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I - Contexte
1) 1.5 % des élèves de 5ème en échec
scolaire :
a - un public scolaire de
plus en plus hétérogène :
Le classement des élèves du Collège Jean Perrin en
fonction des critères socio-économiques fait apparaître une
répartition contrastée :
50 % d’élèves issus de milieux très favorisés
25 % de catégories intermédiaires
25 %de milieux défavorisés, voire très défavorisés.
L’implantation de l’établissement dans un secteur
plutôt favorisé ne doit donc pas faire oublier la diversité du public
scolaire et les difficultés d’intégrer un quart d’élèves d’origine
modeste et souvent issue de l’immigration.
b- l’échec scolaire en fin
de 5ème :
L’étude des statistiques concernant les taux de
passage et les enquêtes effectuées sur le comportement, les résultats
et les motivations des élèves auprès de professeurs principaux de 5ème
du Collège font apparaître l’existence d’une trentaine d’élèves
en grande difficulté en fin de 5ème, soit 11.5 % de l’effectif
du niveau.
Ce bilan nous a incités à proposer une solution.
2) La 4ème d’Aide et Soutien :
a- Pour qui ?
Cette classe à effectif allégé ( 16 à 18 élèves ) s’adresse
à des élèves en difficulté en fin de 5ème, assez lents,
momentanément découragés et démotivés, mais désireux de réussir.
b- Par qui ?
Une équipe pédagogique volontaire s’est constituée
autour d’un professeur principal, secondée par la Conseillère d’Orientation
et les Conseillers Principaux d’Éducation du Collège et soutenue par l’équipe
de direction.
c- Comment ?
L’équipe essaie de remettre à niveau ces élèves
grâce à des programmes aménagés selon les besoins et les opportunités
dans les différentes matières.
Par exemple :
en Français : travail sur l’expression
écrite et orale par le biais du théâtre et / ou participation à des
concours d’écriture pour la jeunesse ( écriture de poèmes ou de
nouvelles ). Au théâtre, nous jouons la révolte
des marins de Christophe Colomb de Paul Claudel, en anglais et français.
en Mathématiques : en géométrie le
professeur privilégie le dessin et pratique une pédagogie différenciée
par fiches.
en Anglais : les élèves “ redécouvrent ”
la langue grâce à une méthode de 4ème LV2 et acquièrent
les méthodes de travail spécifiques à la matière.
Un stage en entreprise d’une semaine, une semaine de
découverte nature et sport, et des séances artistiques
interdisciplinaires : musique, arts plastiques, théâtre ou danse,
sont mis en place.
L’équipe s’attache à avoir un regard différent sur
ces élèves, à mieux prendre en compte la personnalité de chacun d’eux
et à tenir un discours valorisant tout en respectant un contrat moral
exigeant.
d- Dans quel but ?
Toutes ces actions tendent à remotiver ces élèves, à
les aider à combler les lacunes des années précédentes, à acquérir
des méthodes de travail et à leur permettre de mieux se connaître afin
de construire un projet d’orientation positif.
3) Évolution :
a- Du contexte :
Bien que le public scolaire du Collège n’ait pas
beaucoup évolué, la nouvelle organisation du collège en 3 cycles avec
suppression du palier d’orientation en fin de 5ème, rend plus complexe
la décision d’intégrer cette classe. Les parents des élèves
sollicités hésitent à inscrire leur enfant et préfèrent un
redoublement, et même un passage en 4ème générale .
b- Des objectifs :
Même si la composition de la classe a évolué ( plus ou
moins grande hétérogénéité selon les années, de 1997-98 à 2000-2001
),même si l’équipe a dû adapter ses méthodes d’enseignement, l’objectif
général est resté le même : réconcilier les élèves avec
eux-mêmes, les autres et l’Ecole, donner à ces jeunes un temps de
pause active qui leur permet de réapprendre savoir-faire, savoirs et
savoirs-être qui leur font défaut, afin de bâtir un projet et de
repartir pour le réussir.
|
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II
- Pédagogie de la réussite
Les élèves de 4ème Aide et Soutien
sont, par définition, des élèves en difficultés depuis longtemps, se
sentant oubliés ou cherchant à se faire oublier, tant et si bien qu’ils
ont fini par avoir d’eux - mêmes une image négative et pire une image
“ en négatif ”. Interrogés, ils avouent une grande
souffrance qu’ils n’ont souvent su exprimer que par la passivité, l’effacement
et qui ont conduit certains à une anorexie scolaire. Les mêmes mots
reviennent : “ ça allait trop vite, les professeurs ne me
regardaient plus, ne m’interrogeaient plus...je n’y arrivais pas... je
n’essayais même plus...je bafouillais et la classe riait ”
1 ) accueil valorisant :
Nous
avons donc pensé que notre rôle, dès le premier jour, était de tout
faire pour qu’ils se sentent accueillis et valorisés ; aussi n’hésitons-nous
pas, chacun à notre manière, à leur redire que pour nous, ils sont “ très
importants ”. L’accueil est un moment privilégié où chacun se
présente ( y compris le professeur ) : se nommer, c’est exister .
Peu importent les mots et le rituel, l’objectif est le même : leur
faire prendre conscience qu’ils souffrent d’un mal passager mais
curable, leur montrer que le processus de revalorisation est déjà
enclenché. En effet, leur choix de la 4ème aide et soutien
prouve qu’ils ne se sont pas identifiés à l’image qu’on pouvait
avoir d’eux en 5ème , car souvent, et c’est l’idéal, ce
sont eux qui ont choisi cette classe plutôt que de redoubler la 5ème.
Par
exemple, en français, leurs réponses écrites au tableau donnent lieu à
un débat qui nous permet de cerner leurs attentes ( souvent timides ou
pas formalisées ) et leurs peurs. Ce débat servira de base à l’élaboration
de textes courts ( car l’écrit souvent est leur point faible ), de
poèmes sur des expressions telles que : “ j’aime, je n’aime
pas...je hais, je rêve de...j’ai peur de...plus jamais de... ”
Commence ainsi un travail que nous approfondirons tout au long de l’année
sur : qui suis-je ? que suis-je ? qu’est-ce que j’attends
de la 4ème aide et soutien ? Une réflexion sur soi-même
avec des bilans intermédiaires.
2 ) L’élève créateur :
Si
nous partons du principe que nous devons travailler sur une attente, nous
devons avant tout leur redonner le désir et le goût d’apprendre. Il
nous a semblé qu’il importait alors de saisir toute opportunité pour
placer l’élève au centre et même à l’origine des travaux d’apprentissage.
Il faudrait donc le plus souvent leur laisser l’initiative du
questionnement et que chacun à un moment donné, devienne l’initiateur
d’un travail. Ainsi le professeur d’Arts Plastiques se met à leur
disposition, disant qu’il accueille tous les projets. Ainsi, c’est
parce que Karim, en cours d’histoire a demandé : “ c’est
quoi , Galápagos ? ”, sujet dont on parlait à la
télévision après le naufrage du Jessica, qu’aussitôt on réactive la
lecture des cartes, le carroyage, qu’on recherche le sens des
abréviations, qu’on peut comparer les différents statuts politiques
des îles ( état ou composante d’un état continental ) et bifurquer
vers la notion de patrimoine mondial, vers les grandes organisations
internationales, l’UNESCO, l’ONU, en utilisant le manuel d’instruction
civique. Et pour clore cette séquence qui a sa propre cohérence, l’élaboration
d’un paragraphe cognitif n’aura rien de plaqué, de rébarbatif
puisque ce sera la réponse à leurs questions.
Poser
une question n’est donc plus perçu comme un aveu d’ignorance mais
comme un acte créateur, valorisant.
Si
l’intérêt persiste, le
professeur de français peut se greffer sur ce projet en faisant une
séquence de lecture sur Robinson Crusoë et en faisant écrire un poème
collectif sur les îles, avec la magie des noms des lieux, puis sur Mon
île...et si par chance, comme ce fut le cas en 2000, une série de
lettres de collégiens de Nouvelle Calédonie attend des destinataires au
CDI, pourquoi ne pas commencer un échange épistolaire ? Ainsi, les
travaux réalisés deviennent plus qu’un exercice scolaire : un
produit fini, une expression de soi-même et l’occasion d’une
communication avec les autres : ils débouchent sur la vie. Comment
ne se sentiraient-ils pas valorisés quand, après un long travail,
accompagné par le professeur qui se penche sur chaque épaule, un de
leurs textes est publié dans le journal du Collège ? ( cf.
annexe : Poètes en herbe. ) Il n’y a plus aucune réticence alors
à écrire “ 4ème 1 ” à côté de leur nom .
Ainsi, peu à peu, ces élèves prennent leur place dans le groupe et dans
la cité scolaire, “ créer, c’est exister ”.
Nous
n’avons rien inventé, avec ces méthodes actives, nous leur redonnons
une énergie et la confiance perdues.
Et
chaque fois que l’occasion se présente, nos élèves deviennent les
initiateurs et les acteurs du travail scolaire.
Bien
sûr, cela demande aux professeurs de descendre de l’estrade, de se
mettre à l’écoute, de la souplesse et même un peu d’audace, pour
les faire ainsi “ trotter devant eux ”. Cette méthode est
largement facilitée par le petit nombre d’élèves et par le fait que
nous ne sommes pas tenus de respecter un programme strict. Elle nous
permet en plus de mettre en place les pré-requis de 5ème et
de nombreux apprentissages de 4ème.
Cette
méthode suppose que dès le début de l’année, les élèves élaborent
“ une charte de vie ” avec des règles simples et
incontournables : respect d’autrui, tolérance, et solidarité.
Nous formons une équipe et chacun à un moment donné peut se trouver en
situation d’attendre ou d’aider les autres.
Nous
avons pleinement réussi à créer ce climat la première année et assez
bien la deuxième et la troisième année, et nous nous réjouissons que
cet état d’esprit perdure, quand les années suivantes, quelle que soit
par ailleurs leur réussite scolaire, nos collègues nous disent que les 4ème
1 ont construit un savoir être. Nous le constatons nous-mêmes : ils
viennent nous saluer, nous demandent des nouvelles de la classe actuelle
et, ce qui nous a agréablement étonnés, après leur dispersion en fin
de 3ème, ils sont restés en contact, organisant des
rencontres conviviales et se définissant encore “ anciens élèves
de 4ème 1 ”.
3 ) Évaluation valorisante :
Il
nous reste à voir comment pratiquer une évaluation valorisante. Nous
valorisons sans cesse les efforts fournis, les initiatives et toutes les
réussites même partielles, même minuscules pour les plus faibles.
Nous donnons plus d’importance sur les copies à l’appréciation qu’à
la note, aux objectifs atteints même partiellement, qu’à la réussite.
Ce n’est pas le plus facile : notre système traditionnel donnant
à la sacro-sainte note une valeur quasi magique et éludant souvent les
efforts fournis pour ne s’intéresser qu’aux résultats. Nous avons
comme principe, au contraire, pour redonner du sens à l’école à ces
élèves que l’échec avait dévalorisés, de toujours mettre en valeur
leurs efforts.
Mais nous les entraînons aussi à mettre à plat leurs difficultés car
il serait extrêmement dangereux pour les valoriser de les surévaluer, de
les survaloriser et de créer des illusions. L’idéal serait de leur
faire comprendre que la note est ce qu’elle est, qu’elle évalue un
effort, un travail et un résultat mais qu’elle n’induit nullement un
jugement de notre part sur leur valeur d’êtres humains.
Ainsi pour démystifier la note, nous définissons avec eux les critères
d’évaluation, leur permettant même de les discuter et nous les
entraînons à s’auto-évaluer. Ce sont eux qui le plus souvent
proposent des critères : Jonathan très timide, voire inhibé, pour
prendre la parole, ose un jour venir réciter spontanément un poème
devant les autres.
Le groupe, émerveillé, propose de changer les critères habituels d’évaluation
et de valoriser son audace, et son courage. Le professeur acquiesce. Il n’est
plus au centre, c’est l’élève qui devient acteur de sa formation.
Grâce à beaucoup d’attention mais aussi à beaucoup d’exigence nous
permettons donc à l’élève de reprendre confiance, de découvrir ses
talents, de repousser ses limites. La “ chose scolaire ”, n’étant
plus imposée par le “ haut ”, devient donc un outil, un
moyen pour éclairer, comprendre, prolonger ce que vit l’élève.
4 ) Contrat moral exigeant :
Il
s’insère dans une pédagogie pragmatique, ludique mais exigeante. Il ne
s’agit pas d’un contrat formel, de type bilatéral signé entre deux
parties, il est présent dans toutes les relations professeur-élève dans
la mesure où l’élève a été volontaire pour venir dans la classe.
Cependant, être à l’écoute des besoins des élèves, les appréhender
comme ils sont et non pas comme nous voudrions qu’ils soient, n’empêche
pas le professeur d’être ferme, rigoureux et exigeant sur les savoirs
et savoirs-être. Si le besoin s’en fait sentir, une fiche de suivi est
proposée pour remédier aux difficultés du moment.
5 ) Relation suivie avec les
familles :
Pour
le recrutement, les élèves et leur famille sont sensibilisés par le
professeur principal de 5ème, puis un entretien individualisé
est réalisé avec le professeur principal de la classe. Début septembre,
une réunion est organisée avec tous les partenaires ( élèves, parents, professeurs )
pour présenter solennellement le projet. Pendant l’année, les
communications au quotidien entre les professeurs sur l’évolution des
élèves, engage le professeur principal à informer les familles des
progrès et des dérives. La tenue du cahier de texte et du carnet de
correspondance fait l’objet d’une attention particulière en heure de
vie scolaire.
Les
outils d’évaluation formative ( organisation de son temps de travail,
auto-évaluation trimestrielle, ...) sont aussi des moyens privilégiés
de relation, qui permettent de donner la parole à chaque élève lors du
conseil de classe pour faire son propre bilan et mesurer l’écart qui
peut exister avec celui de l’ensemble des professeurs. Les bulletins
sont remis en mains propres à l’élève lors d’un entretien avec les
parents. En fin d’année, le choix de la deuxième langue pour la 4ème
générale sert de thème de discussion sur l’orientation et le projet
scolaire.
6 ) Savoir- être et évaluation
formatrice :
Les
élèves de 4ème 1, qui manifestent des curiosités pour tout
ce qui touche à la vie pratique, bénéficient dans cette classe d’un
stage en entreprise de cinq jours consécutifs. Ils trouvent par eux -
mêmes leur stage ou si besoin est, demandent de l’aide au professeur de
technologie qui va orienter leur recherche ou faciliter leur choix. Ces
stages sont approfondis et débouchent sur des questions concernant les
ressemblances et les différences entre l’école et le monde du travail.
Ces stages sont préparés pendant tout un trimestre et permettent ainsi
à l’élève d’acquérir une certaine autonomie et de l’entraîner
à une démarche personnelle. Il s’agit d’apprendre ou de réapprendre
à se présenter, à contacter, à démarcher, avec les différents moyens
de communication actuels, et de faire valoir ainsi ses centres d’intérêts
mis à jour et énoncés sur une fiche personnelle.
Au
retour du stage, ils expriment d’abord volontiers leurs prises de
conscience et l’évolution de leur point de vue sur des métiers dont
ils se faisaient une certaine idée : nous avons vu une élève, au
retour de son stage en école maternelle exprimer son étonnement à
propos du bruit que font les jeunes enfants. Elle a aussi exprimé son
admiration devant la patience des adultes et la difficulté du travail au
milieu de ce bruit. Un autre élève, ayant fait son stage aux T.C.L (
transport urbain ), exprime volontiers son changement de vision sur les
employés des transports en commun maintenant qu’il en connaît !
José qui a passé 5 jours dans la restauration pense affirmer son projet
d’orientation à venir dans ce secteur d’activité. Ensuite, après
cette période, les élèves doivent entreprendre un compte rendu écrit
de stage avec des objectifs différents et clairement définis en
français et en technologie. Ce travail de réflexion et d’écriture est
aussi un moment d’échange et de questionnement sur le monde du travail.
Il est la préparation à une présentation orale, qui se fera sans
document. Un certain nombre de critères sont exigés suivant un canevas
établi en cours. Ce canevas oblige à présenter l’entreprise ainsi que
l’organigramme, un questionnaire sur les observations faites sur place,
l’étude d’un métier ou d’un poste de travail en particulier. Enfin
un bilan fait d’impressions personnelles du vécu pendant ces cinq jours
est développé sous forme de rédaction en français. Le travail des
enseignants consiste alors à faire construire une grille d’évaluation
(cf. annexe ).
Un
deuxième aspect du travail de l’enseignant va consister à trouver ce
qu’on va pouvoir dire à l’élève pour améliorer son travail avec la
volonté de ne pas insister sur tous les défauts, mais en adoptant un
discours volontairement valorisant. La présentation orale des
comptes-rendus de stages est le moment idéal pour travailler avec l’adolescent
son image, non pas celle qu’il imagine ou qu’il croit connaître, mais
celle observée réellement par les personnes présentes dans cette
situation précise. C’est un moment riche en échanges et en découverte
d’autres univers professionnels pour les camarades qui écoutent et
questionnent, développant ainsi leur curiosité.
Cette situation de travail ouvre des sujets de discussions sur l’entretien
d’embauche et les conséquences que peuvent avoir la présentation et l’attitude
sur la personne qui fait passer l’entretien. La caméra peut bien
évidemment être un outil d’apprentissage du savoir-être, dans la
mesure où elle permet à l’élève, aidé de l’adulte, d’analyser
ce qui est positif ou négatif dans les attitudes. Cet outil déjà
utilisé dans le cours d’arts plastiques à l’occasion d’une séance
de verbalisation a permis de préparer la présentation d’une production
artistique personnelle aux autres élèves et à l’équipe des
professeurs invités. Chaque élève présente, explique et répond aux
questions de l’auditoire. Ce n’est donc pas un outil nouveau et la
caméra n’est plus un intrus qui perturbe.
Cet outil n’est pas utilisé dans le but de sanctionner mais bel et bien
pour permettre à l’élève de comprendre et de formuler ce qu’il peut
améliorer et lui permette de changer positivement l’image qu’il a de
lui. Ce sont des moments de prise de conscience de la difficulté de
travailler dans certains secteurs d’activité.
Ainsi l’adolescent sensibilisé, peut repartir sur de nouvelles bases et
parvenir à une meilleure prise en charge de son avenir quant au choix du
métier et de l’orientation qu’il va envisager en fin de troisième.
7 ) La vie pratique face à la
rigidité théorique :
Il
s’agit de donner ou de redonner du sens aux matières par des séquences
de cours dont le sujet est le plus possible ancré dans la réalité, la
vie de tous les jours, l’actualité dont les élèves ont des échos
plus ou moins flous par les médias et surtout la télévision.
Par exemple, en français pendant l’année scolaire 1999-2000, lecture
hebdomadaire par deux élèves d’un quotidien pour collégiens avec
comptes-rendus oraux à la classe qui prend régulièrement des notes sur
plusieurs axes définis collectivement ( état de la terre, guerres,
maladies, catastrophes naturelles et écologiques, conquête de l’espace,
place de l’homme dans l’univers).
En cours d’histoire et géographie, le professeur a adopté cette
attitude réceptive et ouverte, ce qui lui permet d’amener
progressivement les élèves à des questionnements d’ordre
géographiques ou historiques, en restant dans les limites des questions
abordées dans les programmes de 4ème de collège. Ainsi à l’occasion
du séisme au Salvador, ils ont appris à localiser géographiquement le
pays, puis travaillé sur les origines des séismes et les conséquences
humanitaires et sanitaires.
Parfois les questionnements ne seront plus disciplinaires, mais
transdisciplinaires. La même disponibilité d’esprit étant cette fois
nécessaire à plusieurs professeurs sur une même période.
Il s’agit de donner du sens au vécu.
Par exemple, début octobre 2000 les élèves sont allés au théâtre
voir un spectacle de danse. Au mois de janvier, le professeur d’arts
plastiques apprend de la part de Christelle qui travaille au collège
comme emploi jeune, qu’elle a entrepris un travail autour de la
mémorisation des costumes des danseurs du spectacle, par chacun des
élèves. Le professeur accepte de consacrer une séance à recueillir
sous forme de dessins les souvenirs qui leur restent. La confrontation des
dessins permet de soulever des questions sur la mémoire visuelle et le
rôle des sens dans la connaissance du monde. Les élèves parviennent à
exprimer ce qui a pu perturber leur mémoire avant, pendant, après le
spectacle, et à remarquer des différences de quantité et de qualité de
mémorisation entre eux.
Ce travail ne s’est pas achevé là, puisque un court échange entre le
professeur d’arts plastiques et le professeur de français avait permis
de convenir d’une suite. Le professeur de français décide de consacrer
du temps à une recherche au CDI afin que les élèves puissent comparer
ce que leur mémoire a pu conserver avec des documents sur les costumes
comme on peut en trouver dans des livres ou des encyclopédies.
A
propos de la danse et faisant suite à la sortie spectacle, le professeur
d’éducation physique a monté un atelier de pratique artistique danse
avec un chorégraphe, dans le but de faire évoluer la maîtrise du corps
dans l’espace pour des adolescents souvent mal à l’aise avec leur
physique et de valoriser certains élèves en faisant émerger leur
talent.
On peut imaginer que ce travail puisse déboucher sur la présentation à
l’ensemble de l’équipe et peut être à d’autres élèves d’un
mini spectacle suivant le degré d’évolution du projet. Le professeur
de musique et le professeur de français sont associés à cet atelier
afin de mieux aider l’élève en souffrance à se réconcilier avec son
corps dans l’espace.
Chaque cours est suivi en français d’un compte-rendu rédigé
collectivement. Il s’agit de décrire les exercices et de comprendre les
objectifs du professeur de danse, d’évaluer à chaque séance les
réussites et de comprendre les difficultés rencontrées. L’écrit est
un instrument pour comprendre.
|
 |
III- Evaluation
1) Résultats quantitatifs :
Rappelons
d’abord la difficulté qu’il y a, à essayer d’évaluer une action
scolaire sachant que le vécu scolaire n’est qu’un des nombreux
paramètres qui interviennent dans l’évolution d’un adolescent,
paramètre dont la portée est parfois infime pour les élèves en
difficulté.
a- Les résultats scolaires :
|
4 è A.S
|
après 1
année
|
|
après 2
années
|
|
après 3
années
|
|
|
|
|
effectif
|
4 è
générale
|
3 è insertion
|
formation
prof. en alternance*
|
3 è
générale
|
3 è insertion
|
formation
prof. en alternance*
|
doublement
|
réussite au
BNC
|
2 de
générale
|
2 de prof.
|
formation
prof. en alternance*
|
1997-1998
|
15
|
13
|
|
2
|
12
|
|
3
|
2
|
3
|
1
|
8
|
4
|
1998-1999
|
16
|
13
|
|
3
|
10
|
2
|
4
|
|
|
|
|
|
1999-2000
|
16
|
13
|
3
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2000-2001
|
12
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
*
CLIPA, maison rurale familiale, établissement privé...
Il
est à noter que tous les élèves ( 10 ) pressentis pour la 4ème
Aide et Soutien cette année, et qui ont préféré passer en 4ème
Générale, sont en difficulté. Tous ont obtenu un avis défavorable,
voire très défavorable pour le passage en 3ème Générale.
Parmi eux, 20 à 30 % redoubleront.
b- Les résultats aux devoirs communs du
Collège :
En
1999-2000 :
·
10 élèves sur 16 sont encore en
3è au Collège
·
en mai 2000, aux devoirs en
mathématiques, français, histoire - géographie, et anglais : 1
élève a plus de 10 ( 11,5 ), 1 élève a entre 10 et 8, 4 élèves ont
entre 8 et 6, 4 élèves ont moins de 6, 2 élèves auront le Brevet des
Collèges. 1 élève est affectée en 2e Générale.
En
2000-2001 :
·
10 élèves sur 15 sont encore en
3è au Collège
·
2 sont en 3ème d’Insertion
·
aux devoirs communs en
mathématiques, français, histoire - géographie, sciences et vie de la
terre, sciences physiques : aucun élève n’a plus de 10, 2
élèves ont entre 10 et 8, 2 élèves ont entre 8 et 6, 4 élèves ont
moins de 6
2
) Résultats qualitatifs :
a- Les effets sur les élèves :
Au
niveau des résultats, le bilan est très mitigé :
·
aucun n’a régressé
·
certains n’ont guère évolué (
environ 30 % )
·
les 2 / 3 ont, peu ou prou
progressé, dans une ou plusieurs matières et ont obtenu quelques
résultats spectaculaires dans une matière.
Le
bilan sur le vécu des élèves pendant cette année est nettement
positif. Alors que la plupart d’entre eux vivaient de façon très
douloureuse les heures passées au Collège, tous sont heureux d’y
venir. Tous ont, à des degrés d’intensité divers, l’envie de
chercher, de trouver. Ceux qui manquaient de confiance en eux progressent
dans la communication avec les autres. Le cas de Jonathan, déjà cité,
nous a particulièrement fait chaud au cœur . Au début du 3ème
trimestre, cet élève très timide est le premier à venir lire devant la
classe un poème qu’il a choisi. Le lendemain, en géographie, il est
parmi les élèves volontaires pour “ jouer au prof ”
auprès des autres, à savoir, leur demander de situer certains lieux sur
des cartes à des échelles différentes. En mathématiques il se propose
souvent pour passer au tableau. En anglais, il participe de plus en plus
activement.
b- Le vécu des parents :
Au
cours d’une réunion de bilan au sein de l’établissement, lors des
conseils de classe des 4èmes Aide et Soutien et dans leurs
réponses à un questionnaire fait en juin 1999 ( cf. annexe ) les parents
disent qu’ils sont satisfaits de voir leur enfant plus épanoui, heureux de reprendre
confiance en lui et avec le milieu scolaire.
Le jeune se sent pris en compte. Ils observent aussi un changement assez
net quant à son attitude à la maison. Robin qui, au dire de son père,
bégayait, s’exprime avec aisance dans toutes les matières...et même
parfois trop ! Il ne se plaint plus de maux de ventre.
c- Le vécu des professeurs :
Nous
avons, dans cette classe, des contacts riches avec les élèves, ce qui se
traduit encore les années suivantes par des saluts, des regards de
connivence, des discussions dans le Collège ou à l’extérieur et une
relation différente lorsque nous retrouvons ces élèves en 4ème
ou 3ème. Nous ressentons le plaisir de chercher d’autres
méthodes d’enseignement et d’être disponibles pour les élèves et
apprécions la liberté que nous avons vis à vis des programmes.
Cette classe demande un gros investissement en temps et écoute. A la fin
d’un cours, on est souvent “ épuisé mais content ”.
Toutefois nous sommes ensuite frustrés de ne plus suivre de prés les
élèves dans leur cursus scolaire.
Témoignage
d’une stagiaire IUFM en anglais : “ j’ai eu plaisir à
travailler avec les 4èmes Aide et Soutien . Grâce à l’effectif
réduit, j’ai pu dès la première séance mémoriser les prénoms de
tous les élèves, ce qui a semblé procurer à ceux - ci une grande
satisfaction et nous a permis de créer une atmosphère de travail plus
dynamique. Malgré le peu de temps passé à travailler avec cette classe,
j’ai pu prendre la mesure très rapidement de difficultés
particulières : un certain nombre d’élèves qui ne semblaient pas
attacher de sens aux structures et aux phrases étudiées, de grosses
difficultés d’apprentissage et de compréhension, une sensibilité qu’on
sentait à fleur de peau. J’avais constamment la sensation que si j’omettais
d’adresser un sourire ou une parole encourageante à un élève qui
venait de fournir un effort, je risquais de voir celui-ci se refermer sur
lui même ou se braquer. Je me suis parfois sentie désemparée face à
des élèves qui manifestent une réelle volonté de suivre la démarche
proposée, mais qui ne parvenaient pas à assimiler la structure étudiée
malgré leurs efforts et les miens. J’ai pourtant eu la chance de
travailler avec ces élèves à une période où les élèves qu’ont m’avaient
décrits comme les plus réticents ou hostiles au travail en classe
étaient absents... ”
|
 |
IV- Analyse
1)
Faire changer les
mentalités :
Il
est important qu’une structure comme cette classe existe dans tous les
établissements scolaires pour aider l’ensemble des partenaires à
évoluer vers l’idée que l’école ne favorise pas seulement ceux qui
n’ont pas de difficultés.
a- Les élèves :
Cette
structure à un intérêt immédiat pour les élèves. Elle permet une
remise en état psychologique et scolaire. Dans un avenir, plus ou moins
lointain, elle aide à la construction d’un projet d’orientation
scolaire et professionnel dans la mesure où cette année est un temps de
réflexion sur soi-même, un temps de pause active.
b- Les parents :
Cette
classe permet de changer le regard sur une école qui n’est plus
uniquement faite pour sanctionner, mais prend en compte l’être humain
qui souffre, pour le faire évoluer.
c- Les professeurs :
Elle
les amène à se poser des questions sur leurs pratiques. Elle les aide à
changer leur regard sur des élèves momentanément en difficulté, et
permet un transfert à toutes les classes de ces méthodes.
2)
Comment faire ?
a- Cela marche...
...parce
que les élèves prennent conscience de leur personnalité et portent sur
eux - mêmes un regard positif.
...parce
que les professeurs de l’équipe ont cherché et trouvé des approches
pédagogiques et des modes d’évaluation différents. L’accent a
souvent été mis plus sur les méthodes de travail, les savoirs - être plus que sur les contenus.
b- Cela marche à moitié...
...parce
qu’en fin de 5ème, la décision de passage en 4ème
revenant in fine aux parents, il s’avère que le recrutement devient
plus difficile, les élèves préférant suivre leurs copains, les parents
hésitant à opter pour une année supplémentaire et craignant un classe
“ poubelle ” ou n’osant pas toujours.
imposer leur décision à leur enfants. Dès la rentrée 1999 et
2000, nous manquions d’élèves volontaires.
...parce
que l’équipe rencontre d’assez graves difficultés dans la relation
avec les autres collègues de l’établissement, professeurs principaux
de 5ème et de 4ème . Nous n’arrivons pas à
convaincre tous les professeurs principaux de 5ème du bien
fondé de la classe. De ce fait, certains n’incitent pas les élèves en
difficulté dans la classe dont ils sont responsables à profiter de cette
structure. Pour pallier à cette difficulté, depuis deux ans nous
réunissons tous les professeurs principaux de 5ème au mois de
mars, mais cela n’est pas encore suffisant.
...parce
que certains professeurs de 4ème ne cachent pas en début d’année
un a priori négatif vis à vis des élèves issus de 4ème
Aide et Soutien, ce qui annihile brutalement les bienfaits du regard
positif dont les élèves avaient bénéficié pendant un an.
...parce
que les élèves venant de 4ème Aide et Soutien souffrent d’un
sentiment “ d’abandon ” lorsqu’ils se retrouvent dans la
structure classique. Les avons - nous trop maternés ? Ne vaudrait -
il pas plutôt se donner les moyens de continuer à les accompagner ?
Une expérience a été tentée au cours du 2ème trimestre de
l’année scolaire 1999 - 2000. Quelques heures effectives ont été
mises à la disposition de l’équipe enseignante pour offrir un soutien
aux “ anciens ” en 4ème ou 3ème .
Cette heure de soutien hebdomadaire ne pouvait avoir lieu que le vendredi
de 13 à 14 heures. Quelques élèves, très demandeurs au début, sont
venus les premières semaines, puis ont abandonné, vu les difficultés d’organisation.
Ne vaudrait - il pas mieux envisager une décharge pour certains
professeurs de l’équipe qui seraient alors chargés d’encadrer les
“ anciens ” ? Ou, ne faudrait - il mener cette action
sur deux ans, 4ème et 3ème ? Une solution
intermédiaire serait que, dans leurs nouvelles classes, les élèves
puissent retrouver au moins un professeur de l’ancienne équipe.
...parce
qu’après plusieurs années il y a usure de l’équipe pédagogique et
qu’il faudrait un renouvellement régulier.
c- Cela marcherait mieux...
...s’il
y avait une organisation spécifique pour rencontrer régulièrement les
parents et les élèves et pour que les professeurs se concertent.
...si
après le passage dans cette structure les élèves n’étaient pas
brutalement intégrés dans une classe hétérogène avec d’autres
élèves en difficulté n’ayant pas
pu profiter de ce soutien.
...s’ils
pouvaient bénéficier d’un suivi régulier pour consolider ce qui a
été amélioré ( comportement, méthodes de travail, résultats... ) et
ne pas retomber très vite dans leurs mauvaises habitudes.
...si
ce temps de pause était placé ailleurs dans le cursus scolaire. Ce type
d’action a des effets positifs pour 2/3 des élèves, nous semble-t-il,
mais doit-il être maintenu en fin de 5ème ? Ne va-t-il
pas de lui même vers l’extinction ? Ne serait-il pas préférable
de le situer soit entre la 6ème et la 5ème après
le cycle d’observation, soit après la 4ème pour préparer
les projets d’orientation.
...si,
suite aux problèmes de recrutement mentionnés plus haut, des élèves n’ayant
pas le profil défini pour cette classe n’étaient pas malgré tout
inscrits dans la classe.
La situation à la rentrée 2000 en est
une illustration vivante. Quatre élèves avec un lourd passif
disciplinaire ont été accueillis dans la classe. Très vite, la
situation est devenue ingérable : refus de travail, indiscipline
notoire de la part de ces élèves qui ont malheureusement entraîné dans
leur sillage 2 à 3 élèves plus fragiles.
Deux
de ces élèves ont été exclus définitivement ( retour dans l’établissement
de secteur et conseil de discipline ). L’atmosphère s’est
améliorée, mais cette épreuve a laissé des traces et nous n’avons
pas le sentiment de travailler de façon vraiment satisfaisante cette
année, ce qui ne nous empêche pas de croire pleinement à la nécessité
de cette structure.
Annexes (seulement
photocopiées sur exemplaire papier)
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