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Programme National d'Innovation 99-01. (PNI 3)
Monographie produite en juin 2001

Une écriture gratinée.

Dans une S.E.G.P.A. (Section d'Enseignement Général et Professionnel Adapté) atypique s'occupant d'élèves d'intelligence à priori normale mais atteints de troubles répertoriés sous la dénomination de dyslexie, une équipe d'enseignants pluridisciplinaire essaye, par le biais d'un atelier cuisine, de redonner envie de lire et d'écrire à ces élèves.

Mots clés :

SEGPA, Dyslexie, Production / Compréhension écrite, Atelier,  Projet interdisciplinaire.

 

Académie de Lyon

SEGPA du Collège M. DARGENT

5, rue J. Koehler

69003 LYON

tél. : 04 78 54 09 26 – fax : 04.72.68.66.45.

Principal : M. Bouzy

Réf. : Bernard PIQUET Directeur Adjoint chargé de la SEGPA

mail : SEGPA-DARGENT@wanadoo.fr

Pôle :4A maîtrise des langages et enseignement des disciplines

D15_langages_segpa – juin 2001

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Remonter à l'en-tête Sommaire :

I - Un projet culinaire dans une S.E.G.P.A. atypique
1) La S.E.G.P.A. Dargent : une spécificité méconnue
2) Un enjeu pour la S.E.G.P.A. : Lire c'est comprendre
3) Pourquoi changer une formule qui fait ses preuves ?

II - Un gratin dauphinois c'est bon mais ça se mérite !
Description des travaux réalisés par les élèves

III - Analyse des problèmes et des avantages du travail collectif
IV - Synthèse
V - Annexes :
1) Le gâteau à la patate douce.

2) Lexique.

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I - Un projet culinaire dans une S.E.G.P.A. atypique

 

Remonter au sommaire 1) La S.E.G.P.A. Dargent : une spécificité méconnue

 

Dès sa création en 1978 la S.E.S. (appellation de l'époque) du Collège Marcel DARGENT a fonctionné différemment des autres Sections du secteur de l'Adaptation et de l'Intégration Scolaire (A.I.S.). Sa directrice l'avait baptisée S.E.S. d'Adaptation et la population accueillie était composée majoritairement d'élèves d'intelligence quasi normale mais ayant de grosses difficultés en lecture, écriture et même en calcul ; tous ces troubles pouvant se regrouper sous la dénomination : dyslexie.

Notre Administration de tutelle ne reconnaît pas officiellement cette spécificité mais force est de reconnaître que les secrétaires de C.C.P.E. (Commission de Circonscription Pré-élémentaire et Elémentaire) et la C.C.S.D. (Commission de Circonscription du Second Degré) sélectionnent des jeunes d'intelligence normale et en grande difficulté de lecture et d'écriture donc en échec scolaire massif pour les orienter à la S.E.S. d'Adaptation du Collège.

Depuis plus de quinze ans, les enseignants, dont il faut remarquer la grande stabilité, ont développé un savoir-faire quant à ce type de population.

Rien de spectaculaire, mais que de l'efficace !

Au contact de certains orthophonistes, voire de professeurs de la Faculté de Médecine, qui suivent nos élèves, les enseignants ont créé de petits exercices simples s'emboîtant dans une progression qui ne met jamais le jeune en difficulté dans sa construction de réponses aux diverses situations d'apprentissage qui lui sont proposées. Ce travail a pour finalité de placer des passerelles sur les échecs produits par les effets de la dyslexie et aussi de gommer peu à peu le retard et l'échec scolaire.

Conscients de ce savoir-faire, il y a un an, nous avons voulu en informer d'autres enseignants. Nous expliquerons ultérieurement les enjeux de cette communication sur l'avenir de notre S.E.G.P.A.

  

 

Remonter au sommaire 2) Un enjeu pour la S.E.G.P.A. : Lire c'est comprendre

 

Notre propos va s'articuler autour d'un travail global de lecture, écriture, réalisation d'une recette de cuisine entre une classe de 6ème et une classe de 4ème ainsi qu'une mise en synergie des autres classes de la S.E.G.P.A. autour de ce projet. Ce travail s'inclut dans une des multiples réponses aux difficultés engendrées par la dyslexie.

 

Afin d'apporter de la clarté à notre exposé, nous allons, dans un premier temps, analyser les problèmes repérés dans l'activité lecture/écriture avec l'aide de quelques repères théoriques.

 

Notre propos s'articulera autour du travail de Bernard LAHIRE dans "Culture écrite et inégalités scolaires".

 

Bernard LAHIRE évoque les transformations du système scolaire au XXe siècle. Ce système était constitué, de façon simplifiée, de deux réseaux : l'école primaire gratuite d'une part, le collège et le lycée payant d'autre part. La répartition des élèves entre ces deux pôles s'opérait clairement sur la base de l'origine sociale. A la suite d'une série de transformations institutionnelles, ces deux pôles ont eu tendance à s'unifier tandis que la réussite sociale et professionnelle a dépendu de plus en plus fortement du niveau scolaire. Ainsi, des enfants jusque là séparés par leur appartenance sociale, se sont retrouvés scolarisés dans les mêmes lieux, évalués selon les mêmes catégories scolaires d'entendement et par les mêmes enseignants. Avant, on n'échouait pas lorsque l'on n'accédait pas au lycée et l'avenir professionnel ne dépendait pas autant du degré de qualification scolaire. Au regard des critères de compétence en lecture, orthographe, rédaction (qui fonctionnaient très bien dans la mesure où ils s'appliquaient à des populations scolaires en adéquation avec ces exigences), les nouveaux élèves, qui ne s'arrêtent plus au niveau de l'école primaire mais accèdent au collège, apparaissent comme de mauvais lecteurs, non-lecteurs ou "illettrés". C'est à partir des années soixante que l'échec scolaire va devenir une préoccupation constante des milieux pédagogiques et un problème social.

Selon Bernard LAHIRE, dans la logique d'ensemble de la formation sociale, les formes sociales scripturales sont dominantes tandis que les formes sociales orales sont dominées. Cette non maîtrise des formes sociales serait le signe d'une résistance et d'un rejet (pas forcément volontaire) se fondant sur un type de rapport au langage et au monde différent : ce serait un rapport oral - pratique au langage et au monde, formé au sein de formes sociales orales. Il ne s'agit pas d'une non maîtrise de sa vie ou de son environnement en général mais d'une non maîtrise des formes sociales dominantes spécifiques.

 

En étudiant l'usage de l'oral et le rapport de l'écrit dans une perspective historique, Anne-Marie CHARTIER a remarqué qu'au XIXe siècle, lorsqu'il y avait en France plusieurs langues régionales et une multitude de patois, il s'était opéré au sein de l'école une différenciation entre la langue privée (employée à la maison) et la langue officielle qui était enseignée dans les écoles (le français). Aujourd'hui, on est confronté, selon elle, à une situation similaire car la langue de scolarisation n'est pas la langue des communications ordinaires. En effet, il existe une langue scolaire qui permet de parler de la langue française elle-même. Quand on apprend aux enfants ce qu'est une lettre, une syllabe, un adjectif, on utilise une langue qui est faite pour parler de l'écrit. L'échec scolaire pourrait provenir de la séparation entre la langue maternelle, qui est l'oral spontané des enfants et la langue scolaire qui serait une langue artificielle. Il faudrait peut-être laisser les enfants entrer dans la langue écrite en parlant de ce qu'ils connaissent et vivent au quotidien.

 

Bernard LAHIRE considère que le rapport scolaire au langage est central dans la production des inégalités scolaires. En effet, en observant le déroulement de l'enseignement lire-écrire à l'école, il indique que l'école entretient un rapport spécifique avec le langage qu'elle considère comme un outil d'expression orale et écrite mais également comme un objet qui est étudié selon différents points de vue (grammatical, lexical, phonologique, orthographique…). Les élèves qui échouent ne parviendraient pas à considérer le langage comme quelque chose qui est dissociable du sens qu'il produit, de ce qu'il permet d'évoquer, de dire, de faire… alors que l'école présente le lire - écrire comme un objet d'étude en lui-même.

 

Bernard CHARLOT nous dit même que l'échec scolaire n'existe pas. Ce qui existe, ce sont des élèves en échec, des histoires scolaires qui "tournent mal". Ce sont ces élèves, ces situations, ces histoires qu'il faut analyser.

 

Anne-Marie CHARTIER propose de s'appuyer sur une pédagogie de la parole pour étayer l'apprentissage de la langue écrite. Pour elle, la maîtrise de l'écrit repose sur la maîtrise antérieure de l'oral.

 

Lire c'est comprendre : notre ministère définit ainsi la lecture dans ses programmes de 85.

Cette formule soulève des problèmes théoriques et pratiques. On a longtemps privilégié le déchiffrement, le décodage sans prêter attention à la production de SENS. Le déchiffrement et la construction du sens sont deux conduites dissociées voire opposées, ont dit certains. D'autres ont pensé et pensent que le déchiffrement est le préalable indispensable à la compréhension d'un texte.

Ces différentes conceptions de la lecture peuvent être classées par rapport à trois grands modèles théoriques :

- les modèles de bas en haut

- les modèles de haut en bas

- les modèles mixtes

 

Les modèles de bas en haut :

L'élève identifie d'abord les lettres, les combine en syllabes, réunit les syllabes en mots puis associe les mots en phrases. C'est une démarche linéaire, hiérarchisée qui va des processus primaires (perception, assemblage des lettres) à des processus cognitifs supérieurs (production de sens).

 

Les modèles de haut en bas :

Ces modèles insistent sur les opérations telles que celles de cadrage, de raisonnement, de mobilisations de connaissances, anticipation sémantique, utilisation du contexte, formulations de questions et prévisions de réponses. Les informations du texte sont traitées par comparaison et vérifiées. Le décodage pourrait être alors être nuisible à l'activité de compréhension.

 

Les modèles mixtes :

Selon ce modèle, lire c'est à la fois pouvoir décoder et comprendre un texte écrit. L'élève part à la fois d'éléments d'ordre divers (syntaxe, signes graphiques divers) et de l'idée qu'il se fait du texte.

 

Ces quelques données théoriques nous permettent de mieux comprendre les difficultés de nos "jeunes dyslexiques".

En classe de 6ème et 5ème, les élèves cherchent à déchiffrer le texte à tout prix et butent sur un ou plusieurs mots. Ils peuvent être alors absorbés par l'identification de ces mots à tel point qu'ils sont incapables d'anticiper. Ne comprenant pas le mot, s'ils n'en demandent pas le sens, ils passent au-dessus. La lecture est linéaire, centrée sur le décodage et la pluralité des prises d'indices est exclue. Ils n'explorent pas toujours la page et les indices typographiques divers, les titres, l'organisation d'ensemble.

La lecture parcellaire est aussi un autre aspect de ces difficultés. Elle n'est pas hiérarchisée ni orientée par un cadre d'ensemble (la construction progressive d'une macro-structure, d'un schéma du texte). Ils accumulent les informations de détail ce qui empêche d'avoir une idée d'ensemble. Il y a alors obstacle à distinguer les thèmes de leurs expansions diverses, l'idée principale des exemples.

La longueur du texte pose aussi problème. Si les textes courts sont assez bien compris, dès qu'ils sont un peu plus longs, les élèves n'ont pas les moyens d'intégrer et de hiérarchiser les informations. Ils oublient certains points, se perdent.

Ces difficultés peuvent aller jusqu'à modifier l'image qu'a le lecteur de lui-même : il pense ne rien savoir et est incapable d'actualiser ce qu'il connaît déjà ; il ne transpose ni son expérience ni ses références. Il peut même aller jusqu'à se croire "retardé" lorsqu'il ne s'agit en fait que d'un manque d'information, de méthode, ou de représentation claire du sens de cette activité.

 

Dans notre réflexion pédagogique, nous avons construit des objectifs généraux et des compétences à atteindre pour bien comprendre un texte :

Compétences méthodologiques :

Être capable :

- d'avoir une démarche active face à l'écrit, s'approprier la situation.

- de renoncer à une lecture linéaire.

- d'explorer toute la page.

- de mobiliser et organiser les informations dont on dispose.

- de vérifier, revenir en arrière dans le texte.

- de réfléchir sur ce qu'on pense avoir compris.

 

Compétences relatives aux démarches discursives et cognitives :

Savoir se poser des questions, c'est à dire être capable :

- d'aborder le texte comme un problème à résoudre

- de reformuler les informations qu'il contient

- de se représenter les buts de l'écrit

- de se poser les questions intermédiaires en fonction de ce qu'on sait

- de distinguer ce qu'on sait de ce qu'on ne sait pas

 

Traiter les informations :

Être capable :

- de comprendre des indices : graphiques, typographiques, iconiques, sémiotiques, syntaxiques et sémantiques.

- d'organiser les informations.

- de traiter et d'utiliser ces informations.

- de repérer les informations directement de celles obtenues par déduction.

- de localiser les informations manquantes.

- de récapituler et de mobiliser les informations qu'on possède déjà.

 

Savoir anticiper :

- être capable d'envisager les conséquences d'une action.

- être capable de se projeter dans l'avenir, choisir une stratégie, en déduire les conséquences.

 

Savoir évaluer

 

 

Ce rappel de quelques notions qui sous-tendent notre enseignement étant fait, il nous reste à expliquer l'enjeu que tout cela implique pour l'avenir de notre S.E.G.P.A.

 

Nous avons insisté sur la spécificité de notre structure. Nous sommes atypiques. Nous comptons le rester et revendiquons haut et fort notre différence.

Les circulaires ministérielles de 96 et 98, dans leur volonté d'amélioration et de transformation des S.E.G.P.A., insistent sur la nécessité de modifier de choix des champs professionnels en classe de 4ème.

Antérieurement, les élèves se voyaient proposer un apprentissage unique sous forme de gestes répétitifs. Il leur est désormais proposer d'expérimenter diverses techniques afférentes à divers métiers, le choix ne se faisant que plus tard, après la classe de 3ème. Cette découverte de 2 ou 3 champs professionnels en classe de 4ème par rotation d'élèves sur tous les ateliers existant est confortée par la mise en réseau, lorsque c'est possible, de plusieurs S.E.G.P.A. entre elles.

Notre établissement, de par sa population (élèves normalement intelligents) et de par l'organisation (nous travaillons en fait comme un mini L.P. des métiers de bouche avec un restaurant d'application ouvert au public) souhaite conserver son fonctionnement actuel.

Le but de cette réforme est d'améliorer la construction du projet personnel de l'élève en lui donnant un maximum de possibilités pour choisir un métier futur.

Or, dans notre établissement, le choix de l'atelier n'est pas imposé. Les parents visitent, choisissent en toute connaissance et acceptent ou refusent l'affectation à la S.E.G.P.A. DARGENT. Les élèves, à la sortie de la classe de 3ème, entrent en L.P. au niveau d'un C.A.P., voire d'un B.E.P. et poursuivent leurs études, pour certains, jusqu'au BAC. PRO. Notre mise en réseau se fait avec un L.P. des métiers de bouche et un L.P. de mécanique générale.

 

Remonter au sommaire 3) Pourquoi changer une formule qui fait ses preuves ?

 

Mais voici maintenant une recette qui n'est pas que pédagogique, une recette qui, comme nous l'avons dit dans l'introduction, est une réponse parmi de nombreuses à l'amélioration des difficultés des élèves par rapport aux écrits.

Notre propos, évidemment, se situera hors du débat entre la dyslexie et les dyslexies. Il ne traitera que d'une réponse pédagogique parmi tant d'autres. Il essaie de monter comment les enseignements professionnels adaptés peuvent offrir un cadre pour construire des apprentissages langagiers et comment les activités langagières (lire-écrire-parler) participent à la construction des savoirs disciplinaires.

 

 

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II - Un gratin dauphinois c'est bon mais ça se mérite !

  Description des travaux réalisés par les élèves

 

En 6ème :

Les élèves de 6ème ont travaillé durant 3 semaines (3 séances d'une durée d'1 h 30 environ).

 

1ère séance (1 h 30 environ) :

Recherche et mise en page des éléments constants que l'on retrouve dans toute recette de cuisine.

1er temps : tous les élèves apportent une recette de leur choix (salée ou sucrée) et lisent individuellement cette recette. La consigne était : "Trouvez les grandes indications ou titres permettant de réaliser une recette".

2ème temps : par groupe de 2 ou 3, les élèves confrontent leurs réponses et trouvent un accord pour déterminer les éléments que l'on retrouve invariablement (ingrédient, matériel, proportions, etc.).

3ème temps : constitution, à partir des réponses des différents groupes d'élèves, d'un schéma type de recette (voir annexes).

4ème temps : retour à un travail individuel : chaque élève doit remplir la fiche préétablie d'après sa recette personnelle.

La principale difficulté (rencontrée par beaucoup d'élèves) a été de dissocier les ingrédients des quantités ainsi que de retrouver dans la lecture de la recette l'intégralité du matériel nécessaire (oublis nombreux).

 

2ème séance : lecture et analyse de la production des élèves de 4ème (1 h 30 environ) :

Les élèves de 4ème ont écrit la recette de gratin dauphinois qu'ils ont confectionné quelques temps auparavant en atelier cuisine, sans l'aide de leur professeur. Ils ont donc dû retrouver tous les éléments de cette recette sachant que cette dernière devait être lue et surtout comprise par les élèves de 6ème (l'enjeu étant d'exécuter la recette par les plus jeunes).

Par groupes de 3, les élèves de 6ème ont déchiffré la recette proposée. Ils ont coché, entouré et souligné tout ce qui n'était pas clair ou compris. A l'aide d'une fiche de synthèse, ils ont renvoyé leur demande de renseignements, de clarifications à l'élève de 4ème concerné (voir les travaux d'élèves en annexe).

 

Les élèves de 4ème ont dû réécrire leur recette en tenant compte des remarques faites par les élèves de 6ème (voir l'analyse dans la 3ème partie).

 

3ème séance (4 heures) : Réalisation de la recette : "Faire un gratin dauphinois, c'est facile".

Dans l'atelier cuisine, les élèves réalisent la recette par groupes de 2 avec un tuteur de 4ème qui n'est là que pour observer et non pour guider (d'où l'importance de l'écriture de la recette).

 

 

En 4ème  :

Comme pour les sixièmes, le travail a duré trois semaines environ.

 

1ère séance : réalisation et écriture de la recette.

Les élèves de 4ème réalisent le gratin dauphinois avec les consignes orales et écrites du professeur de cuisine.

Pendant la cuisson au four, les consignes du tableau étant effacées, les élèves mémorisent le déroulement de ce qu'ils viennent de faire, l'écrivent. la consigne précise : "la recette sera lue par les 6ème qui réaliseront le gratin en utilisant ce que vous aurez écrit". Il est ajouté oralement que si l'élève de 6ème rate son gratin, c'est peut-être que la fiche aura été mal rédigée.

Première surprise : Les élèves de 4ème font volontiers ce travail d'écriture, eux qui soupirent de fatigue lorsqu'il faut copier une recette, vont pousser le zèle jusqu’à faire un brouillon, ce qui n'était pas demandé et s'appliquent pour la mise au propre.

Deuxième surprise : le souci du lecteur. Ils s'inquiètent de ce que vont comprendre les 6ème : "Est-ce que j'écris en français ?" Comprenez en français littéraire, pas comme je parle : "Si, j'écris "émincez-les", est-ce qu'ils vont comprendre ?".

 

Les fiches sont ensuite transmises aux élèves de 6ème qui ont effectué un travail de décodage avec le professeur de français sur les mots clés du vocabulaire culinaire ( voir annexes).

Les fiches sont annotées par les 6ème : questions, demandes de précisions puis retournées aux 4ème.

 

2ème séance :

Travail de réécriture en cours de français. Les élèves de 4ème modifient leurs premières productions en fonction des annotations transmises par les sixièmes.

  

Séance finale : réalisation du gratin dauphinois par les élèves de sixième :

A la date prévue les élèves 6ème arrivent avec les fiches recette réécrites et leur tablier pour réaliser le gratin.

Les 4ème ont pour consignes : "Ne pas aider les 6ème !" (ils sont regroupés au fond de la cuisine). Assurer la logistique : distribuer, en fonction des demandes, les denrées, le matériel pour éviter les allées et venues des 6ème trop nombreux pour la surface de la cuisine.

 

A l'heure de la dégustation en commun, des différences sont notées : un plat est trop rempli, un autre vraiment pas assez, un gratin est trop salé.

Il n'y a pas eu de "ratage" : la recette choisie est facile. La cuisson a été commune dans un grand four. Les quantités de denrées ont été identiques pour tous.

 

 

 

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III - Analyse des problèmes et des avantages du travail collectif

 

Expérience à renouveler ? A quel rythme ?

- "OUI" disent massivement les élèves de 4ème, la perspective d'être valorisés et de passer un moment convivial stimule l'envie d'écrire et oblige à réfléchir avant de passer à l'action.

 

Moi, précise le professeur de cuisine, j'envisagerais bien cette expérience une fois par trimestre, car parmi les 6ème, il y a mes futurs élèves. Si écrire et lire n'est plus la corvée, mais devient ludique et utile, un travail d'ouverture sur la géographie et la gastronomie pourrait se faire, impossible à envisager pour l'instant.

 

Il nous semble important de faire remarquer que la majorité des enseignants ayant pris part au projet s'est appuyée sur l'expérience d'un projet similaire réalisé l'année précédente. Certains écueils ont ainsi pu être évités.

Cependant, nous avions en équipe, mis en place un calendrier d'étapes, que nous avons tenu à respecter, alors que des modifications d'emploi du temps sont intervenues pour un des enseignants. Cela l'a empêché de suivre pleinement l'expérience : des absences d'élèves rédacteurs lors de la séance de correction ont perturbé le travail de réécriture.

 

Du côté des élèves de 6ème :

Le premier point très positif de ce travail apparaît immédiatement : la motivation. En effet ce projet, dont le but leur est apparu comme étant celui d'aller en atelier cuisine, fut pour les élèves de 6ème une source de grande motivation.

Après avoir réalisé un travail d'analyse afin de faire émerger les caractéristiques (…) de "la recette de cuisine" les élèves de 6ème ont examiné les productions des élèves de 4ème. Il est ressorti que les difficultés rencontrées par les 6ème apparaissent également chez les 4ème. à savoir la calligraphie, l'orthographe, la syntaxe, des incompréhensions liées aux abréviations, etc.

L'observation de ces difficultés permet de dédramatiser ses propres difficultés : "un élève plus âgé que moi fait les mêmes erreurs que moi !", "Je ne suis pas le seul à faire ces erreurs". De plus, "cet élève commet des erreurs que je ne commets pas" : "Je ne suis peut-être pas aussi "mauvais" qu'on a bien voulu me le dire".

 

Du côté des élèves de 4ème.

Les élèves de 4ème sortent d'un projet "Article de Presse" où les travaux de réécriture furent nombreux. Ainsi, lorsqu'il leur fut demandé d'effectuer une réécriture des textes, il y eut quelques réticences : "Encore !", "Mais on l'a déjà écrit une fois ! (dans un autre lieu)".

En outre, certains élèves n'ayant pas réalisé de production (voir plus haut) devaient réécrire un texte qui ne leur appartenait pas. La difficulté de travailler sur un texte étranger fut présente chez tous ces élèves. En revanche cet exercice permet de montrer les difficultés de leurs camarades. Difficultés qui peuvent être communes (difficiles à corriger mais qui dédramatisent l'erreur) ou difficultés différentes montrant chez l'élève correcteur qu'il a acquis des connaissances que d'autres ne possèdent pas encore (point extrêmement important chez ces élèves qui ont une très mauvaise image d'eux-mêmes dans de nombreuses disciplines et en particulier en Français).

Enfin, certains élèves ne comprennent pas que d'autres élèves aient pu avoir des difficultés dans la compréhension des recettes. En effet, comment se fait-il qu'un élève de 6ème (qui n'est encore jamais allé en atelier cuisine) ne sache pas ce qu'est un cul-de-poule ? ("cet élève serait-il assez stupide pour croire qu'il s'agirait du postérieur d'un gallinacé ?") ou encore, comment se fait-il qu'un élève ne sache pas que "mettre de l'eau" signifie "rajouter un verre d'eau" ? etc.

Au début du travail, lorsqu'il a été proposé d'écrire une recette qui serait ensuite réalisée par les élèves de 6ème, certains élèves de 4ème se sont demandé s'il fallait "écrire la recette en Français", ce qui en dit long sur la représentation des tâches d'écritures qu'ils réalisent à l'école en d'autres circonstances et donc sur la nécessité de leur proposer fréquemment ce genre de situation pour modifier leur rapport à l'écrit.

 

Observations faites par les 3 enseignants présents lors de la réalisation de la recette :

Les élèves de 6ème réalisent avec une certaine facilité les différentes étapes. Si certains ne comprennent pas des termes non expliqués, comme par exemple "cul de poule", ils observent le groupe à côté et trouvent l'explication à leur question.

Aucune difficulté majeure n'ayant été rencontrée, on peut supposer que la recette écrite par les élèves de 4ème était suffisamment compréhensible, détaillée et claire. Certains élèves de 6ème ont bien entendu montré quelques difficultés à lire, difficultés qu'ils manifestent quelques soient les activités de lecture proposés.

Inutile d'ajouter que la dégustation des plats préparés et très réussis fut un moment chaleureux pour tous les élèves et enseignants. D'autant plus qu'un dessert fabriqué par d'autres élèves de 4ème et leur professeur de pâtisserie concluait en beauté ce petit repas.

 

 

 

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IV - Synthèse

Les difficultés rencontrées dans le décodage de cette recette, dans sa réécriture et enfin sa réalisation sont bien analysées dans le rapport de Roland GOIGOUX : "Les élèves en grande difficulté de lecture et les enseignements adaptés" - Editions du CNEFEI - 1997.

Roland GOIGOUX nous parle des trois sources majeures de difficultés de compréhension des textes écrits par les élèves de SEGPA :

- Les déficits de traitement de "bas niveau" (notamment la faiblesse de l'automatisation de l'identification des mots).

- Les déficits généraux des capacités de compréhension (déficits non spécifiques à la lecture et qui affectent également la compréhension du langage oral).

- Les déficits spécifiques au traitement du texte écrit, liées principalement à une mauvaise régulation de l'activité de lecture par l'élève.

Ce dernier point nous semble intéressant à explorer sur le plan didactique car il s'appuie sur les spécificités de la langue écrite et permet d'envisager, en lecture, une efficacité supérieure à celle des traitements en situation d'audition. La permanence de la trace écrite permet au lecteur de moduler sa vitesse de traitement, de revenir en arrière et de relire les passages qu'il a mal compris. Ceci implique que l'élève puisse évaluer sa propre compréhension et qu'il sache que cet auto-contrôle est possible et nécessaire, donc qu'il ait construit un ensemble de connaissances méta-cognitives (connaissances relatives au lecteur, aux tâches et aux stratégies de lecture) et de procédures de régulation de son activité (établir des buts, s'en servir pour diriger les traitements du texte, contrôler la compréhension…).

Nous nous situons dans un enseignement explicite de la compréhension qui permet à l'élève de progresser. C'est certainement par des activités répétées d'écriture - réécriture ayant un véritable enjeu, par cette interrogation permanente sur l'activité du lecteur qui recevra le texte, que ces élèves pourront construire progressivement des repères et des points d'appui pour comprendre les textes qui leur sont proposés.

 

D'autres points importants se sont également dégagés :

- cette motivation "nouvelle" des élèves de 4ème pour une tâche d'écriture.

- l'importance de l'enjeu social de l'écrit : possibilité et nécessité de se référer au document écrit, fonction mémoire de cet écrit qui permet une communication différée et qui est associé à quelque chose de concret, de réalisable.

- prise de conscience que l'écrit se retravaille contrairement à l'oral, puisque le lecteur doit construire la compréhension du message en l'absence de l'émetteur et qu'il convient donc de lui offrir toutes les aides possibles (principe de coopération dans le cadre d'une communication différée).

 

 

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V) Annexes

 

Remonter au sommaire 1) LE GATEAU A LA PATATE DOUCE

 voir le lexique

 INGREDIENTS

 - 250g de patate douce

- 5cl de liqueur d'orange - 4 feuilles de gélatine

- 200g de blancs d'œufs

- 250g de sucre

- 500g de crème liquide

  

MATERIELS

- couteau économe

- couteau d'office

- planche à découper

- corne

- fouet

- cul de poule

- casserole

 

PROCEDE DE FABRICATION

 

Règles élémentaires d'hygiène :

Enlever les bijoux, se laver les mains avec un savon désinfectant. Désinfecter le plan de travail et le matériel et rincer à l'eau claire.

 

- mettre à ramollir la gélatine dans de l'eau froide

- cuire la patate douce à la vapeur 25 minutes.

- les peler, les couper en gros cubes et les passer au moulin à légumes.

- ajouter la liqueur d'orange.

- tiédir la gélatine ramollie, et l'ajouter à la pulpe de patate douce, bien lisser au fouet.

- meringuer les blancs, montés avec le sucre cuit à 120°c, battre jusqu'à refroidissement.

- monter la crème au fouet.

- mélanger la patate douce à la meringue, ajouter délicatement la crème fouettée ferme.

 

PRESENTATION

 

- Mettre la mousse obtenue dans un cercle à entremets et passer au réfrigérateur 2 heures.

- Démouler et servir avec une crème anglaise à la vanille.

 

DECORS :

Fruits exotiques : physalis, carambole, ananas, mangue, papaye etc.

 

 

Remonter au sommaire 2) LEXIQUE

  PATATE DOUCE :

 Grosse Pomme de terre sucrée de couleur violacée.

 

COUTEAU ECONOME :

 Couteau qui sert à éplucher les légumes.

 

COUTEAU D'OFFICE :

Couteau à petite lame.

 

CORNE :

Ustensile en plastique qui sert à racler les récipients.

 

CUL DE POULE :

Récipient en inox ressemblant à un saladier.

 

PELER :

Oter la peau des légumes et des fruits.

 

MERINGUER :

Monter les blancs d'œufs en neige avec du sucre.

 

SUCRE CUIT A 120°c :

Le sucre est cuit dans une casserole avec 1/3 d'eau à 120°c avec un thermomètre à sucre.

 

MONTER :

Incorporer de l'air à une préparation pour augmenter le volume et alléger.

 

CERCLE A ENTREMETS :

Cercle en inox pouvant accueillir des préparations pouvant être démoulées.

 

 

Remonter au sommaire Liste des membres de l'équipe ayant participé à l'écriture de cette monographie :

ESBRI F.
PICHON  PLP 
FERBER PLP
POIROT-PICARD
BABOLAT
CORNATON
Denis JEAN

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