I Un collège en difficulté :

Situé en REP à Vaulx-en-Velin (69), le collège Henri Barbusse, établissement sensible, voit son effectif diminuer, les « bons élèves » partent. Seulement 53,8% des élèves ont l’âge normal en 6^ème, alors que la moyenne académique est de 71,3%. Les résultats au brevet sont proches de 50% contre 70,5% pour la moyenne académique. Les évaluations de 6^ème se situent bien en dessous de la moyenne académique (47,6% contre 66% en Français). Le personnel enseignant devient de plus en plus instable et de nombreux vacataires viennent remplacer le personnel titulaire dans un climat souvent vécu comme explosif.

II Contre vents et marées une petite équipe.

L’équipe existe depuis deux ans, mais elle a connu de réelles difficultés pour se stabiliser : un professeur a changé d’établissement, un autre s’est arrêté pour maladie longue durée. Finalement un nouveau professeur s’est joint à l’équipe qui est donc actuellement constituée par 3 enseignants : deux professeurs d’Histoire-Géographie et un professeur de technologie qui essaient de travailler en concertation sur 3 classes de 6^ème.

III Des objectifs « ambitieux » 

D’abord vaincre le sentiment d’échec des profs et des élèves.

Ensuite tenter de lutter chez les élèves contre la passivité, la difficulté d’attention et de compréhension qui expliquent souvent l’indiscipline.

Enfin donner des habitudes de réflexion individuellement et en groupe pour réussir.

IV Travailler sur l’écrit

1) Pourquoi travailler sur l’écrit ?

Nous avons centré notre travail sur la langue écrite dans chacune de nos disciplines. L’objectif langagier de départ était large : il englobait toutes les formes d’expression. Au fil du temps, nous nous sommes recentrés sur l’écrit. En effet, nos élèves ont leur propre culture de l’oral. Même les élèves en difficulté font la différence entre le langage parlé du quartier et celui de l’école. En revanche, le passage à l’écrit se révèle difficile, voire dans certains cas très problématique. Il est nécessaire que les élèves arrivent à donner un sens à l’écrit, qu’ils se familiarisent avec lui, qu’ils l’appréhendent comme quelque chose de normal et non comme une corvée souvent insurmontable imposée par le professeur et qu’ils réalisent enfin que les savoirs dans les différentes disciplines se construisent par l’écrit.

2) Quels types d’écrits avons- nous sélectionnés ?

Dans nos trois disciplines, nous avons décidé :

D’utiliser des supports divers, images, cartes, tableaux,  textes, pour travailler le passage d’un support à l’autre.

De donner aux élèves le temps de lire silencieusement pour s’approprier les informations et les consignes sans avoir toujours besoin de l’intervention du professeur. « En cours d’informatique, en technologie il suffit parfois que je m’assoie à côté d’un élève pour qu’il comprenne ce qui est écrit sur l’écran»

De faire ponctuellement rédiger une trace écrite par chaque élève, à partir des informations  données dans le cours ou prélevées directement dans le manuel (une séquence en histoire et en géographie est analysée plus loin) et par le retour sur ces écrits de permettre  à chacun de s’approprier les savoirs nouveaux.

De travailler sur le choix des mots de façon à mobiliser et à enrichir le vocabulaire de l’écrit standard et à acquérir le lexique propre à chaque champ disciplinaire.

3) Quelles démarches pédagogiques ?

Nous avons essayé pour mobiliser les élèves

-    de varier les situations d’apprentissage : travail individuel, travail de groupe

-    de prévoir des activités de niveaux différents afin de ne pas mettre toujours en grande difficulté les élèves les plus faibles. (Cf. séquence sur les muses).

Pour retravailler les écrits, nous avons adopté une démarche commune :

- Première écriture individuelle ou en groupe.

- Retour sur les écrits pour que les élèves comprennent les erreurs, reviennent sur le cours et s’approprient les connaissances. (exemple en technologie)

- Retour sur les écrits pour une amélioration et un enrichissement des textes initiaux (exemple histoire).

V Analyse de deux séquences

1) Travail différencié en Histoire utilisant plusieurs supports afin de gérer l’hétérogénéité d’une classe et de détecter, de mobiliser différentes capacités des élèves.

Cette séquence se situe après la présentation géographique du monde grec. Elle participe à la  construction des savoirs sur la partie du programme « naissance d’une culture, d’une organisation politique, de croyances ».Elle initie les élèves à la recherche documentaire et elle privilégie la rédaction autonome.

Une 1ère étape : la recherche d’informations.

Les élèves ont à leur disposition le livre « contes et légendes mythologiques » (édition poche Nathan) et une feuille photocopiée représentant l’image des neuf muses

(voir annexe 1 ).

Ils doivent individuellement identifier chacune des 9 muses en se servant des informations du livre. Sur la feuille photocopiée, ils inscrivent alors le nom de chaque muse au-dessous de chaque image. Cet exercice fait appel au sens de l’observation des élèves. Apparemment, il ne présente pas de difficultés et devrait permettre de motiver tous les élèves même les plus en difficultés.

 L’analyse des écrits des élèves montre une réussite du travail d’identification. En effet, aucune erreur n’est relevée dans l’attribution des noms. Cependant, le diagnostic  montre que si 15 élèves sur 23 ont relevé correctement les noms, les autres ont mal orthographié plusieurs noms. Les erreurs sont corrigées par comparaison avec les noms du livre. Les élèves reconnaissent la nécessité d’une plus grande attention dans cette recherche d’information. Cette première étape a permis à tous les élèves de se trouver dans une situation de réussite.

Une 2ème étape : classer les informations.

Les élèves doivent lire dans le livre un texte court,  relatif à chaque muse. Ils doivent alors collecter les informations recueillies dans un tableau à double entrée.

Si 19 élèves ont pu remplir correctement le tableau

(voir annexe 2)

4 élèves n’ont pu réaliser l’exercice :

R…. est une primo arrivante : Elle effectue sa première année de scolarité au collège. Si des progrès à l’oral sont manifestes, elle ne peut encore comprendre un texte écrit et encore moins faire des phrases.

S…, T... et K… ont des difficultés de lecture, travaillent lentement. Un temps supérieur leur aurait-il permis de réussir cet exercice ?

Cet exercice permet de montrer aux élèves que le tableau est un bon outil de classement des informations.

Une 3ème étape : compléter la recherche d’informations.

Des élèves lisent le texte sur les muses à haute voix. Les mots non connus sont repérés puis expliqués. Un questionnement oral permet de dégager l’essentiel du texte. Livre fermé, les élèves répondent individuellement et par écrit à un petit questionnaire permettant à chaque élève d’évaluer sa capacité de mémorisation  des informations. Une correction des réponses permet ensuite de structurer oralement les informations retenues.

Une 4ème étape : rédiger un texte à partir des informations collectées.

Les élèves sont répartis en  groupes de 3. Chaque groupe doit proposer un petit texte qui fait la synthèse des informations récoltées dans les étapes précédentes. Chaque groupe écrit son texte sur une feuille transparente qui sera ensuite projetée à l’aide d’un rétroprojecteur à la classe entière.

(voir annexe 3).

A partir de ces textes, un travail collectif et oral permet de repérer les points communs, les oublis et les spécificités. Les choix sont argumentés par les élèves. Un texte commun est construit en tenant compte du fond et de la forme :

« Les Muses sont neuf sœurs. Leur père se nomme Zeus et leur mère Mémoire. Elles acceptent comme chef Apollon, dieu de la musique et des arts. Elles utilisent comme moyen de transport le cheval ailé Pégase. Elles portent toutes une couronne et tiennent des objets à la main qui permettent de les identifier. Les muses sont des divinités qui inspirent les artistes.»

2) Travail à partir des erreurs en technologie.

Ce travail se situe  au moment de l’évaluation  des apprentissages sur la partie du programme intitulée «  Construction électronique ».

Première étape : les élèves sont soumis à un test d’évaluation. Le premier exercice sur lequel nous avons travaillé particulièrement était le suivant : 

VRAI ou FAUX             V – F

1– Un schéma structurel montre le fonctionnement d’un circuit électrique.

2– Sur un schéma structurel, les composants sont dessinés tels qu’on les voit réellement.

3– Dans un circuit fermé, l’énergie électrique peut circuler.

4– Dans un circuit, l’élément de commande fournit de l’énergie électrique.

5– Une pile est un récepteur.

6- Un circuit imprimé permet de réaliser des liaisons électriques.

7– Pendant la gravure, le cuivre non protégé est dissout.

8– Pour qu‘une soudure soit réussie, l‘étain doit adhérer à la piste et à la patte du composant.

9– Pour dénuder un fil électrique, on utilise une pince coupante.

10– La del est un composant polarisé.-

Deuxième étape : une correction est demandée aux élèves. Les 4 phrases fausses sont données et les élèves doivent les transformer pour qu’elles deviennent vraies. Ils peuvent utiliser leur classeur.

Constat des difficultés :

Les élèves n’associent pas l’exercice à la leçon ou aux manipulations qu’ils ont pu faire.

Ils ne vont pas vérifier dans le classeur mis à leur disposition ou alors ils ne savent pas utiliser les informations données par le professeur. Ils ne se les ont absolument pas appropriées.

Certaines modifications apportées  incitent à penser qu’ils n’ont pas compris la phrase proposée dans l’exercice ou  tout simplement la consigne de transformation.

Troisième étape : Pour chaque phrase la production de plusieurs élèves est regroupée. Voici un exemple.

 Dans un circuit, l’élément de commande fournit de l’énergie électrique.

1- L’élément de commande ne fournit pas d’électricité.

2- Dans un circuit le générateur fournit de l’énergie électrique.

3- Dans un circuit, l’élément de commande permet de contrôler le passage de l’énergie électrique.

4- Dans un circuit, l’élément de commande permet d’ouvrir ou fermer un circuit.

Les élèves devaient se prononcer sur leur véracité.

Ils travaillent individuellement quelques minutes.

Ils comparent leurs réponses par deux.

On confronte collectivement les différentes justifications.

Ce travail peut paraître lourd et coûteux en temps, mais il permet de comprendre les erreurs des élèves, de mettre à jour leur « méthode » de travail et de raisonnement.

Ainsi, certains élèves ont refusé la phrase 3 et ont accepté la phrase 4 plus concrète et plus proche de la langue parlée avec les verbes « ouvrir et fermer ».

La phrase 1 a suscité une discussion. L’élément de commande ne fournit pas d’électricité. Peut-on se contenter d’une phrase négative lorsqu’on demande de rétablir une information ? Dans de nombreux exercices, certains élèves se contentent de répéter l’énoncé à la forme négative. Le travail sur les diverses réponses permet d’expliciter les attentes du professeur.

Lorsque les élèves doivent justifier leur choix, ils sont obligés de faire ce qu’ils font rarement, revenir sur le texte de la leçon, ne pas contourner l’obstacle et mettre à jour ce qu’ils ne comprennent pas.

VI Bilan de notre travail.

1) les difficultés

 L’équipe a rencontré de nombreuses difficultés dont la principale a été sa réduction au fil des mois. Nous n’avons pas pu unir nos énergies autour d’une ou deux classes pour mesurer les effets de nos actions qui sont restées ponctuelles.

La deuxième difficulté non négligeable est la présence dans les classes de deux ou trois élèves qui n’écrivent pas du tout et qui rendent difficile le groupe classe normal de 24 élèves.

Nous avons été amenés à mettre en place plusieurs séquences qui ont vu un début de réalisation mais n’ont pu être menées à terme. En effet, certaines séquences étaient mal construites, mais les erreurs nous ont permis de progresser dans la mise en place de nouvelles ou futures séquences. Egalement la gestion du temps nous a posé des difficultés ce qui nous a amenés à remettre en cause le travail commencé.

2) Points d 'appui.

L’accompagnement de l’équipe a permis des séances de travail régulières et encourageantes.

Les élèves ont « joué le jeu » lors de nos séances de travail un peu exceptionnelles sur leurs écrits. Même les élèves en difficulté ont participé activement au travail d’analyse oral et à une réécriture par groupes ou collective. Certains élèves ont même pris du plaisir à écrire.

3) Réflexions sur la pratique professionnelle

Le travail en équipe nous a permis :

- d’analyser différentes séquences afin de les évaluer et de les améliorer.

- de travailler sur la clarté des consignes

- de travailler sur les difficultés rencontrées par les élèves

- de redonner un second souffle quand les circonstances extérieures deviennent difficiles, en orientant les réflexions sur autres choses que les incivilités.

- de donner du sens à notre action.

 4) Perspectives.

Nous avons ressenti la nécessité et l’intérêt de travailler avec les élèves la maîtrise des langages, nous allons donc essayer de lancer des équipes pour mettre en pratique les acquis de ces deux années de  « recherche ».

    L’année prochaine 2001-2002 la création du pôle sixième dans l’établissement pourra être l’occasion d’un véritable travail d’équipe sur les mêmes classes qui bénéficieront ainsi de séquences régulières  au cours desquelles les élèves pourront prendre l’habitude de rédiger, de revenir sur leurs écrits ou leurs réponses  pour analyser leurs erreurs et construire leur savoir.

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