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Jérémy
arrive au Relais
Collège “Jean
Renoir”, 15heures , je suis en salle des professeurs et profite d'un
"trou" dans mon emploi du temps pour préparer des cours. Dans
le même temps, je suis à la disposition du Relais.
15
heures 10, le principal adjoint me demande d'accueillir Jérémy qui s'est
fait exclure de cours.
Je prends en
charge Jérémy, je l'emmène dans la salle
prévue pour le Relais et l’installe. Je commence l’entretien
en lui présentant le protocole, destiné à le mettre en
confiance : “ je veux que tu me racontes ce qui s’est
passé, sans nommer le professeur.
Je veux ta version des faits ”. L’incident et l’entretien
devant être mis par écrit, je lui demande s’il est d’accord pour que
ce soit lui qui écrive ce qu’il dit. Ensuite, je lui montre une fiche
avec des figurines et lui demande de me montrer comment il était en
arrivant et comment il est actuellement. À la suite de ces exercices de
verbalisation, d'écriture, et de réflexion sur soi, je demande à
Jérémy de réfléchir sur son retour au prochain cours avec ce même
professeur : “ Comment envisages-tu ton retour en
classe ?Comment vas-tu te comporter ? ”. Nous essayons
ainsi, ensemble, de mettre en place un retour "honorable" pour
lui et pour le professeur afin qu’il ne se sente pas léser. Seize heures, la sonnerie retentit, nous
devons nous séparer car j'ai un cours. Je lui remets un double du rapport
en lui expliquant quel est son intérêt de le conserver : “ Dans
le cas où il y a un problème, tu possèdes le double de ce que tu as
dit, ce qui signifie que l’on ne peut pas le modifier, il est donc
important que tu le gardes ”. Il est, bien sûr, libre d’en faire
ce qu’il veut. Puis Jérémy me quitte pour assister au cours suivant. J’apporte
la fiche remplie au principal adjoint qui la classe dans le dossier
Relais. Je ne prends aucune sanction, celle-ci, si nécessaire, doit être
à l'initiative du professeur excluant. L’équipe du Relais travail sur
l’exclusion , non par la sanction mais par la prise de parole. Comment
en sommes-nous arrivé à ce dispositif ?
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Un collège “rurbain”
Le collège “Jean
Renoir” de Neuville sur Saône se situe dans la banlieue nord de Lyon.
Il accueille une population hétérogène de 860 élèves. Depuis quelques
années, l’Inspection Académique l’a classé “ collège
difficile ”. Le recrutement des élèves se fait sur huit communes
environnantes, certaines ont gardé une vocation rurale alors que d’autres sont devenues des
cités dortoir. A proximité du collège se trouve quatre établissements
spécialisés accueillant des cas sociaux ainsi qu’un établissement d’enseignement
privé. Parmi le public enseignant, on constate un mélange de
génération. On distingue trois groupes : les anciens, les jeunes et
les intermédiaires qui restent au collège environ 6 ans. Ce sont les
professeurs de ce dernier groupe qui semblent s’investir davantage alors
que les plus anciens, enfermés dans leurs habitudes, sont les plus
hostiles au Relais. Cette même attitude se rencontre également chez les
jeunes professeurs.
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L’évolution
du dispositif
Les années
précédentes, au collège, les élèves exclus de cours étaient envoyés
au bureau des surveillants, il leur était alors interdit d’aller en
permanence et devait rester, seul, assis ou debout dans le hall d’entrée :
le SAS. Pendant cet isolement, ils gardaient leur rancœur et exprimaient
leur colère par des coups de pieds dans le mur.
Devant l'augmentation
du nombre d'exclusion au cours de l'année 1998, le principal adjoint et
quelques professeurs lancent l'idée d'un dispositif qui permettrait
"d’accueillir” les élèves exclus de cours. Les adultes
intéressés par le projet se réunissent plusieurs fois.
Dans un premier temps,
il s’ agit de discuter, de
réfléchir. Ils analysent les effets de l’exclusion de cours sur l’élève et sur son retour
en classe. Il en ressort que l’isolement n’est pas une bonne solution
car l’élève ne se calme pas. Dans un second temps, ils imaginent un
dispositif : le Relais, qui se met en place au cours du second
trimestre de l’année 1998-1999. Les professeurs proposent de recevoir
les élèves pendant les "trous" de leur emploi du temps. Les
surveillants sont également
volontaires pour faire fonctionner le dispositif ; quant aux
aide-éducateurs, leur participation au Relais est obligatoire.
L'équipe a le soutien
du groupe "parole" de "L'Arc en ciel" de Trévoux (
une psychologue et deux éducateurs spécialisés), rencontrés lors de
visites qu’il effectuait au collège. Ce groupe a pour mission d’apporter
une aide aux adolescents des collèges environnants, présentant des
difficultés psychologiques, afin de faciliter leur intégration dans le
milieu scolaire, en lien avec les familles et les enseignants. Ils sont
donc amenés à travailler avec les élèves du collège Jean Renoir et
leur famille. Au cours d’une visite, ils se sont montrés intéressés
par le projet du Relais. Une réunion a eu lieu avec l’équipe de l’Arc
en ciel et celle du Relais à la fin de l’année 1999. Ils ont rassurés
l’équipe en leur fournissant quelques conseils sur l ‘écoute :
“ Il est important que l’élève s’exprime avec ses mots même
s’il ne dit pas la vérité. ”
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1998-99,
le Relais dispositif expérimental.
Au 2ème trimestre de l’année 1998-99, le groupe Relais se met en
place. Il a plusieurs objectifs. D’une part, la prise en charge des
élèves exclus du groupe dans lequel il suivait une tâche affectée à
l'emploi du temps (cours, CDI, permanence). Ce qui permet de calmer
l'élève, de dialoguer . Il faut ensuite, par l’entretien, lui faire
prendre conscience de son comportement. Les règles aux collèges sont
différentes de celles qu’il peut rencontrer dans sa famille ou dans la
rue, il doit respecter les personnes qu’il côtoie et les lieux qu’il
occupe, même temporairement. L’échange doit également aider l’élève
à reconstruire des repères dans l’école ainsi qu’à verbaliser un
engagement vis à vis de l’adulte excluant afin de préparer un retour
acceptable. L’entretien fait l’objet d’un rapport succinct de l’engagement
de l’élève : “ La prochaine fois que je suis dans
cette situation je vais essayer…. Je ferme ma gueule, j’irais la voir
à la fin de l’heure ” (annexe 1). L’autre objectif est que
l'exclusion ne se banalise pas et ne devienne pas une
"facilité" pour les professeurs qui rencontrent des
difficultés. L’équipe était prête à accepter les élèves qui
gênaient la transmission des connaissances mais il ne fallait pas que le
Relais devienne un “ débarras ” en quelque sorte. Pour
exemple, la première année
(1999-2000), des professeurs ont abusé.
Nous passons ainsi de
l’exclusion des élèves sans dispositif d’accueil à leur prise en
charge : du SAS au RELAIS .
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Un
Relais sans relayeur dans le PNI.
À la rentrée de septembre 1999, la mise en
place du Relais est difficile. Seulement quatre enseignants sont
volontaires, les autres ont
abandonné pour diverses raisons. D’une part, la participation au Relais
est basée sur le bénévolat, elle est donc en dehors de l’emploi du
temps. Certains professeurs ont également exercé une pression sur d’autres.
Le Relais étant perçu comme une intrusion dans la pratique pédagogique
des collègues. En effet, lors d’une réunion , ouverte à tous ceux qui
s’intéressaient au Relais, un professeur nous a traité d' “ œil
de Moscou “ . Enfin, quelques enseignants sont gênés d’accueillir
des élèves de leurs classes exclus par des collègues. De plus, un
élève, qui connaît le professeur accueillant, en cours, a beaucoup
moins de facilité à dialoguer, il est plus réservé.
Mais le problème peut
également provenir du professeur accueillant qui connaissant l’élève
peut avoir des a-priori sur son attitude et manquer, par conséquent, d’impartialité.
Malgré ces
difficultés, le principal propose d'inscrire le Relais au P N I, ce qui
permet une reconnaissance à l’intérieur de l’établissement (par les
autres professeurs) mais aussi à l’extérieur , vis à vis des
familles. Cette inscription apporte également une aide matérielle et un
accès aux formations.
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Un
fonctionnement au ralenti, une réflexion accélérée
L'année scolaire
1999-2000 permet une réflexion approfondie sur les freins vis à vis du
Relais grâce à l'encadrement du SAFCI. (Service Académique à la
Formation et à l’Innovation - Rhône )
L’équipe s’attache à vaincre les réticences des
adultes en leur précisant les objectifs du Relais. Le Relais doit aider l’élève
en lui donnant les moyens de s’exprimer, aider le professeur excluant à
continuer son cours dans le calme, aider le professeur du cours suivant
car après le passage au Relais de l’élève, il n’aura ainsi pas à
gérer un élève tendu, coléreux.
Après un an , le
dispositif du Relais se précise. Un lieu d’accueil spécifique pour les
élèves est recherché. Aucun endroit n'est prévu pour recevoir les
élèves, c’est à l’accueillant de chercher un lieu (salle de cours,
bureau de la CPE libre, couloirs…).Le protocole d'accueil pour les
élèves se précise, quelques règles sont mises au point : le nom
du professeur excluant ne doit pas être cité, on rassure l’élève en
évoquant la confidentialité de l’échange, l’élève doit être
maître de son langage, choisir son vocabulaire, il doit pouvoir choisir d’écrire
ou non le récit, enfin, il doit s’engager sur son retour en classe. Un
entretien est également
prévu entre l’élève et le professeur excluant. L’idée d’un
dispositif de suivi pour les élèves qui “ passent “ au
Relais est évoquée. Ce suivi entre le Relais et l’ excluant permettrait de faire comprendre l’esprit du
Relais, et de le faire reconnaître par les adultes et les élèves. Mais
ces réflexions ne sont pas mises en œuvre. Trop complexes pour
convaincre.
Le Relais fonctionne au ralenti, peu d'adultes sont
volontaires. Il semble qu'une autocensure de la part des professeurs se
soit opérée. Le nombre d’élèves envoyés au Relais a nettement
diminué. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène : les
professeurs craignent la délation, le jugement. Ils envoient par
conséquent les élèves, non accompagnés, en permanence alors que cela n’est
pas autorisé. D’autres ne pensent pas au Relais ou ne veulent pas y
penser. Pour y remédier une nouvelle rencontre avec l’équipe de l’Arc
en ciel est organisée. Elle a lieu entre 12 et 14 heures, et est ouverte
à tous les adultes du collège. Lors de cette réunion, l’équipe
invitée se propose de répondre à toutes les questions des enseignants.
Seuls quelques professeurs sont présents à l’invitation. Ce ne sont
pas les plus hostiles, ils posent des questions concernant le
fonctionnement du Relais. Pourtant, malgré notre initiative, des
remarques désobligeantes se font entendre, dans la salle des professeurs,
à l’égard des jeunes enseignants qui participent au Relais. En conséquence, il
faut reconduire les efforts d’information auprès des professeurs afin d’acquérir
une légitimité. Ce
dispositif ne pouvant fonctionner qu’avec l’assentiment d’une
majorité de professeurs
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En
2000-2001, le Relais : dispositif d’intérêt général
À la rentrée de septembre 2000, le Relais est
présenté officiellement à l'Assemblée Générale à la demande du chef
d'établissement. C’est une reconnaissance du travail effectué. De
plus, environ 25% des enseignants sont nouveaux. Ils n’ont, ainsi, pas d’à priori
sur le sujet.
C'est la deuxième
année de participation au P N I. Il y a contractualisation des membres du
groupe par rapport au projet. Des moments de rencontre sont organisés,
les personnes engagées donnent leur noms et sont ainsi connus, des textes concernant le Relais et les
réunions circulent. L’engagement du principal adjoint permet une
gestion “administrative ” du Relais, ce qui permet de déterminer
le profil de certains élèves exclus. Il concentre les dossiers et
décide si l’élève est envoyé ou non en Relais. Ce qui est important
car il arrive que certains élèves soient plus souvent exclus que d’autres.
Ces changements
permettent de donner un nouvel élan au Relais. Parmi les nouveaux
arrivants, certains s’inscrivent. Ceux
qui faisaient déjà partie du dispositif
continuent pour diverses raisons : pour suivre leur
engagement, pour rendre l’action plus efficace, notamment en discutant
des problèmes entre eux, pour dialoguer avec les élèves ou tout
simplement pour un enrichissement personnel. Mais surtout parce que c’est
un dispositif d’aide aux élèves et aux professeurs. L’équipe se
réunit une fois par trimestre. Aux cours de ces réunions, les échanges
traitent du nombre d’élèves
reçus, des problèmes rencontrés et sur les moyens de les résoudre.
Un lieu a été
trouvé grâce au principal
qui a fait un coup de force pour libérer une salle. C’est un ancien
débarras qui servait aux professeurs de technologie. C’est une salle
très claire, située dans une aile calme du collège, elle ne donne pas
sur la cour mais sur des arbres et de l’herbe, ce qui procure un effet apaisant. Une
table et des chaises ont été installées pour recevoir l’élève dans
de bonnes conditions. Cette salle est réservée en priorité au Relais
mais les professeurs peuvent s’en servir pour recevoir des parents, ou
travailler.
Un stage de formation
sur l'écoute des jeunes, demandé par le groupe, a été fait au cours du
troisième trimestre 2000-2001.
Le Relais redémarre.
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Le bilan
du Relais
Une
évaluation quantitative |
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Il est possible de faire
plusieurs commentaires sur le Relais. C’est au niveau de la classe de 4ème
qu’il y a le plus grande nombre d’élèves exclus : 45 en
1998-99, 42 en 1999-2000, 19 en 2000-2001, il y a donc un problème au
niveau du cycle central. De plus, le nombre d’élèves exclus 3 ou 4
fois est assez bas : 3 ou 4 élèves sont passés plusieurs fois.
Une évaluation qualitative
En ce qui concerne les élèves,
le premier des retours positifs est l’attitude plus sereine de l’élève
pendant l’entretien. Le deuxième est que l’élève exclu ne se fait
pas exclure une deuxième fois aux cours suivants. On peut en déduire que
pour eux, c’est un lieu d’accueil apaisant. Certains élèves sont
surpris de se sentir écoutés par un adulte, qui souvent, lui apparaît
comme uniquement “excluant”. Ils sont soulagés de s’expliquer. Ils
changent leur comportement par rapport à l’adulte accueillant. Les élèves sortent du Relais plus calme, il n’est pas rare qu’il
remercie l’accueillant, même si certains ont toutefois des doutes sur
la confidentialité, ils apparaissent satisfaits, contents du dispositif.
Cela leur permet également de voir les professeurs sous un autre angle,
ce qui influence favorablement leurs
relations. C’est également important pour les élèves en difficulté.
En ce qui concerne les
professeurs, il semblerait que
le Relais soit encore ignoré. Tout se passe au niveau des
représentations , comme si le Relais était un dispositif d’aide à la
vie scolaire plus qu’aux enseignants. Certains n’osent pas se lancer
car ils pensent ne pas posséder les compétences nécessaires pour
assurer cette action. Cela demande, en effet, quelques compétences :
savoir se taire donc savoir écouter, rassurer l’élève, le mettre en
confiance, le faire parler. Mais il faut surtout croire au fait que l’école
peut traiter l’exclusion autrement que par des sanctions ou l’isolement.
Le Relais semble être moins fréquenté que l’an dernier. Peut-être est
ce dû à la création du tutorat à la fin du premier trimestre de l’année
2000-2001. Le tutorat s’adresse aux élèves en difficulté. Les
professeurs principaux ont été chargés de “ repérer ”
les élèves relevant du tutorat. Il leur a été remis une liste d’adultes
bénévoles. C’est l’élève qui choisit son tuteur et c’est avec
lui, de manière personnelle, qu’il décide des rencontres, de la
fréquence de celles-ci et des sujets à aborder. Le tutorat suppose des
compétences collectives, c’est-à-dire une analyse de la situation de l’élève.
Mais aussi des compétences individuelles, il faut croire à l’éducatibilité
, c’est-à-dire à une possible évolution de l’élève, s’ouvrir
sur l’avenir, tout en s’attachant à une réalité à court
terme : l’année scolaire. Il faut savoir l’accompagner. Le
tuteur ne doit s’intéresser qu’au comportement scolaire de l’élève.
Pour tout ce qui se passe en dehors du collège, le tuteur doit passer le
relais à un éducateur, à l’Arc en ciel. Des procédures ont été déterminées
pour la rentrée prochaine : une prise de rendez-vous avec l’élève ;
entretenir un lien avec les professeurs principaux et la conseillère d’orientation
psychologue tout en gardant toujours à l’esprit le principe de
confidentialité ; mettre au point une fiche de suivi pour qu’il y ait
des traces écrites ; le tuteur devrait disposer de documents
informatifs pour l’aider : des bulletins, par exemple ; et
enfin trouver un lieu spécifique au tutorat.
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Liste des membres de l'équipe
ayant réalisé cette monographie :
BOUJON Valérie
BIGUENEL Loïc (surveillant)
MICHEL-BERTHE Céline
BIAGGINI Anthony
PAYS Virginie (surveillante)
DESAUGE
Gérard (principal adjoint)
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