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Programme National d'Innovation 99-01. (PNI 3) Monographie produite en juin 2001 |
Maîtrise des langages : |
Notre équipe, pluridiciplinaire, travaille depuis juin 2000 sur une façon de modifier le rapport des élèves à la langue. L’élève construit sa pensée à travers son travail d’écriture, de réécriture en groupe, de communication à des pairs, pour s’approprier les savoirs disciplinaires. Etant 12 enseignants de 7 disciplines, nous prenons aussi conscience de nos spécificités disciplinaires et de leurs représentations. Nous expérimentons surtout en 6° et 4°. |
Mots
clés :
équipe
pluridisciplinaire, écrire, savoirs disciplinaires, travail en groupe des
élèves, construction du sens, représentations
Académie de Lyon Collège Louis LEPRINCE-RINGUET 20, rue Louis REY B.P.220 69740 GENAS tél : 04 78 40 61 92 – fax : 04 78 90 28 66 – mail : ce0693331w@ac_lyon.fr Principal : Daniel MASCLEF Réf : Chantal ALVAREZ, prof. histoire-géographie – mail : Chantal5alvarez@aol.fr Pôle 4A : Maîtrise des langages et enseignement des disciplines
– D1_leprince – juin2001 |
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I- Il était une fois dans un collège…présentation de l’action. | ||
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II- Quelques séquences mises en œuvre et analysées. ( SVT, Géo, PC, EPS, Ed. Civ., Français ) |
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III- Du côté des profs : notre vécu | ||
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Annexes |
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I - “Il était une fois dans un collège
... Le
collège Louis Leprince-Ringuet de Genas se situe dans une banlieue
moyenne de l'Est lyonnais, où les difficultés s'accentuent sans
atteindre pour autant les urgences des R.E.P. On n'y rencontre pas de problèmes
sociaux ou économiques majeurs. Par contre, malgré un milieu social
relativement aisé, on constate le manque d'ouverture culturelle de nos
élèves et bien peu de curiosité intellectuelle. Notre
situation plutôt confortable a pour conséquence un manque de dynamisme
dans l'établissement : le travail d'équipe et le travail en
interdisciplinarité restent l'exception . Notre
projet a pour origine : a)
un certain nombre de constats : difficulté
des élèves à maîtriser l'expression écrite ou orale. rejet
de l'écrit ou difficulté du passage à l'écrit. non-motivation
des élèves en difficulté du fait que ce qu'ils écoutent et doivent
apprendre n’a pas de sens pour eux. b)
et de questionnements : sur
l'échec ou l' inutilité des méthodes traditionnelles de pédagogie avec
ces élèves en difficulté. sur
la façon dont les élèves s'approprient le message transmis par les
professeurs. Il
nous a semblé nécessaire de remettre l'élève au centre des
apprentissages, faire que l'élève ne soit pas consommateur mais acteur
de son savoir par l'intermédiaire de la maîtrise des langages. |
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Certains
professeurs (3 professeurs d’ histoire-géographie, 2 de Sciences et Vie de la Terre, 2 de sciences physiques, 2
de mathématique, 1 de
français, 1 d’E.P.S. et la
documentaliste), sensibilisés au lien entre la maîtrise des langages et l’acquisition
des savoirs disciplinaires, ont donc décidé de former une équipe
pluridisciplinaire "grands débutants " sur ce thème.
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Nous
avons décidé de travailler essentiellement sur des classes de 6° et de
4° pour des raisons purement pratiques. Notre objectif étant de faire de
l'élève un acteur de son savoir, nous avons travaillé dans toutes les
matières sur l'écriture et la réécriture selon un schéma type, que
nous avons ensuite modulé : Les
élèves rédigent un paragraphe sur un sujet donné. Le
professeur choisit quelques travaux et les redistribue aux élèves . Par
groupe de 2 à 4, les élèves doivent critiquer les travaux pour en
trouver les aspects positifs et
négatifs . Le travail de groupe leur permet d'argumenter entre eux. On
met en commun le travail des groupes. Les
élèves réécrivent sur le même sujet en tentant de corriger leurs
erreurs de départ.
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Certes,
nous nous sommes immédiatement impliqués dans l’action, avec le souci
constant de faire progresser la maîtrise de la langue chez nos élèves.
Cependant nous n’avons pas cherché de résultats immédiats. Nous
savions en effet que notre démarche devait être progressive si nous
voulions pouvoir, à terme, l’intégrer
dans notre enseignement avec le recul nécessaire. En effet , il s’agit
d’une remise en cause de nos propres représentations de l'écrit , du
fonctionnement de la classe et de nos
rapports à l'élève. Délibérément , nous avons pris le temps de la
distanciation sans vouloir à tout prix obtenir dés la première année
le rendement dans la classe. Il n’empêche qu’ aujourd'hui, si les
professeurs demeurent dans l’ensemble très motivés, certains sont un
peu découragés par la disproportion constatée entre charge de travail
pour l’enseignant et amélioration effective des résultats des élèves
en difficulté.
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Nous
manquons encore de recul pour analyser d'éventuels changements dans les
représentations de l'écrit chez nos élèves. Cependant, on peut
remarquer que selon les classes et les matières, les élèves commencent
à prendre l'habitude de ce genre d'exercice ( " c'est comme la
dernière fois ? " ). Dans l’ensemble, ils s’y mettent un peu
plus vite. Le travail de groupe semble les motiver et les rendre actifs.
Mais, si certains voient une finalité qui n'est pas forcément la nôtre,
" la carotte " de la note, d’autres restent encore réticents
(" ah , on va encore écrire ! »)
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II - Quelques exemples de séquences
mises en oeuvre Nos
débuts, en effet, ont parfois été à l’origine de difficultés tant
du côté des élèves (« On doit se corriger nous-même ! »)
que du côté des professeurs. Nos tâtonnements
lors de nos premières séances nous ont montré que nous étions souvent
trop ambitieux, comme, par exemple, lorsque nous voulions poser plusieurs
problèmes en même temps. Ils nous ont aussi montré que le professeur,
engagé dans la logique de sa discipline ne se rend plus toujours compte
des difficultés. C’est ainsi qu’à la question « Que peut-on
dire de la répartition de la population? », les élèves répondent
tout simplement : « elle est bonne » ou «elle
est mauvaise » ! Les
enseignants des disciplines représentées n’ont fait parfois qu’une
ou deux séquences de travail approfondi autour de l’écrit dans l’année,
mais dans chaque classe, les élèves ont travaillé au moins 5 ou 6 fois
sur la construction progressive des notions
à partir de l’écriture / réécriture de leurs textes et nous
espérons malgré tout avoir fait évoluer leurs conceptions du rôle de l’écriture. Nous
avons sélectionné pour les
analyser ici, quelques séquences pour la diversité de leurs objectifs et
la place différente qu’elles occupent dans les processus d’apprentissage.
C’est ainsi que le travail à partir des productions écrites des
élèves a pu intervenir tout au long d’une séquence ou plus
modestement en début, au milieu pour construire une notion clef ou à la
fin pour construire la trace écrite et évaluer le savoir construit et
ceci, dans les différentes disciplines.
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L’objectif
: construire la notion de fécondation à partir d’un document
constitué d’un schéma montrant les étapes de la fécondation et de
photos illustrant ces différentes étapes (annexe 1). Au préalable, nous avions
étudié la puberté, les appareils reproducteurs et leur fonctionnement.
Fin
d’une première heure (10 à 15 minutes) : C’est d’abord une
écriture individuelle: chacun explique ce qu’est la fécondation à
partir du document. Deuxième
heure (20 à 30 minutes) : chaque
élève a reçu un texte anonyme écrit par un autre et propose des
corrections s’il le juge nécessaire. Je
choisis 6 textes différents avec la correction proposée que je présente
sur transparent. Je les sélectionne en fonction de leur diversité, l’un
proche de la définition attendue et les autres s’en éloignant plus ou
moins, les uns faisant intervenir un “je”, et les autres plus
objectifs. (annexe 2) Troisième
heure entière : travail collectif oral à partir du transparent. Les
élèves doivent dire ce qu’ils pensent du texte et de la correction
apportée. A la fin de l’heure nous négocions la trace commune inscrite
dans le cahier.
Les
élèves sont très actifs et vraiment attentifs : je le vérifie
lors d’un contrôle ultérieur. Les premières difficultés rencontrées
par les élèves sont l’utilisation d’un vocabulaire spécifique et la
distinction de l’emploi de certains mots dans les différentes
disciplines par exemple “fusion des noyaux” et “ la fusion d’un solide”
en sciences physiques. Certains s’écartent du document en parlant de
“population” au sens géographique du terme, sans doute influencés
par un des titres : “la fécondation humaine”. Effets
secondaires inattendus : lors de la discussion, nous sommes amenés à
définir les premiers critères d’écriture d’un texte scientifique,
notamment :
ne pas utiliser le “je” ne rien inventer, s’en tenir aux
informations fournies par le document s’autoriser
des répétitions si nécessaires, l’objectif étant d’être précis
et clair.
Cette séquence a été préparée
en commun par deux professeurs qui l’ont appliquée dans leurs classes
de 6e.
Lecture
d’une carte géographique Comprendre
les notions géographiques de foyers de peuplement et de déserts humains Rédaction
par les élèves de la trace écrite
Première
heure : Une
carte de la répartition de la population mondiale est analysée en classe
(cours dialogué). Les élèves doivent comprendre le système de
représentation de la répartition par points. Ils se rendent compte qu’il
y a des endroits où les hommes sont très nombreux et d’autres où il n’y
a personne.
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A
partir d’autres documents du livre, les élèves retrouvent les notions
géographiques de foyers de peuplement et de déserts humains. Ces deux
mots sont écrits au tableau et définis. Les élèves recopient les
définitions dans leur répertoire. Travail
individuel: à partir de la carte de répartition de la population et des
deux termes définis, les élèves doivent rédiger un paragraphe
répondant à la question : « Comment les hommes sont-ils répartis
sur terre ? Que peut-on dire de cette répartition ? ». Ce travail
individuel est relevé. Deuxième
et troisième heure: Lors
de la séance suivante, certains textes d’élèves sont redistribués et
les élèves doivent, par groupes de 2 ou 4 (selon les classes), critiquer
les différents travaux. Ils doivent retrouver les éléments répondant
bien à la question posée ou au contraire corriger les erreurs ou
omissions (textes distribués et consignes :
annexe 3). Chaque
groupe doit ensuite exposer oralement ses critiques sur chacun des textes.
A partir de là, on peut mettre
en commun ce qu’il faut garder et rajouter (éléments notés au fur et
à mesure au tableau). Les
élèves refont alors individuellement le même travail sur leur cahier,
ce dernier paragraphe leur servant de trace écrite.
En
interrogation, les élèves doivent retrouver à partir de leur
définition les deux notions importantes du cours (désert humain et foyer
de peuplement). Ils doivent aussi citer deux exemples de chaque. Les
résultats sont variables. Les élèves d’une classe ont bien compris l’inégale
répartition de la population et ont retenu les localisations. Dans l’autre
classe, au contraire, les résultats sont moins satisfaisants. Malgré la
construction du savoir par eux-mêmes, les élèves ne le retiennent pas
forcément s’il n’y a pas un effort de mémorisation par la suite.
Les
élèves semblent apprécier ce genre de travail car ils se sentent
valorisés par le passage à l’oral et l’obligation de négocier avec
leurs camarades. Ils ont l’impression
que le savoir vient d’eux et n’est pas seulement transmis par
le professeur. Cependant,
le travail a été un peu long :1heure30 pour la critique des travaux d’élèves.
(problème de retard dans les programmes) La
première réaction des élèves a été la surprise et la crainte : il va
falloir écrire ! Mais par la suite, au moins dans une classe, les
élèves ont compris que ce genre de travail leur permettait de progresser
et de construire leur savoir de manière plus personnelle et plus
autonome.
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1ére
séance : chaque élève écrit sa méthode, puis il peut utiliser
une balance, une éprouvette graduée de 100 ml ou un bécher, le
matériel étant sorti. 2ème
séance : 6 réponses sont distribuées sur polycopié (le choix des
réponses est fait de manière à avoir une réponse juste, une très
mauvaise et d’autres présentant des oublis ou des fautes différentes).
Les élèves doivent en tirer ce qu’il fallait mettre pour avoir une
réponse juste, autrement dit, trouver les critères de réussite. Ce
travail est effectué par groupe de 2 pendant 20 minutes environ, puis une
mise en commun est effectuée (annexe4). 3ème
séance: la question est reposée en évaluation finale.
Les
élèves sont très actifs dans la recherche des critères, ils en
trouvent beaucoup et reconnaissent des critères rencontrés dans d’autres
matières : ne pas inventer, par exemple... On constate des efforts dans
le respect des critères établis : adopter un ordre logique des étapes,
employer correctement les mots masse et volume... Mais la difficulté
persiste sur ces notions pour de nombreux élèves. Plus tard dans l’année, le même
type de travail est repris : comment trouver la masse volumique d’un
cylindre ? Les élèves
reconnaissent la méthode mais rechignent
parfois à la réécriture (élèves de 4ème Aide et Soutien). Nous
nous sommes souvent heurtés à des difficultés dans la mise en oeuvre de
ces séquences: pour
la préparation le
temps passé à la lecture des premières traces écrites et le choix de
celles que nous allions redistribuer aux élèves ( bien souvent après
les avoir dactylographiées), l’analyse de ces rédactions se faisant en
un laps de temps très court puisque nous en avions besoin bien souvent du
jour au lendemain. Cependant,
on sent dans la plupart des cas un intérêt des élèves pour ce type de
travail, ils sont motivés, actifs.
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Après
une évaluation sur les solides, les liquides et les gaz, en classe de
4ème Aide et Soutien, je propose de faire la correction de 6 petites
questions en fournissant pour chacune une sélection de 5 ou 6 réponses d’élèves,
dont l’une est exacte (annexe
5). Les
élèves travaillent 20 minutes par groupes de 4 sur un polycopié
distribué à tous, ils doivent trouver les erreurs ; aucune consigne
supplémentaire n’est donnée. Ils sont très actifs, demandent s’ils
peuvent barrer les fautes, surligner les bonnes réponses, se
reconnaissent parfois dans les réponses... Nous
occupons ensuite 20 minutes à une mise en commun oral Au
cours suivant, les mêmes questions sont reposées et une amélioration
des résultats est sensible pour tous. Cependant, certains ont retenu des
mauvaises réponses, alors qu’ils n’avaient pas fait la faute lors de
la première évaluation (ex: tous les liquides sont de l’eau!) ; d’autres
représentations fausses sont également solidement ancrées et n’ont
pas été corrigées (ex : la vapeur d’eau est visible, la buée, le
brouillard sont des gaz...)
Il
semble que cette correction englobait trop de notions différentes et il
est apparu nécessaire de cibler le travail d’écriture sur une seule
question. Une question corrigée en montrant plusieurs schémas faux et un
juste a par contre été refaite correctement par tous, la représentation
fausse qu’ils avaient au départ a été corrigée (surface libre de l’eau
au repos dans un récipient qui penche).
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Parmi les expériences que j'ai
réalisées cette année, j'ai choisi la plus facile à relater :
celle qui concerne la règle du "marcher" au basket-ball. En
effet, après 20 à 40 heures de pratique du basket, les élèves de 3°
font encore des erreurs d'arbitrage sur ce point. Après
quatre séances de Basket, exercices et jeux à effectif réduit, j'ai
donc attiré l'attention des élèves sur ce point par interrogation
orale. Puis j'ai procédé à un travail écrit portant sur différentes
notions abordées au cours des leçons, dont celle du "marcher".
L'élève devait expliquer la règle. Seuls 4 élèves ont écrit des
réponses complètement justes ; 12 réponses révélaient une
compréhension à peu près satisfaisante de la règle, 8 réponses
étaient totalement fausses. Nous avons alors procédé à une
lecture croisée de leurs productions. Les élèves ont sélectionné, à
ma demande, quatre réponses dont la lecture et la compréhension leur
paraissaient difficiles et nous les avons écrites au tableau. Ensuite les
élèves ont, par deux, réécrit la règle en y apportant les corrections
qui leur paraissaient utiles, tant au niveau de la forme que du fond. Les
proposions de réécriture ont donné lieu à débat, les élèves ont
tous participé. J'ai réalisé à ce moment là, les difficultés
rencontrées par les élèves au niveau de l'écriture et la confusion
qu'ils établissaient entre les mots et les concepts. Pour eux, un appui
était un pas. Au mot « marcher » était liée la notion de déplacement...
Le passage par l'écrit a mis en évidence la nécessité de rigueur. Cette
séance a eu lieu en octobre. En mars, j'ai saisi l'opportunité d'une
séance de piscine annulée pour renouveler l'expérience . Quatre
élèves ont encore rendu des réponses erronées ! D'autres étaient
encore bien maladroites. Nous les avons de nouveau corrigées et j'ai
interrogé ces élèves sur les raisons de leurs réponses. Il m'est
apparu alors que, pour eux, la notion de "plus de deux appuis"
avait été mal interprétée . D'autres encore ne comprenaient pas vraiment
l'intérêt d'un travail écrit en EPS, en Basket Ball particulièrement
puisqu'ils ne sont pas des spécialistes et qu'ils n'ont aucune vocation
particulière à le devenir ! J'ose espérer cependant que ces élèves garderont de cette règle une représentation correcte . A l'occasion du cycle de gymnastique qui a suivi
cette expérience j'ai eu le sentiment que les élèves portaient une
attention plus soutenue aux explications concernant les notions
fondamentales -alignement et gainage - liées à l'A.T.R ( appui tendu
renversé), exercice-clé pour cette discipline sportive. . Je leur ai ensuite demandé
de formuler par écrit les
exigences liées à la réalisation de l'appui tendu renversé ; j'ai
obtenu 20 réponses positives sur 24. Il semble donc qu'une certaine
compétence à verbaliser a été développée et il me paraît
intéressant de poursuivre ce travail sur une même classe conjointement
avec des collègues.
Trop
d'échecs sont en effet
encore relevés. Ceux-ci ont pour effet de décourager l'élève et de lui
faire fuir la situation vécue, ce qui se traduit par une attitude
agitée, un travail non fait, des oublis de toutes sortes, un refus de se
situer. Il est donc nécessaire d'en rechercher les causes et d'essayer de
comprendre les raisons de ces échecs : pourquoi, alors que toutes
les explications sont données en cours, répétées plusieurs fois et les
leçons apprises, certains résultats restent-ils décevants ? La
représentation que se fait l'élève de l'information, au moment où il
la reçoit peut varier considérablement de
celle de l'enseignant, au point d'engendrer des erreurs que
l'élève apprend , persuadé qu'il a bien compris. Ces difficultés
semblent liées à la méconnaissance de la polysémie interdisciplinaire mais aussi du contexte social, affectif et culturel de
l'élève . Je me suis engagée en qualité de professeur d'E.P.S et de
professeur principal dans le travail sur la maîtrise des langages pour partager et échanger avec
les collègues des autres disciplines, des expériences autour de la
pratique d' une autre démarche pédagogique.
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Pour
aborder le thème de la liberté et des droits en éducation civique dans
une classe de 4ème aide et soutien, j’ai choisi de partir de leurs
représentations et de suivre ces représentations tout au long du
travail. La
liberté est justement, chez ces adolescents en échec scolaire et souvent
familial, un des thèmes sur lesquels les représentations sont passionnées et
tenaces. Il s’agit de les faire passer de la liberté rêvée de l’instant,
faite d’enfantillages, de révolte et de provocation, surtout face au
« prof », grand fossoyeur de liberté (cf.
première série de textes de l’annexe7),
aux « Libertés », celles qui sont à la fois individuelles et
collectives, se traduisent par des droits, sont objets de conquêtes
historiques et quotidiennes, ont une dimension universelle et s’appuient
sur des textes-références.
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Avant
même d’aborder le sujet, la première écriture individuelle « La
liberté, pour moi, c’est…” est spontanée, du type
« sondage ». Au cours suivant, je présente les textes obtenus
au tableau (synthèse annexe
6) et chacun est invité à réagir librement. Un vif débat ne
tarde pas à s’engager entre tenants de la liberté absolue et
éléments minoritaires osant invoquer des limites à ce bien sacré. Les
exemples et les contre exemples, parfois empreints de hardiesse
(« peut-on se promener tout nu dans la rue ? »), fusent
dans la classe et mon rôle se borne après avoir noté la contradiction
centrale au tableau, à reprendre quelquefois le propos pour ralentir les ardeurs ou marquer
les étapes. Cette phase apparemment déroutante semble nécessaire pour que les
enfants entrent dans la complexité du concept de liberté et affinent
leur première représentation. Suit
un deuxième écrit sur la liberté, à la maison cette fois, guidé par
des questions. On note l’évolution : la notion de limite intervient
clairement dans presque tous les textes, chacun ayant glané dans l’échange,
l’élément qui lui convenait. L’aspect immédiat et enfantin de la
liberté est en fort recul. Seuls les trois textes 6,10 et 12 dénotent mais sont significatifs. Le
premier est celui d’une élève dont le travail à la maison est
fortement guidé par les parents qui ne comprennent pas forcément l’esprit
de ce qui est fait en classe. Les 10 et 12, probablement copiés dans un
dictionnaire, sont le fait de deux élèves qui évitent, chaque fois que
c’est possible, tout engagement personnel.
La
réflexion rebondit, dans les cours suivants, sur cette contradiction
entre libertés et limites, avec des travaux plus conventionnels s’appuyant
sur des documents divers et dont l’objectif est de préciser les notions
tout en apportant du vocabulaire. Chaque fois, les conclusions sont
formalisées en de courts textes que l’on encadre. On découvre ainsi qu’il
y a « des libertés », qu’elles portent un nom, qu’elles
peuvent entrer en rivalité, que la loi en fixe les limites et que la
justice règle les conflits. C’est aussi l’occasion d’expliquer l’existence
de trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). Je choisis alors
ce moment pour aborder la DDHC et la DUDH que j’introduis par une
question : depuis quand ces libertés et ces droits
existent-ils ? Toutefois, si les élèves comprennent bien le sens de
cette interrogation, ce n’est pas la leur et elle ne suffira pas à leur
faire aborder ces textes difficiles qu’il faut tenter de problématiser.
J’essaye
alors de piquer la curiosité des élèves en faisant le pari que ces
textes sont si importants qu’ils y trouveront la réponse aux questions
qu’ils se posent ; la proposition étonne : on est prêt à
tester ! Chacun doit donc lister pour le cours suivant les questions
qu’il se pose à propos des conclusions partielles écrites et
encadrées en classe. Par groupes de 4, les élèves, rassemblent ensuite
leurs questions, les précisent puis les proposent à la classe : la
liste est assez décevante... Les questions sont pauvres et ne sont
souvent que la mise sous forme interrogative des affirmations notées sur
le cahier tant il est difficile pour des élèves en difficulté d’aller
vers l’inconnu, de poser des questions dont ils ignorent la réponse... Quelques pistes s’ouvrent
cependant et sont notées au
tableau. Nous répartissons alors la lecture des articles de la DDHC (un
ou deux par élève, le vocabulaire difficile étant fourni par ailleurs),
puis nous les invitons à prendre la parole dès qu’ils pensent avoir
trouvé dans leur lecture la réponse à l’une des questions posées.
Ils se piquent au jeu et en deux heures, au fil des interventions, nous
avons l’occasion de commenter les principaux articles de la
déclaration. Pour le cours suivant, les élèves sont invités à
chercher chacun dans la DUDH, trois articles reprenant ceux de la DDHC et
trois articles s’en distinguant.. ce qui permet de situer une
déclaration par rapport à l’autre. D’Amnesty
international au règlement intérieur et à la loi Le
cours se poursuit sur le même principe : la mise en questionnement d’un
document. C’est d’abord une affiche d’Amnesty qui est
problématisée pour vérifier la compréhension de l’action de l’ONG
après la rencontre avec l’un de ses représentants. Puis il s’agit d’éclairer
l’article particulièrement difficile de la DDHC affirmant que le but de
toute association politique (= tout Etat) est la conservation des droits.
Là encore, cette idée va à l’encontre de bien des idées reçues
(représentations exprimées cette fois oralement) : l’Etat est d’abord
perçu comme générateur de contraintes. La question est abordée à
partir d’un extrait du règlement intérieur du collège, également
« contraignant », et dont on a enlevé le préambule pour le
laisser deviner (annexe 6).
Au
total, c’est un long travail qui voit l’enthousiasme des troupes s’effriter
en fin de parcours ; faire court est une nécessité difficile à
respecter dans ces classes faibles, vite lassées, mais dont les
représentations pourtant sont particulièrement rigides et pesantes. Le
travail ne semble pourtant pas vain. Si l’investissement sur le
règlement intérieur et l’Etat est décevant, jamais je n’avais vu
classe aussi active sur un texte aussi rébarbatif que la DDHC. Des
représentations enrichies mais des manques prévisibles Les troisièmes textes écrits
après le contrôle sont significatifs des acquisitions faites mais aussi
des manques. (annexe 7) Première
remarque que l’on pourrait juger surprenante : à quelques
exceptions près, on retrouve dans les représentations de chacun des
constantes, des idées chères à chacun, exprimées avec les mêmes mots
souvent, à deux mois d’intervalle. (Elles ont été soulignées dans
les trois textes). Cela nous montre de fait que les élèves ont réussi
à construire une définition plus acceptable de la liberté à partir de
leurs premières représentations : ils semblent les avoir enrichies
sans les renier totalement. La plupart des élèves ont
intégré le fait qu’il y a plusieurs libertés. Ils les associent aux
droits, à la loi et en mentionnent des limites. Leur discours atteint une
dimension générale : deux élèves seulement en restent à leur
première représentation enfantine (le 10 et le 12) qui, déjà, avaient copié leur deuxième texte dans un
dictionnaire : timides, en grosses difficultés, ils ne parviennent
pas à évoluer de peur de « se mettre en danger ». Certains
ont même acquis un vocabulaire « technique », qui demeure
cependant souvent hésitant. Quelques élèves, peu nombreux, citent les textes de référence.
Est-ce à dire que les autres élèves n’ont pas intégré ces textes
dans leur univers de référence ou que la formule « la liberté,
pour moi, c’est… » les poussait vers une subjectivité
trompeuse? De
la même manière, les notions d’Etat protecteur des droits, et de
règlement garant d’une vie collective harmonieuse apparaissent peu dans les écrits. La fin de ce
travail a été plus subie qu’activement vécue par les élèves.
Ensuite
cette séquence montre que la mise en questionnement des élèves est
indispensable pour les
mobiliser, donner du sens à des apprentissages parfois rébarbatifs, les
pousser à construire eux-mêmes leur cheminement vers les connaissances. Enfin
ce travail nous confirme ce que nous avions déjà perçu : dans des
classes en difficulté, les séquences d’apprentissage doivent être
impérativement courtes, même si les démarches y sont particulièrement
lentes.
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Cette séquence s’inscrit dans un travail sur le texte narratif qui a fait l’objet de plusieurs séquences en classe de 4ème, destinées à accroître les compétences de l’élève en matière de narration et à lui faire prendre conscience de la diversité de ce type de discours
L’exercice qui suit avait pour but de transposer une nouvelle inspirée d’un fait réel : L’agonie de la Sémillante en un article de presse, tel qu’il aurait pu figurer dans un journal de l’époque... Trois consignes ont été données, respecter la mise en page de ce type d’écrit, temps des textes : respecter la situation d’énonciation, respecter les faits donnés par la nouvelle. Après une phase de préparation collective où est définie la situation d’énonciation, où est observé un article de fait divers dont on reconnaît la structure : le titre, le chapeau, le corps de l’article, où est mise en place la notion de circuit court de lecture, les élèves écrivent une première version du fait divers. La première difficulté que l’élève avait à surmonter était de discriminer, dans la nouvelle, les événements cohérents avec l’énonciation de l’article. .Les écrits sont ramassés et examinés selon deux axes. Sont relevées deux types d’erreurs 1er type : Les erreurs d’énonciation : Ce que peut savoir le journaliste au moment où il écrit ? Quelques copies ont reproduit des passages intégraux de la nouvelle : ceux de la deuxième partie qui suivait l’ordre chronologique des événements et qui était une reconstruction imaginaire par le narrateur des attitudes des hommes au moment de la catastrophe. D’autres annoncent déjà l’existence du cimetière de marins morts dans la catastrophe :
Des événements qui n’étaient que des suppositions, des commentaires du narrateur second Lionetti sont devenus de faits avérés et donnés comme des informations. Quelles sources d’information et comment les citer ? Beaucoup ont pensé aux témoignages (les témoins étant les narrateurs seconds de la 1ère partie de la nouvelle) mais le contenu est souvent trop long, la façon de les insérer n’est pas très habile et leur place dans l’article n’est pas très pertinente donc leur rôle n’est pas encore bien perçu Les déictiques personnels (pronoms personnels de la première personne : locuteur, de la deuxième personne : interlocuteur) Je repère les copies où le journaliste parle en son nom à je et où il s’adresse aux lecteurs. L’emploi des temps des récits ancrés dans la situation d’énonciation 2ème type : Les erreurs de composition La plupart des élèves ont acquis la structure de l’article de presse. Cependant la répartition de l’information entre le chapeau et l’article est très maladroite ou bien le chapeau est incomplet. ou bien les chapeaux sont trop précis et de ce fait, l’article ne fait que le répéter. Un article était accompagné d’une carte des îles Lavezzi Une 2ème séance de deux heures vise à leur faire repérer et identifier le type d’erreur et à leur faire chercher des solutions. La première heure, les élèves en groupe analysent les passages sélectionnés par mes soins qui comportaient les différents types d’erreurs analysées ci dessus. Cette analyse est guidée par un questionnaire(annexe 8). Ils repèrent les passages qui contreviennent à l’énonciation et à la composition d’un article de fait divers. Ils proposent quelques solutions pour mieux insérer les témoignages, pour éviter l’intervention explicite du journaliste et des lecteurs. Concernant la structure de l’article, je leur ai demandé de repérer l’ordre des événements adopté dans les articles proposés et de discriminer celui qui leur paraissait plus conforme à ce qu’un lecteur attendrait, c’est à dire l’ordre : catastrophe et bilan puis récit chronologique. Chaque groupe a présenté le fruit de ses observations et réflexions, confirmées ou infirmées par les autres groupes avec justifications. Un groupe ne rapporte pas toutes les questions mais l’ensemble des questions est rapporté par tous les groupes. La deuxième heure est consacrée à l’étude et l’observation d’un article de presse : Le but est de montrer comment le spécialiste a résolu les problèmes qui ont été pointés dans les textes d’élèves et résolus par intuition et tâtonnements. Article : La catastrophe du Kitzsteinhorn, en Autriche, a fait au moins 155 victimes de Joëlle Stolz Le Monde 14 novembre 2000. Fiche d’observation en annexe 9. Sont réinvestis et complétés les acquis initiaux concernant l’organisation de l’article de presse. Est mise en place la notion de modalisation (expression de l’incertitude) : comment le narrateur se situe-t-il par rapport à ce qu’il raconte ? La neutralité du journaliste est-elle possible ? ; A la suite de cette séance, les élèves récrivent leur article qui est alors évalué selon les critères qui reprennent les différents points : les faits, l’énonciation, l’organisation de l’article.
La deuxième mouture n’est pas encore parfaite, on constate notamment encore beaucoup d’erreurs dans la manipulation des temps des récits ancrés dans la situation d’énonciation. Il est difficile de lutter contre le réflexe scolaire qui associe récit et passé simple. Des progrès tangibles ont été effectués dans la répartition de l’information, dans l’organisation de l’article, dans l’insertion des témoignages Des procédés de modalisation ont été utilisés pour pallier le manque d’informations précises ou pour appuyer une hypothèse. En annexe 11, un devoir et sa réécriture. Analyse critique de la séquence L’analyse par le groupe classe de son écrit est valorisant pour l’élève scripteur qui voit son texte choisi (même pour ses imperfections) et qui voit, après analyse, la façon de le reprendre. Il acquiert ainsi la distance critique nécessaire qu’il n’aurait pas pu avoir seul sur son texte. Quant aux écrits non sélectionnés pour la correction mais annotés par le professeur, ils peuvent être eux aussi réécrits par leurs auteurs, ceux ci comprenant mieux les annotations après le travail en commun. Cependant, même si globalement les objectifs ont été atteints, je pense que tout d’abord, il faudrait prendre le temps de faire précéder la réécriture d’une fiche de réécriture ou de relecture libellée ainsi (annexe 10). En effet, ce texte était un texte complexe et l’élève, même s’il a pris conscience des problèmes, ne peut les résoudre tous en même temps. La fiche lui facilite donc la tâche en lui rappelant une certaine marche à suivre. D’autre part, la phase d’observation des corpus d’élèves a été trop guidée parce que j’ai voulu pointer tous les problèmes et les sérier. Une découverte naïve des textes d’élèves par les élèves et une approche en termes de réussite et de non-réussite suivie d’une justification aurait été encore plus formatrice pour eux, moins technique. Cette approche a utilisé une démarche mi-inductive et mi-déductive et elle n’a pas suffisamment permis à tous les élèves de s’approprier la technique d’écriture journalistique. En quelque sorte, elle a été trop formaliste.
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III - Du coté des profs : notre
vécu
«Il est un point d’appui
pour se lancer dans une nouvelle démarche » « Il
permet de rompre l’isolement et de susciter une motivation » « Cela
permet de mieux cerner les exigences de sa discipline et de celles des
autres » « Il
faut accepter de remettre plus souvent en cause sa démarche
pédagogique » « Cela
m’a conduit à une formulation plus précise des consignes et des
questions posées, ainsi que dans le choix du vocabulaire employé »
« Une
tentative de mettre en oeuvre des démarches permettant d’aider les
élèves, de leur donner confiance » « Les
observer, les accompagner, les écouter, prendre en compte leurs
difficultés et leurs représentations » « Découverte
de la possibilité de cerner les différentes stratégies d’apprentissage
et d’écriture employées et cerner les obstacles qu’ils peuvent
rencontrer » « Tout
texte d’élève devient significatif, intéressant » « Pour
enseigner, il faut comprendre l’ élève; le comprendre c’est savoir
ce qu’il ressent, c’est connaître ce qu’il pense, c’est déceler
ce qu’il veut, c’est estimer ce qu’il peut » « Sentiment
d’enfin mieux comprendre les spécificités de ma discipline...avoir
envie de partager cette vision du monde que je cerne mieux »
«
J’ai le sentiment de m’être dispersée en travaillant sur 2 niveaux
différents » « Etre
plus efficace dans cette démarche » « La
gestion de la classe , des programmes, du temps personnel sont
difficiles » « Problème
de la charge de travail et de la nécessité de réagir dans des délais
courts entre deux cours » « Les
élèves studieux acceptent de jouer le jeu mais je n’ai pas constaté
de progrès sensibles dans les résultats des élèves en
difficulté »
« Découverte
des pièges de notre logique de spécialiste »
« Leur
donner du temps pour les acquisitions » « Leur
faire construire leur pensée et les faire verbaliser » « Décomplexer
l’élève par rapport à l’écrit, le mettre en situation de
production et de communication de ses écrits, l’ élève prend
conscience par les critiques positives apportées par le groupe qu’il
peut revenir sur son écrit, le reprendre, le rendre plus efficace
» « Les
faire travailler sur leurs erreurs, leur faire trouver les critères de
réussite (texte, méthode) » « Dans
l’ensemble la démarche est bien acceptée, ils sont même demandeurs
sauf si c’est trop long » « Le
transfert de la démarche est possible d’une discipline à l’autre, ou
à l’intérieur d’une discipline, mais parfois il est
difficile »
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Liste des membres de l'équipe ayant réalisé cette
monographie :
ALVAREZ Chantal |
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