité du candidat à mettre en relation  un texte avec d’autres, une œuvre et un document iconographique étudiée en classe, à confronter deux pièces de théâtre marquant l’évolution du genre, etc. Sans établir de relations entre les deux textes ou documents, le candidat n’a aucune chance de pouvoir traiter la question correctement. On s’aperçoit ainsi que cette compétence de mise en relation permet la réussite de cette deuxième partie de l’épreuve orale.

 

Dans les documents d’accompagnement, on relève plusieurs occurrences de l’expression “ mise en relation ”. Citons un extrait de la page 19 : “ Dans les démarches, une telle perspective d’étude appelle la plus grande attention aux mises en relations entre des textes et aux comparaisons méthodiques qui peuvent en résulter ; elles sont importantes notamment dans le cas de la poésie ”. De même à la page 113, l’exemple de séquence didactique sur le Misanthrope de Molière pose comme objectif de travail de procéder “  à des comparaisons avec l’œuvre qui fait l’objet de la  lecture cursive ; les élèves apprennent ainsi à comparer et à contextualiser ”. Cela témoigne de la place que prend aujourd’hui cette compétence dans l’enseignement de la discipline.

 

Or cette compétence ne va pas de soi. Pour devenir effective, il reste beaucoup à faire pour l’enseignant car c’est à lui d’abord  de réaliser des mises en relation dans sa pratique pédagogique.

Premièrement il importe de la définir de manière exacte ; parler de mise en relation, puis de comparaison, ne sont pas pour nous équivalent. Des questions doivent donc être élucidées comme celle de savoir si la mise en relation est toujours un transfert d’apprentissage.

Deuxièmement, on ignore quelles sont les différentes  mises en relations pratiquées en cours de français et il serait par conséquent utile d’en dresser une typologie afin de les identifier, les hiérarchiser. Cela donnera à la classe un référentiel commun indispensable aux élèves comme à l’enseignant.

Troisièmement, établir des mises en relation suppose une mise en œuvre, soit un dispositif pédagogique, une méthodologie, de nouvelles activités, des exercices appropriés et des outils.

Nulle trace de tout cela dans nos manuels pourtant respectueux du programme et des textes officiels du Ministère. Les chapitres continuent d’aborder la littérature à partir de notions comme le théâtre, la poésie mais n’offrent pas d’activités répondant à cette exigence. On reste dans un discours implicite, allusif, et c’est bien ce manque qui fait problème dans l’enseignement : comment l’évaluer s’il n’est pas travaillé ? Comment construire cette compétence sans en parler, sans  proposer des situations d’apprentissage adaptées ou les mises en relation sont pertinentes ?

Pour éviter d’aborder les catégories littéraires de manière trop abstraite, il est indispensable de les étudier en contexte, c’est-à-dire à l’intérieur d’une ou deux œuvres intégrales(l’une cursive et l’autre étudiée en classe) ou bien dans un corpus de textes extraits d’œuvres. Ainsi, pour étudier le genre tragique, l’élève a besoin d’avoir des réponses à des questions élémentaires pour lui permettre de construire des repères fiables : un texte de référence(un extrait de la poétique d’Aristote, d’une préface d’une pièce comme Bérénice de Racine) servira de point de départ afin que soient clairement poser l’origine de la tragédie, sa codification à l’époque classique. Ceci tient lieu en quelque sorte de modèle aux élèves . Il offre l’avantage de poser clairement les lois d’un genre, d’en définir les principes à un moment historiquement donné. Il facilite la mise en relation car il permet à l’élève de s’y référer et de comparer cet extrait  d’une tragédie de Racine avec un autre extrait d’une pièce de Ionesco. Il est  à même de constater les écarts, de mesurer l’évolution du genre tragique et de prendre conscience que le modèle littéraire a considérablement évolué au cours des siècles. Il a moins l’impression que le français est arbitraire.

 

Actuellement, l ‘enseignant  a tendance à croire que l’élève maîtrise ces connaissances concernant  les lois du genre ou d’un registre et par conséquent se contente de les rappeler, oralement, allusivement, par un  résumé théorique que l’élève oublie parce qu’il n’a pas eu par lui-même l’occasion de les découvrir dans un texte. Or l’apprenant ne peut pas comprendre que le drame romantique remet en question les lois du genre de la tragédie classique s’il n’a pas lu et étudié une tragédie classique.

Il s’avère donc fructueux de donner des repères, des outils, des cheminements

 

La MER deviendrait donc une démarche donnant accès au sens des textes, des œuvres et des discours puisqu’elle offre la possibilité de résoudre un problème  dans un nouveau contexte( un corpus de textes0) que l’apprenant ne connaît pas. Il nous faut donc maintenant entrer dans une logique d’apprentissage et pas seulement dans une logique de discipline

 

  4.2.3 Tenir compte des résultats de la recherche sur l’enseignement des sciences et des lettres dans le choix des contenus d’enseignement et de la façon de les présenter.

 

Les professeurs de sciences physiques ont pu vérifier que les choix fondamentaux proposés aux enseignants pouvaient se concrétiser dans les classes. Dans le cadre du projet co-disciplinaire, il a été rapidement clair que la collaboration avec les enseignants d’autres disciplines, en particulier les lettres et les mathématiques, était souhaitable. Un éclairage mutuel de ces disciplines permet aux enseignants de prendre conscience de leur propre fonctionnement. Nous avons voulu vérifier si les choix de donner des repères à l’élève et de chercher à apprécier les difficultés qu’il rencontre pouvaient s’étendre à d’autres disciplines (moyennant quelques adaptations) et si cela pouvait être bénéfique aux élèves.

 

5 . Sur quelles bases repose la co-disciplinarité lettres-sciences physiques ?

 

5.1 les deux disciplines souffrent d’une mauvaise image

 elles rebutent  car elles sont considérées comme trop complexes, trop denses, difficiles, arbitraires

5.2 Les deux disciplines partagent le même projet

Il s’agit de réconcilier l’élève avec les sciences physiques et le français en rendant l’accès aux savoirs plus accessibles. La co-disciplinarité vise à la réussite de tous les élèves.

5.3 Pour atteindre cet objectif, il s’agit d’apprendre aux élèves à faire des mises en relation (MER en abrégé)

L’hypothèse de départ est qu’il existe des points communs entre la mise en relation définie en sciences-physiques entre une expérience et un modèle ,et, en français entre les lois d’un genre ou d’un registre que l’élève découvre dans un texte de référence(le modèle pour les scientifiques) et d’autres textes.

La mise en relation devient donc une priorité à développer car c’est elle qui permet à l’élève de construire des savoirs. Les élèves entendent le même discours

5.4 la mise en relation en sciences physiques et en français a un point commun

Quand il s’agit de faire un rapprochement entre l’expérience et le modèle ou , entre les lois d’un genre littéraire et un texte singulier, les deux matières adoptent une démarche similaire : il nous appartient de mettre en évidence les similitudes et les différences. On a découvert qu’ il existe plus de variétés de mises en relation en français qu’en sciences-physiques.

5.5 l’organisation des séquences d’enseignement comme les dispositifs mis en œuvre doivent donc changer pour mieux tenir compte des difficultés des élèves

En voici quelques exemples : la première tâche est d’expliciter, de justifier nos choix ; la seconde d’offrir des repères en construisant des outils et des balises( arborescence des caractéristiques d’un registre en français ; recours aux registres sémiotiques en sciences –physiques). Il est indispensable d’inventer de nouvelles activités(typologie d’exercices)en cours de français pour répondre à ce besoin d’apprentissage de la MER : le professeur de français tire donc partie de ce qui existe déjà dans l’équipe des professeurs de sciences(les registres sémiotiques permettent à l’élève d’appréhender le modèle et la Mer progressivement)

Il importe également de maintenir une cohérence entre toutes les activités des séquences et de vérifier auprès des élèves si elle est perçue clairement.

Enfin cela signifie de trouver d’autres modalités d’évaluation : il ne s’agit plus seulement de vérifier si à l’oral du bac de français par exemple l’élève a acquis ou non la maitrise de certaines notions-clés, il est davantage question d’évaluer des compétences dont cellede la MER.

5.6 La situation idéale serait  de conduire la classe jusqu’à l’autonomie dans la construction des mises en relation

Faire comprendre aux élèves que même si le professeur ne rend pas toujours explicite le modèle, il y en a dans tous les cas.

5.7 le partage des mêmes valeurs

Ce travail co-disciplinaire  a été possible parce que les membres de l’équipe partageaient les mêmes convictions, les mêmes conceptions, les mêmes valeurs sur l’enseignement. Sans cette adhésion éthique, ce projet n’aurait pas suscité l’engagement de l’équipe sur la durée.

Un des points essentiels que nous avons retenu de ces théories est que l’élève construit son savoir à partir de ce qu'il sait déjà, que cela provienne de l'enseignement antérieur ou de la vie courante. En particulier, un certain nombre de représentations classiques chez les élèves compromettent souvent un bon apprentissage.

Nous avons également retenu les points suivants :

                - le temps d'apprentissage et le temps d'assimilation sont souvent longs. Il faut laisser l'élève s'approprier le problème qu'on lui pose. On intérêt à le laisser tâtonner et se tromper, à lui demander d’argumenter oralement avec son voisin de TP ou de cours ou avec le reste de la classe, d’argumenter en rédigeant des textes à l'écrit.

                - proposer une variété de situations mettant en jeu des démarches différentes car certaines conviennent mieux que d'autres à l'élève;

                - utiliser plusieurs registres sémiotiques quand les situations s'y prêtent (exemple de l’optique pour laquelle plusieurs registres sont souvent utilisés (expérience, maquette de modélisation, schémas, calculs, graphes, simulation..);

                - éviter de mettre l'élève  devant un obstacle trop grand afin de le faire adhérer à l'activité et pour augmenter les chances d'obtenir cette adhésion, créer des situations avec enjeux exigeant une prise de position induisant une activité qui tranchera ;

 

plusieurs dispositifs existent aujourd’hui au sein de l’équipe dont en voici quelques uns :

L’atelier est aujourd’hui un lieu d’analyses de pratiques du groupe. L’équipe assiste à des cours de français et de sciences physiques pour ensuite confronter avec bienveillance les choix faits par l’enseignant sur la mise en relation et ses modes opératoires. Dans chaque séquence du français, une séance est consacrée exclusivement à un travail de bilan sur la ou les MER avec la classe. Les échanges sont actuellement de plusieurs natures : ils se font entre professeurs mais également entre professeurs et élèves qui réagissent souvent de manière affective sur certains points : si le modèle en français est dans l’histoire littéraire remis en question, quelles sont ses vertus ? sa validité ? fiabilité ?

 

Conclusion

Parmi toutes les innovations institutionnelles, nous avons retenu celle qui porte sur la démarche co-disciplinaire pour aider nos classes à réussir leur cursus scolaire. Parmi tous les besoins que nous avons pu faire émerger (lecture de consignes ; apprentissage d’un cours, prises de notes,etc), c’est la nécessité de construire des repères qui s’est imposée .

Qu’il s’agisse du modèle scientifique ou d’un texte littéraire fondateur, il existe dans les deux disciplines des aspects communs que nous nous efforçons d’expliciter avec nos élèves (lois, codes, principes, règles). Ces repères mis en relation avec des expériences physiques ou en français, avec d’autres textes, d’autres problématiques donnent du sens à l’apprentissage. Tel est l’enjeu de cette collaboration qui peut s’ouvrir à d’autres disciplines.

 

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